« Ce n’est pas un simple bar, c’est un espace autogéré ! Située au 50 Faubourg Montmélian, » à Chambéry, l’Insolente a bien voulu répondre à nos questions.
Patrick Le Tréhondat : Vous vous présentez comme un « espace autogéré … né de la volonté d’invidu·es de faire exister, sur Chambéry, un lieu ouvert à tous·tes, autogéré, politique mais pas celui des professionnel-le-s de la politique, égalitaire, féministe, métissé et populaire et de soutien aux luttes sociales, syndicales, culturelles contre les dominations existantes ». Pouvez-nous nous raconter pourquoi et comment l’Insolente s’est ouverte en août 2019 ?
D’une (très) vieille envie d’avoir un outil efficace et d’une chance Insolente !!! En août, nous étions encore dans les travaux, nous n’avons ouvert que fin septembre (2019). Les motivations pour l’ouverture de l’Insolente sont variées :
- besoin d’un lieu pérenne pour se retrouver, expérimenter et construire ;
- volonté d’ancrer nos projets dans la ville, dans un quartier populaire, pour rendre plus visibles et faire mieux connaître nos idées et pratiques en les rendant plus accessibles ;.
- sortir ou du moins compléter des pratiques plus classiques du militantisme (rassemblements, manifs, actions…)
PLT : Quels sont les activités du centre, sa fréquentation ? Quels sont vos projets ?
Liste non-exhaustive:
- bibliothèque ;
- projections de films et documentaires militants ;
- concerts et soirées de soutien ;
- mise en commun de connaissances, de savoir-faire ;
- théâtre (accueil de troupe et bientôt, troupe de l’Insolente) ;
- conférences, conférences chantées.
PLT : Quelles sont vos relations avec le tissu politique et social, je pense aux syndicats, de la ville ?
Très mal !!! [plaisanterie] Surtout avec Sud (Rail) !!![plaisanterie] Assez bonnes, voire très bonne avec certains syndicats, nous avons ouvert l’Insolente après les manifs du dernier mouvement social sur les retraites cela a permis de resserrer les liens, de continuer les discussions politiques… Notre solidarité s’est également traduite concrètement par le soutien aux caisses de grève. De plus, certains membres de l’Insolente sont également actifs dans différents syndicats.
PLT : Le 6 juin 2020, l’Insolente a subi une attaque des fascistes. Rencontrez-vous souvent des problèmes avec la peste brune sur Chambéry ?
Trop souvent. Le Bastion social a été dissous mais ses (anciens) membres semblent être toujours actifs et, malheureusement, recrutent… Il y a eu une agression très violente d’un jeune camarade (17 ans) par trois néo-fascistes parce qu’il affichait ses idées avec des lacets rouges !!! Nous avons retrouvé un bout desdits lacets attaché sur a porte de l’Insolente… Depuis plusieurs années, les agressions fascistes sont régulières à Chambéry et le positionnement antiraciste, antifasciste, féministe de l’Insolente en a fait une cible de l’extrême-droite radicale qui s’est attaquée au moins 4 fois à la vitrine en pleine nuit. Finalement, l’extrême-droite est bien dans son rôle habituel en cherchant à détruire tout projet émancipateur et l’Insolente, ses valeurs et ses projets, fait justement partie des ripostes constructives que nous pouvons mettre en place face à l’extrême-droite. Ces attaques ont permis au moins une chose: nous faire voir à quel point nous étions les bienvenus dans le quartier (de la part des habitants et commerçants du faubourg…). Nous avons du soutien de la part de tous. Tout le monde déteste les fachos !!!
PLT : Dans votre charte de fonctionnement, vous reconnaissez plusieurs statuts entre membres de l’Insolente. Vous avez choisi le consensus comme modalité de prise de décision et prévu un processus de déblocage au cas le consensus n’est pas atteint. Par ailleurs, vous consacrez dans votre charte un paragraphe à la question des mandats. Pouvez-vous nous détailler l’ensemble de ces questions de fonctionnement et les conceptions politiques sur lesquelles elles s’appuient ?
L’Insolente est à la fois une association et un « établissement recevant du public ». Cette définition juridique avec laquelle il faut composer n’est pas la plus importante pour le fonctionnement quotidien. Le « double statut » permet un fonctionnement le plus « démocratique » possible entre un collectif de quelques dizaines de personnes fortement impliquées dans le projet et la participation de quelques centaines d’adhérent·es. Les décisions pour la gestion quotidienne du lieu sont prises collectivement en « AG ordinaire » avec les plus impliqué·es tandis que d’autres AG invitent tous les adhérent·es. L’intention est de favoriser la gestion du lieu par le plus de monde possible en intégrant les nouveaux/nouvelles au fonctionnement, en accueillant et soutenant la proposition de nouveaux projets au sein du lieu. Les mandats permettent d’attribuer des tâches techniques spécifiques à un ou plusieurs membres. L’idéal est de définir au mieux les mandats pour qu’ils puissent être effectivement contrôlés par le collectif.
Le mode de prise de décisions au consensus peut nécessiter un débat approfondi en AG et doit permettre à chacun d’exprimer et argumenter son point de vue. L’opposition, même individuelle, est cependant possible afin de ne pas écraser une position même très minoritaire. Cependant, « un processus de déblocage » permet de revenir sur le sujet à une autre AG avec éventuellement d’aboutir à une validation moins unanime…
Notre existence est récente, tout n’est pas rodé dans ce mode de décisions et de fonctionnement. Il faut la aussi composer avec la diversité des membres, de leur culture politique, d’expériences militantes variées L’objectif est d’éviter toute prise de pouvoir par un individu ou un groupe sur les autres ou, dit autrement de se donner les moyens de contenir et réguler cette tendance ou, dit encore autrement, de diffuser le pouvoir parmi tous les membres du collectif… Globalement, ces modalités de fonctionnement autogestionnaires ne sont pas nouvelles en soit. Elles s’inspirent des mouvements sociaux, politiques et syndicaux qui l’ont pratiqué et les pratiquent encore aujourd’hui à travers le monde.
Mais chaque expérience autogérée est unique et doit expérimenter, réinventer ses propres modalités…
PLT : Que représente pour vous l’autogestion ?
La seule façon de vivre dans une société libre, égalitaire et solidaire !!! L’autogestion généralisée de tous les aspects de la vie est un objectif dont l’Insolente n’est qu’une expérimentation à petite échelle. L’autogestion est à la fois un but et un moyen.
Propos recueillis en octobre 2020.