Si comme nous rappelle Franck Gaudichaud « la région n’a pas pour autant connu d’expérience révolutionnaire au sens d’une rupture avec les structures sociales du capitalisme périphérique », les nombreuses mobilisations, les expérimentations sociales, y compris dans leurs versants institutionnels, les affrontements partiels avec la logique marchande du capital secouent l’ensemble du sous-continent. S’il est « indispensable de prendre en compte la temporalité propre de la région (bien qu’intégrée à un tout mondial) et ses formations sociales spécifiques », dont ce que l’auteur nomme « Amérique indo-afro-latine », les formes de « poder popular », les expériences en cours « esquissent la cartographie, morcelée, d’autres mondes possibles ». Nous devrions les étudier comme des processus naissants « des entrailles même des conditions matérielles et subjectives du capitalisme latino-américain, de sa violence, de son exclusion, dans lesquels ils sont immergés ». Loin des simplifications, « nous sommes face à un sujet émancipateur pluriel et complexe ».
Franck Gaudichaud discute aussi du pouvoir, du « changer le monde en transformant le pouvoir et… la société », des gauches gagnant le gouvernement, « sans que le peuple ne gagne pour autant le pouvoir, ni que cela ne signifie un processus de rupture » en citant Éric Toussaint. Si la question n’est pas la réalisation immédiate d’un autre monde possible, il s’agit cependant bien « de son commencement, condition essentielle pour toute avancée future ». Et de ce point de vue, les questions du pouvoir, des pouvoirs sont incontournables.
« Ce petit livre collectif est une invitation au voyage, au débat le plus large et à penser d’autres possibles pour demain. Une invitation au « principe espérance » et à l’optimisme que défendait le philosophe Ernst Bloch, par delà les catastrophes et la barbarie qui guettent ».
Avant d’aller plus avant, je voudrai soulever un problème de terminologie, présente, entre autres, dans l’article d’Hervé Do Alto, mais qui parcoure bien des débats actuels. Il s’agit du concept d’ethnicisation. Je ne discuterai pas de la qualité ou des défauts du terme lui même, ni de celui d’ethnicité, mais des faibles contextualisations sur le sujet.
La communauté majoritaire se considère comme neutre (masculine) et universelle, sans couleur (blanche), sans « ethnicité ». Les dominé-e-s revolté-e-s se reconstruisent comme humain-e-s plus « complet-e-s », reformulent les caractérisations majoritaires, les stigmatisations, les effets de visibilité/invisibilité. De ce point de vue, « l’ethnicisation » des populations, de combats sociaux, « la remise en cause de la subalternité de groupes sociaux », sont aussi le dévoilement du faux universel de la communauté majoritaire, de l’ethnicité majoritaire. Il n’y a pas d’ethnicité sans relation aux d’autres ethnicités.
Sommaire :
Franck Gaudichaud : Pouvoirs populaires latino-américains. Pistes stratégiques et expériences récentes
Pauline Rosen-Cros : Quand le Mexique s’insurge encore
Hervé Do Alto : Indianisme et ethnicisation en Bolivie : vers une démocratie postcoloniale ?
Mila Ivanovic : Venezuela : démocratie participative en temps de « révolution »
Flora Bajard, Julien Terrié : Brésil : la Commune du 17 avril
Mathieu Le Quang : Équateur : écosocialisme et « bien vivre »
Anna Bednik : Quand l’agroécologie tisse « des liens qui libèrent » : une expérience colombienne
Sébastien Brulez : Contrôle ouvrier et autogestion : le complexe industriel Sidor au Venezuela
Nils Solari : Argentine : entreprises récupérées et innovation sociale et nouvelle approche de la richesse
Richard Neuville : Uruguay : quatre décennies de luttes des « sans terres urbains »
Jules Falquet : Les femmes contre la violence masculine, néolibérale et guerrière au Mexique
Je n’évoque que quelques éléments traités, sans précision des pays, dans ce riche petit livre : l’Assemblée populaire des peuples de Oaxaca et la production pour le bien commun ; la place des indigènes en Bolivie consubstantiel à la naissance de cet État ; l’etnicisation comme légitimation de la présence dans des espaces desquels les indiens occupaient une place marginale ; le rôle des paysan-ne-s ; les pratiques de participation et les conseils communaux ; l’acampamento urbain comme « projet d’émancipation de chacun.e en tant que sujet, mais aussi le devenir collectif » ; la mise en œuvre conjointe du droit au logement et du droit du travail ; l’écosocialisme et le « bien vivre » ; les biens communs mondiaux ; l’agroécologie et la recréation des « systèmes de vie » (« elle est vécue »comme un tout », comme un »système de vie », une façon de penser les écosystèmes et de penser en écosystèmes ») ; le contrôle ouvrier et l’autogestion ; la récupération d’entreprises ; les structurations sous forme de coopératives ; l’innovation sociale ; la rotation des postes d’animation ; les nouvelles approches de la richesse ; les coopératives de logement et le concept de propriété collective, etc.
