Après le dépôt de bilan de SeaFrance en juin 2010, la compagnie de ferries trans-Manche Calais-Douvres se trouve face à une alternative : le rachat de la société par DFDS, opérateur danois qui démantèlera encore plus l’entreprise pour récupérer ses actifs les plus rentables au mépris des personnels ou la reprise de l’entreprise par ses salarié-es sous forme de Scop.
Le 16 novembre prochain, le tribunal de commerce de Paris devra statuer sur deux offres de reprise de SeaFrance, compagnie assurant la liaison trans-Manche Calais-Douvres, filiale de la SNCF, placée en redressement judiciaire depuis juin 2010. La première offre vient d’un consortium composé pour 85% du groupe danois de ferries DFDS et de 15% de Louis Dreyfus Armateurs. La seconde, plus inhabituelle, vient des salarié-es et tout particulièrement de la section CFDT, ultra-majoritaire dans l’entreprise : elle vise à reprendre l’activité sous forme de Scop (Société coopérative et participative).
Suite à la crise financière, SeaFrance a été affaiblie par un ralentissement de la demande en 2008-2009. En 2008, l’entreprise a perdu 20 millions d’euros et 3 millions tous les mois à partir de 2009. Dans le cadre du redressement judiciaire, la direction mettra en place un plan de redressement aboutissant à la suppression de plus de la moitié des effectifs d’environ 1600 emplois. Selon Didier Cappelle, délégué CFDT du personnel, « Guillaume Pépi, président de la SNCF, s’était engagé à reclasser 413 personnes au sein du groupe. La réalité est qu’aucune personne n’a retrouvé de poste à la SNCF ». A noter que 186 personnes sont parties avec des indemnités inférieures à 10 000 euros. C’est sans doute ce qui explique que 330 salarié-es contestent leur licenciement et qu’un jugement prudhommal sera rendu les 24-25 janvier prochains.
Alors qu’une recapitalisation de l’entreprise par la SNCF était indispensable pour sortir de la procédure de redressement judiciaire, celle-ci a été repoussée par la Commission européenne comme non conforme aux règles européennes de la concurrence. Elle exigeait la remise en cause des statuts des personnels avec un allongement de la durée du travail et une perte de revenus de 8,23%. Selon Didier Cappelle « la SNCF a tout fait pour que la recapitalisation de l’entreprise soit repoussée. SeaFrance a volontairement été démolie par sa maison-mêre qui estimait que cette activité ne rentrait pas dans son cœur de métier ».
L’offre de reprise de DFDS correspond à un souhait de faire main basse à bon compte sur une flotte de navires existants et d’assurer un service des plus minimums entre Douvres et Calais, service dont le seul objectif est de générer des flux de trésorerie pour le groupe. Son plan de reprise inclut 420 nouvelles suppressions d’emplois ainsi que l’augmentation des temps annuels de travail de 1607 à 1815 heures. A noter que cette compagnie opère déjà entre Douvres et Dunkerque avec des navires où l’équipage est constitué de sept nationalités différentes. Que deviendront les personnels encore en poste à SeaFrance ?
C’est dans ce contexte que la section CFDT de l’entreprise propose une reprise en Scop de l’entreprise avec le maintien de l’ensemble des 870 salarié-es de l’entreprise. Cette proposition a immédiatement reçu le soutien de 550 salarié-es déjà adhérents de ce projet qui ont chacun-e souscrit au capital de la future entité. Il reste maintenant à trouver les capitaux que Didier Cappelle évalue de 20 à 25 millions d’euros pour démarrer. « Avec un besoin en fonds de roulement négatif, les capitaux à rassembler restent raisonnables. De plus, la présence de navires à l’actif du bilan offre une garantie sérieuse pour les créanciers. » C’est ainsi que la région Nord-Pas-de-Calais est sollicitée pour constituer un pool de prêteurs qui pourront donner une nouvelle vie à cette entreprise et par là-même maintenir l’emploi maritime dans le Calaisis.
Souhaitons bonne chance aux salarié-es de SeaFrance et rendez-vous le 16 novembre, date du jugement du tribunal de commerce de Paris.