L’autogestion, c’est avant tout la gestion par toutes et tous des affaires qui les concernent, de l’ensemble des décisions qui régissent leur vie. En un mot, l’autogestion, c’est la démocratie. Des décisions politiques, économiques, territoriales, à celles qui régissent les entreprises, l’autogestion défend l’émancipation de toutes et tous à travers l’implication quotidienne dans tous les domaines de la vie collective.
Ainsi, l’autogestion est « à la fois un moyen de luttes frayant un chemin et un moyen de réorganisation de la société. Elle est également une culture irriguant la conscience collective » (Henri Lefebvre 1966). L’autogestion est à la fois une approche théorique pour approfondir la démocratie et des pratiques de démocratie directe. L’objectif est bien l’autogestion généralisée.
L’Association a pour ambition de promouvoir la réflexion et l’éducation populaire sur la thématique de l’autogestion. Pensée comme une boite à outils, elle vise à mettre en commun les expériences, de façon critique, et à appuyer toute initiative s’inscrivant dans le sens d’un projet émancipateur. Elle regroupe des hommes et des femmes, syndicalistes, coopérateur-rices, associatifs, féministes, écologistes et politiques de différents horizons qui partagent cet idéal collectif et émancipateur.
Est-ce que l’autogestion ne concerne que les entreprises ?
Pour la majorité d’entre-nous, l’entreprise est le lieu où nous passons la plus grande partie de notre vie, et c’est souvent notre seule source de revenu. Pourtant force est de constater que la démocratie s’arrête aux portes de l’entreprise et que le travail s’y transforme souvent en exploitation. La démocratisation des entreprises est donc un combat essentiel de l’Association Autogestion. Pourtant, le déficit de démocratie que nous constatons ne concerne pas que les entreprises. Services publics, collectivités locales, institutions étatiques : beaucoup d’autres sphères de notre vie collective échappent à un véritable contrôle démocratique à la fois par celles et ceux qui y travaillent, mais aussi par les citoyens concernés. L’Association Autogestion milite donc pour l’extension de la démocratie dans tous les domaines…
Est-ce que l’autogestion s’oppose au capitalisme ?
Le capitalisme peut-être défini comme une forme d’organisation économique où les apporteurs de capitaux sont les uniques décideurs dans les entreprises. En ce sens, le capitalisme est incompatible avec l’idéal démocratique que défend l’autogestion, car il est difficile d’imaginer l’émancipation individuelle et collective si l’écrasante majorité est écartée des décisions dans l’entreprise.
L’autogestion a-t-elle déjà existé en France ou ailleurs ?
Si on se réfère à la définition de l’autogestion telle qu’elle a été donnée précédemment, on comprend que l’autogestion est à la fois un idéal vers lequel une société civilisée doit tendre et le moyen d’y parvenir. L’autogestion existe donc partout en germe et nulle part en tant que forme aboutie d’organisation de la société. Elle est souvent présente dans certaines formes d’organisation de luttes sociales contre le capital ou de combats pour la démocratie, ou dans l’auto-organisation que citoyen-nes, travailleur-ses ou usager-ères peuvent adopter.
Si l’autogestion est un terme qui a été introduit par les communistes yougoslaves au lendemain de leur rupture avec Staline et l’Union soviétique, l’ex-Yougoslavie n’a jamais été totalement autogestionnaire, du simple fait de l’omniprésence d’un parti unique. On peut considérer que la commune de Paris de 1871 ou les socialisations de 1936 en Aragon et en Catalogne ont été des prémices de société autogestionnaire avant l’invention du terme. Une société pleinement autogestionnaire reste clairement à construire.
Est-que les SCOP c’est de l’autogestion ?
La Scop est une forme d’entreprise coopérative dans laquelle les salariés sont majoritaires au capital et délibèrent sur la base d’une voix par personne et non en fonction du nombre de parts sociales détenues. De ce point de vue, la Scop constitue une rupture majeure avec la société de capitaux dans laquelle des actionnaires extérieurs à l’entreprise dirigent celle-ci. Elle marque indiscutablement un progrès en direction de l’autogestion.
Pour autant, les Scop ne se réclament pas de l’autogestion et ne sauraient être assimilées à l’autogestion. C’est le fonctionnement interne de la Scop qui permet d’être plus ou moins autogestionnaire dans une société qui, aujourd’hui, est loin de l’être.
L’autogestion serait-elle de l’anarchisme ou du communisme ?
Si la majeure partie du mouvement libertaire, ainsi que quelques mouvements communistes se réclament de l’autogestion, il serait réducteur d’assimiler l’autogestion à ces courants politiques, eux-mêmes profondément hétérogènes. L’autogestion se retrouve à la fois dans des pratiques – des expériences alternatives, des luttes sociales ou démocratiques – et une visée politique d’organisation de la société qu’il convient d’élaborer dans la discussion la plus ouverte possible.
Est-ce que l’autogestion c’est le refus des hiérarchies, des patrons ?
Une idée reçue sur l’autogestion est que ses défenseurs refuseraient toute organisation structurée et qu’une organisation “autogérée” serait donc par nature inefficace, et – justement – ingérable. Pourtant, différentes expériences autogestionnaires, tout comme beaucoup de SCOP, se sont construites autour de structures où existent des fonctions de direction ou de représentation, sans pour autant que cela n’implique de supériorité hiérarchique arbitraire des un.e.s sur les autres. A la différence du système actuel, l’idéal démocratique que nous voulons implique que les personnes exerçant ces fonctions soient choisies par toutes les travailleuses, les travailleurs, et les citoyen.ne.s concerné.e.s. Cela implique aussi que leur pouvoir puisse être contrôlé et remis en question si nécessaire.
Gérer l’État en autogestion, c’est possible ?
Si l’on entend souvent les responsables politiques défendre la démocratie, il s’avère que les institutions de la 5e République sont en réalité très peu démocratiques. Au sommet de ce système pyramidal, quelques personnes concentrent tous les pouvoirs, et peuvent prendre librement des décisions que nous n’approuvons pas, sans que nous ne puissions rien y faire. Très peu de garde-fous n’existent face à ce pouvoir démesuré. Il est donc clair pour nous que l’État dans sa forme actuelle ne permet pas à chacune et chacun d’avoir le contrôle effectif des décisions qui le concernent. Pour autant, il est évident que des institutions – quelles que soient leurs formes – et des règles sont nécessaires. L’important pour nous est que ces règles aient été démocratiquement établies, et que des limites et des contrôles existent pour chaque forme de pouvoir.
Est-ce que les referendum d’entreprise c’est de l’autogestion ?
Depuis les “ordonnances Macron” de septembre 2017, les chefs d’entreprises ont la possibilité de convoquer des referendum dans leurs entreprises. On est pourtant bien loin de l’autogestion ! D’une part, les salariés ne peuvent s’exprimer que sur les sujets choisis par leurs patrons. Il leur est impossible, même en étant majoritaires, de proposer d’autres questions à soumettre au vote démocratique. D’autre part, rien n’oblige le chef d’entreprise à communiquer aux salariés les informations qui leur seraient nécessaires pour voter en toute connaissance de cause, comme l’accès aux comptes de l’entreprise. En ce sens, les referendum d’entreprise tels qu’ils existent aujourd’hui ne servent donc qu’à faire avaliser des régressions sociales aux salariés, souvent victimes à la même occasion de menace de licenciements collectifs pour leur imposer de soutenir la volonté de leur direction.