La Maison du peuple de Saint-Claude est l’un des derniers témoins bâtis de l’histoire du mouvement ouvrier dans le Jura. Dévolue aujourd’hui à l’animation culturelle, elle conserve une dimension patrimoniale forte pour perpétuer la mémoire de son action coopérative au service des syndicalistes, mutualistes, coopérateurs et autres animateurs du combat ouvrier. Elle pérennise dans ces murs l’action d’éducation populaire portée autrefois par les maisons du peuple et les bourses du travail.
Son histoire est indissociable de celle de la coopérative La Fraternelle. Celle-ci s’inscrit en droite lignée d’un cercle ouvrier fondé à la fin des années 1870, transformé en coopérative d’alimentation en 1881. Ses statuts rédigés en grande partie par le socialiste Henri Ponard la distinguent, ses ambitions surpassent largement les contours de la simple coopérative ouvrière et visent à l’émancipation des travailleurs. Ils portent à l’époque des pratiques d’auto-organisation révolutionnaires : ils prévoient ainsi que les bénéfices générés par la vente des produits seront intégralement reversés à une caisse sociale permettant la mise en place de services de prévoyance, de secours, de retraite et d’entraide avec les autres coopératives. Ces caisses de solidarité, préfigurations de la Sécurité sociale mise en place quelque cinquante ans plus tard visent également à abonder un fonds de mécénat culturel et sportif au service de l’éducation populaire.
Les coopérateurs s’inspirent des Vooruit –les maisons du peuple belges nées à Gand et à Bruxelles– et acquièrent un bâtiment au cœur de la ville de Saint-Claude qui accueille les boutiques et les foudres de vin des coopérateurs. Mais l’ambition est autre, et bientôt les locaux sont agrandis. En 1910, Jean Jaurès vient inaugurer la Maison du peuple, « bâtie pour le socialisme de demain ». Forte de ce parrainage de prestige, elle accueille sur 4000 m2 une épicerie, une boucherie, une charcuterie, des fours, des caves à vin et à fromage,… En parallèle de cette activité commerciale qui permet à la coopérative une solide indépendance financière, s’établit un projet social d’envergure : elle accueille au fil du temps une bourse du travail, un théâtre, un cinéma, une bibliothèque, l’unique salle de sport de la ville et crée la première pouponnière qui permettra de faire chuter de manière spectaculaire la mortalité infantile. En 1908, une pharmacie mutualiste y voit le jour. Elle se dote également d’une imprimerie qui passe sous presse le Jura Socialiste, un hebdomadaire régional dont il est possible de consulter les exemplaires sur le site Gallica. La Maison abrite en plus du siège du Parti socialiste local l’ensemble des organisations ouvrières jurassiennes.
L’activité économique s’avère florissante jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. De nombreux membres de la Fraternelle seront alors déportés payant leur implication dans la Résistance. La Maison ravitaille les habitants et les maquisards, édite des tracts et journaux clandestins. Certains de ces membres sont actifs dans l’organisation d’une partie des maquis du Haut-Jura et de l’Ain.
Elle connaîtra ensuite un long déclin de ses activités, entre 1975 et 1985. Avec l’avènement de la grande distribution, la plupart des coopératives doivent mettre la clef sous la porte. Les années 1980 voient la fin d’une utopie. En 1984 les administrateurs des coopérateurs du Jura contraints à la fusion créent une association, La Fraternelle, à laquelle ils confèrent la propriété de la maison et la mission de « perpétuer le souvenir de l’action » et d’«assurer la pérennité et la continuation» de cette action, surtout dans le domaine de l’«éducation populaire».
Les activités de l’association s’orientent désormais vers l’action culturelle et patrimoniale. Le bâtiment inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques compte aujourd’hui plusieurs espaces dédiés au théâtre, à la danse, au cinéma (3 salles classées art et essai), aux arts plastiques… Une artothèque propose le prêt ou la vente d’œuvres d’art, un fonds principalement constitué des estampes réalisées à l’atelier de sérigraphie par des artistes de passage, en résidence ou via des coproductions avec d’autres structures. Allez jeter un coup d’œil au catalogue, certaines des œuvres proposées ponctuellement à la vente présentent réellement un grand intérêt graphique.
L’association, fidèle à sa vocation première entend valoriser son passé ouvrier, industriel, coopératif, mutualiste, syndicaliste et politique haut-jurassien. Elle conserve un important fonds d’archives de coopératives, syndicats, mutuelles, groupements politiques, culturels, sportifs sur 250 mètres linéaires. Elle participe aux réseaux national et international des centres de documentation en histoire sociale (CODHOS, IALHI, AMSAB). Elle accueille toute l’année des chercheurs et étudiants qui peuvent consulter le fonds classé et inventorié. L’association organise en direction des classes d’élèves de tous niveaux des visites commentées et réalise des expositions temporaires, des conférences et débats. Vous pourrez aussi trouver sur la boutique du site internet de la maison une série de publications réalisées par les membres de l’association qui permettent d’entrer plus avant dans l’histoire de la Maison et contribuent à maintenir vivant le souvenir d’une expérience ouvrière singulière.
La Maison du Peuple
12 rue de la Poyat
39200 ST CLAUDE
la.fraternelle (at) maisondupeuple.fr
www.maisondupeuple.fr
Tel : 03 84 45 42 26