On connaît la chanson. Quoi de mieux qu’un homme providentiel ? Rien selon les apôtres des primaires. Et compte tenu de l’exemple de 2012 qui nous a donné Hollande, on peut mesurer le résultat que donne la méthode. L’objectif majeur est de donner une légitimité au candidat pour booster sa campagne.

Une légitimité démocratique façon bidon bien sûr. Ça ressemble à la démocratie mais finalement c’est rarement le cas et ce que l’on voit le plus souvent est que celui qui a le plus gros budget peut obtenir les meilleurs résultats. C’est souvent le cas aux États-Unis. Avec parfois des surprises.

Les apparences sont démocratiques mais quatre ans après, on a une vraie catastrophe

Pourtant en 2012, en France, les apparences étaient là : un large choix, des débats télévisés, un premier tour largement couvert par la télé et les médias pour aboutir à un deuxième tour entre Martine Aubry et François Hollande. Mais surtout aujourd’hui, quatre ans après, on a abouti à une vraie catastrophe : Hollande, le gagnant a largement accentué les dégâts de Sarkozy et a mené une des pires politique de la Ve République. Il a installé tous les outils pour une régression majeure de la démocratie avec en prime un premier ministre quasiment réactionnaire.

Les primaires ne sont pas réservées à la gauche et on les trouve aussi à droite chez Les Républicains. On sait d’avance que toute l’année 2016 sera l’année des primaires. Les candidats sont déjà dans les starting-blocks. Les meetings sont quasiment quotidiens, les livres arrivent en piles chez les libraires et d’après les médias, ils se vendent comme des petits pains. Avec en prime, une image de légitimité qui est la marque de l’homme providentiel comme la Ve République les aime.

L’origine des primaires vient des États-Unis où elles se déroulent tous les quatre ans l’élection du président. Cette année c’est Trump, un milliardaire grossier et tonitruant qui est devenu « l’homme providentiel » des républicains avec des déclarations ultra réactionnaires, racistes et xénophobes qui lui ont fait obtenir une image « populaire », à défaut d’être démocratique, auprès des masses nord-américaines en plein désarroi depuis la crise des subprimes.

Du coté démocrate, la surprise vient de Bernie Sanders qui fragilise Hillary Clinton en faisant quasiment jeu égal à quelques dixièmes près dans l’Iowa et ensuite en gagnant largement dans le New Hampshire. Mais ce résultat, pour un candidat qui se déclare « socialiste » – dans un pays où il s’agit d’un gros mot – est le produit d’une campagne populaire de la jeunesse qui a transformé une « candidature de témoignage » en un moment de mobilisation intense qui déjoue toutes les prévisions des médias et de la structure bureaucratique du parti démocrate. Il faut attendre la suite pour voir si l’essai pourra être transformé. Il est d’ores et déjà accusé d’être populiste et la presse part à la recherche de deux candidats providentiels pour éviter le risque d’une candidature vraiment démocratique.

Produire un homme providentiel …

Il reste que la logique des primaires est de produire un homme providentiel, ce qui va à l’encontre d’un choix démocratique sur le projet. À défaut d’être providentiel, Hollande voudrait bien apparaître comme le dernier rempart face à Marine Le Pen et dans ce cas, il lui faut être présent au deuxième tour ce qui n’est pas joué tant son bilan est catastrophique.

Dans cet imbroglio impressionnant, des voix se lèvent pour réclamer « une primaire » à gauche. Sans le dire il s’agit d’éviter la candidature de Hollande : « tout sauf Hollande », rien de plus. Le projet et le programme sont autant de questions qu’il vaut mieux éviter de débattre. Faute de Hollande, il leur faut un homme (ou une femme) providentiel-le et les primaires leur semble être LA solution.

Le Piège de la primaire et de l’homme providentiel sans primaire

Et même si cela se passe à gauche, on est loin d’un projet démocratique que seul un large mouvement, qui débatte du projet et du programme, peut produire et ceci pour une raison simple qui est, dans la logique de la Ve République voulue par De Gaulle, de ramener la politique à une relation de soumission entre le peuple et le chef. Ce qui conforte un peu plus l’hostilité que l’on peut avoir sur les primaires qui constituent véritablement un piège pour la démocratie.

Le pire est que le contraire, c’est-à-dire une candidature (sans primaire) mais surtout sans débat sur le projet, revient au même résultat : un homme providentiel. C’est dire si la méthode est antidémocratique.

Remettons tout à l’endroit. L’homme providentiel est bien sûr le contraire de l’autogestion et est aussi le contraire de la démocratie. Avec les primaires et l’homme providentiel, le « compte » n’y est pas, loin de là.

La lettre du mois de février