1936, le Front Populaire, 1936, la révolution républicaine espagnole, 2016 était riche d’invocations mémorielles pour le mouvement ouvrier. Le week-end des 17 et 18 juin 2016, l’association Jiras en Aymare, nous a fait revivre une page de l’histoire des exilés républicains telle qu’elle pris corps dans ce petit coin du Lot qui accueillit la collectivité libertaire d’Aymare. Elle dresse un pont qui la relie aux collectivités d’hier et d’aujourd’hui et invite à faire la fête pour des lendemains meilleurs. Au Château d’Aymare, le lieu qui accueillit pendant près de trente ans une petite communauté utopique et autogestionnaire.
Dans le Lot, ce domaine agricole de 120 hectares a été le théâtre d’une expérience historique singulière. Des exilés républicains anarchistes de la SIA (Solidarité Internationale Antifasciste) et du MLE (Mouvement libertaire espagnol) en ont fait l’acquisition en 1939. Elle avait initialement pour fonction durant la retirada d’accueillir les exilés libertaires et de les exfiltrer des camps d’internement en leur offrant un emploi et un statut. La plupart de ses occupants étaient membres de la célèbre colonne Durutti. La guerre viendra compliquer leur installation, et ce n’est qu’en 1949 avec l’appui de la CNT espagnole qu’elle formalise dans ses statuts la création d’une colonie régie par les principes du communisme libertaire : autogestion, égalité de salaires, abolition de la notion de profit, égalité entre les sexes… L’expérience perdurera jusque dans les années 1960 et bien que méconnue aura fait la démonstration d’une utopie concrète appuyée par des émanations originales. Une radio clandestine émettra durant quelques mois pour porter en Espagne la parole de la résistance au franquisme. Un dispensaire accueillant des malades et mutilés de guerre y figurera une expérience moderne d’autogestion médicale. De nombreuses rencontres, débats, y ont eu lieu. Des rencontres internationales et festives y réuniront des foules immenses.
Le terme jiras, inconnu des dictionnaires est issu de la terminologie propre des libertaires et anarchistes espagnols et désignait des moments de vie collective. L’association entend interroger les persistances de ce modèle, invite à faire un pas de coté pour faire mémoire et témoigner « que lorsque les combats sont perdus militairement ils ne sont pas perdus dans l’histoire des hommes et des femmes et peuvent vivre concrètement à l’écart de la société ». L’association inscrit cette expérience dans une perspective historique, dressant le parallèle avec les luttes du Larzac, de l’usine LIP, des ZAD pour parvenir à une gestion partagée et non autoritaire de la vie collective.