Toutes ces expériences (re)créent et font vivre des liens « Des liens qui les constituent et qui leur donnent la force de construire. Des liens qui libèrent ».
En décalé avec les présentations des expériences d’auto-organisation, de réappropriation des biens, de réorganisations des relations sociales, mais paradoxalement faisant ressortir des carences de présentation en terme de genre, l’article de Jules Falquet sur les féminicides et la violence masculine au Mexique, n’en reste pas moins nécessaire. Car si les violences touchent l’ensemble des dominé-e-s, celles subies par les femmes le sont aussi et surtout parce qu’elles sont femmes. La dénonciation des violences sexuelles n’est pas un à coté des questions sociales, « la violence imposée par/pour la mondialisation néolibérale est essentiellement une violence masculine, raciste et classiste, qui indirectement et directement, frappe principalement les femmes, surtout les plus appauvries et racisées ». La lutte contre l’impunité « du continuum des violences physiques, sexuelles et économiques » est une des conditions de la possibilité même de reconstruction d’une hégémonie alternative pour l’émancipation de toutes et tous.
Des expériences d’émancipation en construction, à faire connaître très largement.
Les Cahiers de l’émancipation : Amériques Latines : Émancipations en construction
Coordonné par Frank Gaudichaud
Editions Syllepse Editions Syllepse – Amérique latine : émancipations en construction / France Amérique Latine, Paris 2013, 136 pages, 8 euros
Article original : http://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2013/01/10/des-liens-qui-liberent/
Passant d’un site à l’autre (entre autogestion.asso.org et celui de
Didier Epsztajn à savoir le blog « entre les lignes entre les mots »), j’ai peine à comprendre.
Il faudrait selon Didier Epsztajn éviter le « discours unique » et dépasser les contradictions archaïques, et sources de dissolution sociale.
Oui, certes, je partage ce point de vue.
Cependant, le blog de Didier Epsztajn ne prône sur certains sujets qu’un seul discours, sans laisser la moindre place à d’autres voix. Tandis que la modérateur de ce blog de Didier Epsztajn ne freine ou calme en rien l’emploi très fréquent d’insultes.
Je m’explique: sur le blog de Didier Epsztajn, les personnes clientEs de services sexuels sont très souvent appelés « PROSTITUEURS ».
Et ce blog de Didier Epsztajn ne ne laisse AUCUNE place à la voix des personnes qui travaillent dans le domaine des services sexuels.
Deux poids deux mesures, censure, contradictions, dites vous ?
Prenons comme exemple les articles sur le blog de Didier Epsztajn, au sujet des traductions de livres de Victor MALAREK et John STOLTENBERG (http://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com ).
Au-delà des éclairantes questions et suggestions que posent John STOLTENBERG sur la vision réïfiante des personnes dites « hommes » sur celles dites « femmes » dans le cadre du sexe, John STOLTENBERG a bel et bien été dans le « Board » (Conseil d’administration) d’un des plus gros et influent fonds de pensions des USA (AARP http://fr.wikipedia.org/wiki/AARP ), et ce pendant des années.
Là encore, tout unE chacunE sait les impacts destructeurs de ces multinationales de la spéculation, sur les personnes les plus défavorisées. Notamment les femmes.
