Nous commençons ce débat au sein de notre Réseau et partons de diverses expériences sur l’autogestion et le contrôle ouvrier : depuis la gestion des fabriques occupées, l’organisation ou la création de coopératives, la production collective à la campagne, etc., jusqu’à d’autres expériences non nécessairement liées à la production mais à la vie quotidienne comme l’occupation des espaces publics et d’autres de logement collectif, un centre social de quartier, des potagers communautaires, des laveries communes, la participation à la décision des budgets municipaux, les assemblées populaires , les centres médicaux socialisés, etc.
Tout ce débat et toutes ces réalités justifient que dans le texte nous utilisions l’expression «autogestion ouvrière et sociale».
Notre conception du syndicalisme de lutte et de transformation sociale fait de l’autogestion ouvrière et sociale un point central. La socialisation des ressources économiques est déterminante vis-à-vis de la question du pouvoir dans la société de classes. Ce sont les travailleurs et les travailleuses qui produisent les richesses dans les processus productifs, de distribution et de reproduction mais les capitalistes et les classes dirigeantes se les approprient. La socialisation des ressources économiques impose une rupture et une transformation radicale dans la façon de s’organiser socialement : égalité, solidarité, liberté et coopération contre la compétitivité…
Nous défendons la socialisation des biens et des services publics et privés ; il s’agit par là de réaliser concrètement le droit à l’égalité entre tous et toutes. Pour aller vers cette socialisation, nous devons proposer explicitement leur autogestion, c’est-à-dire leur contrôle par la classe ouvrière (ce qui implique d’y travailler dès aujourd’hui) ; Il s’agit d’imposer par la lutte des avancées en ce sens.
Nous soulignons l’importance de conquérir et développer des contre-pouvoirs sur les lieux de travail et de vie. Il y a un lien décisif entre ces contre-pouvoirs quotidiens et la construction autogestionnaire.
La gestion directe d’entreprises, dans la société actuelle (notamment sous forme de coopératives) peut être une réponse aux licenciements décidés par le patronat, rappelle que celui-ci n’a aucune légitimité à s’accaparer ce que nous, nous produisons ; elle nous permet de construire des expériences vers la transformation sociale. Cette expérience de l’exercice du pouvoir dans les lieux de travail est également un progrès au niveau de la conscience de ceux et celles qui produisent : travailleurs et travailleuses peuvent construire et faire vivre une société juste, libre, égalitaire, solidaire, sans exploitation. Mais la transformation sociale implique une rupture avec le système capitaliste. La socialisation, ne se réduira pas à une addition de coopératives.
Nous avons besoin d’objectifs intermédiaires. Prolongement de pratiques, de revendications, de construction de contre-pouvoirs qui affectent tous les aspects de l’organisation sociale, de la vie quotidienne et du travail.
Il y a un lien, un chemin entre nos revendications, nos luttes, nos pratiques d’aujourd’hui et l’autogestion. L’autogestion est présente dans les luttes, les mouvements auxquels nous participons et nos syndicats.
Notre projet se concrétise dès aujourd’hui par l’exigence d’une autre répartition des richesses et du travail, par la revendication d’une production qui réponde aux nécessités de la société (ce qui suppose de prendre en compte les impératifs écologiques, la reconversion de certaines activités, l’utilité sociale de la production).
Généraliser dès maintenant et partout où c’est possible des pratiques autogestionnaires, c’est ouvrir le chemin vers la transformation sociale.
À partir de ces points, de nos discussions et de nos échanges, le Réseau poursuivra un travail de débats et d’ancrage dans ses pratiques des conceptions autogestionnaires ouvrières et sociales qui nous sont communes et que nous voulons étendre.
Plusieurs des organisations membres du Réseau publient régulièrement des tracts, journaux, affiches, autocollants qui rappellent cette évidence trop souvent masquée par d’autres organisations syndicales, toujours combattue par le patronat et ses allié-es, et parfois oubliée par nous-mêmes car nous sommes trop pris par les réponses immédiates aux perpétuelles attaques patronales : les capitalistes nous coûtent cher!
Réaffirmer cela, c’est replacer notre combat syndical dans sa perspective historique et rappeler nos aspirations fondamentales.
Le « coût du travail » est un argument patronal fallacieux ; ce qui coûte à la société, c’est le capitalisme et les capitalistes.
Motion adoptée lors de la rencontre internationale des 8 et 9 juin 2015.
Article original : http://www.laboursolidarity.org/Les-capitalistes-nous-coutent-cher-121