A cet égard, jeter un coup d’oeil sur « AARP The Magazine » que dirigeait de 2004 à 2012 John STOLTENBERG, vaut le coup (sous l’ère Stoltenberg, évidemment):
http://search.aarp.org/browse?Ntt=women+2005
Pas glorieux, le féminisme de ce magasine, je trouve…
Pour la petite histoire, il y a quelques années j’avais évoqué ces informations auprès de francophones zélateurs de John STOLTENBERG .
Outre une volée de bois vert, tout m’à été dit pour que ces informations ne soit pas diffusées, gardées sous le boisseau.
Une sorte de PolitBuro en action.
Que John STOLTENBERG ait été un grand capitaliste serait-il tabou, ou mauvais pour le commerce ?
Mais pour autant, serait-il logique de bannir John STOLTENBERG de nos lectures, de ne pas l’étudier avec attention, ouverture ?
Non, je crois que tout ceci n’aurait pas de sens.
Quant à Victor MALAREK, cette personne semble elle aussi bien être (selon http://en.wikipedia.org/wiki/Victor_Malarek ) de l’élite blanche, érudite, masculine, pas trop pauvre, valide,
Et « senior reporter for CTV Television’s W-FIVE », etc…
Donc bel et bien un décideur ou cadre supérieur de la TV.
L’accorche du livre de Victor MALAREK commence comme ça:
« Les PRSOTITUEURS, ces hommes invisibles, sont le moteur du réacteur. Ils génèrent un marché multimilliardaire. C’est leur demande « qui engendre les profits faramineux des réseaux criminels mondiaux et incite les trafiquants, les proxénètes, les tenanciers de bordels et les producteurs de pornographie à leur fournir encore plus de proies. »
En bref, ce serait LA DEMANDE QUI CREERAIT L’OFFRE.
Sauf erreur, cette religion du « client roi » a été mise à la corbeille par les plus primaires des économistes depuis des lustres.
C’est en tout cas pas ce que je ressent quand j’ai affaire à un « service client » pour mon assurance (un assureur « militant »), mon électricité (écologique grâce aux centrales nucléaires), ou chez le garagiste…
PARTANT de la même « logique » bien partculière au blog de Didier Epsztajn, faudrait-il condamner les clients de supermarchés ,
Car ce type de magasins est une énorme source d’exploitation, d’oppression, de pollution, de gaspillage et favorise la concentration du capital (la fermeture des commerces de quartier, la sous-culturation façon « Agitateur de curiosité » … ) ?
Et pour reprendre une remarque faite l’autre jour, la majorité des végétaliens ou végétariens traitent ils sans cesse de meurtriers d’animaux à vau-l’eau les mangeurs de steack et de fromage ?
Non, je ne le crois pas.
La où la boucle se boucle, il me semble, c’est quand on constate des discours soi-disant « marxistes » sur le blog de Didier Epsztajn:
http://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/?s=marx
Par ailleurs fort friand de Victor MALAREK et John STOLTENBERG.
J’avoue ne pas trop aimer la pensée marxiste, surtout en héxagone, même si je trouve par exemple Howard ZINN éclairant et respectueux.
Je trouve le marxisme d’ici bas très souvent religieux, orwellien.
Par exemple quand on pointe les discours xénophobes, misogynes, ethnocentrés de Karl MARX, ENGELS et consorts.
Pour la petite histoire, sur femmes et prostitution, version MARX:
http://www.marxists.org/archive/marx/works/1848/communist-manifesto/ch02.htm
Sur la xénophobie e.g. au sujet du « negro » Lassalle:
http://www.marxists.org/archive/marx/works/1868/letters/68_11_07.htm
On s’interrogera aussi sur le sens des félicitations de Karl MARX à Lincoln, pour son barrage / mise au pas des pauvres du Mexique….
Mais pour continuer avec l’analyse de ces contradictions et discours ubiques, je me pose une question.
? Comment peut on trouver logique d’avancer s’il s’agit de prostitution que c’est « LA DEMANDE QUI CREERAIT L’OFFRE » et en même temps, diaboliser le capital tout puissant qui serait la source de tous les maux sur terre (de sorte que pour tout sauf la prostitution, ça serait L’OFFRE QUI CREERAIT LA DEMANDE) ?
Cherchez l’erreur….
Dominique.