Un congrès tous les quatre ans, les SCOP n’abusent pas de ce genre de rencontres, où l’essentiel est toujours déjà si bien préparé, où les interventions et les votes sont tellement sans surprises que les malheureux congressistes ont du mal à ne pas s’endormir pendant les débats.
Ce ne fut pourtant pas le cas dans ce congrès qui s’est tenu à Strasbourg les 20 et 21 octobre 2016. La forme, plutôt dynamique, et les interventions pas trop longues, avec quelques vidéos, permirent aux 1200 congressistes d’échapper à la somnolence. La participation des congressistes, souvent absente dans ce genre de manifestations, fut organisée avec sept ateliers en fin d’après-midi et restitution le lendemain. Si certains d’entre eux ne laissèrent aux participants que peu de temps pour l’expression, pour d’autres, les débats furent ouverts et vivants.
Le congrès fut animé et marqué par l’intervention de salariés d’Ecopla, salués par deux longues et chaleureuses « standing ovation ». Le mouvement SCOP soutient vivement le projet de reprise de l’entreprise en coopérative, la région Rhône-Alpes-Auvergne du mouvement leur apportant le soutien logistique indispensable. C’est ainsi que les salariés d’Ecopla purent, hors assemblée, s’entretenir avec le ministre de l’Économie, Michel Sapin, venu lui signifier le soutien de son gouvernement aux SCOP.
Ce qui ressort nettement du rapport d’activité présenté par la précédente présidence, c’est l’effort réalisé au cours de ces dernières années pour sortir le mouvement de sa relative confidentialité. Les SCOP, ce sont aujourd’hui près de 3000 entreprises dans lesquelles travaillent plus de 52 000 salariés, générant un chiffre d’affaires de 4,5 milliards d’euros. Les SCOP sont en constante augmentation depuis 10 ans, résistent mieux à la crise que les autres entreprises avec un taux de pérennité à 5 ans de 65% contre 50% pour l’ensemble des entreprises. Si les reprises d’entreprise en difficulté font plus souvent l’objet d’une médiatisation à cause des conflits engendrés de ce fait, celles-ci ne constituent que 11% du total des SCOP actuellement en activité. Si les SCOP sont souvent associées au rôle de « pompier » de l’économie, en réalité près des deux tiers des nouvelles SCOP sont des créations ex-nihilo, 13% des transmissions d’entreprises saines et 11% des transformations d’associations en coopératives.
Qui dit SCOP dit possession de l’entreprise par les salariés et fonctionnement démocratique. Mais le sujet a été peu abordé lors de ce congrès. Il est classique d’entendre que les SCOP doivent faire mieux que les entreprises classiques, les premières s’inspirant naturellement des pratiques du « management participatif » alors que les secondes restent sans doute plus proches du modèle hiérarchique, quoique cela ne soit pas une règle absolue. En revanche, l’accent a été mis sur la nécessité de déployer une démarche pro-active afin de développer la place des femmes dans les instances de direction au sein des SCOP. Les discussions des couloirs et lors des repas permettent toutefois de percevoir, exemples concrets à l’appui, qu’une nouvelle génération de coopératrices et de coopérateurs arrive dans le mouvement, porteuse d’un discours très politique. Beaucoup d’entre eux sont sensibles à un mode de gestion par auto-gouvernance avec, par exemple, la création d’ateliers en autogestion dénommés « mini-SCOP ». Nous avons donc aujourd’hui en France des entreprises coopératives proches de la démarche autogestionnaire. Difficile d’en connaître le nombre à ce jour. De plus, dans la grande majorité des SCOP qui ne dépassent pas la vingtaine de salariés, une structure réellement hiérarchique semble hors de propos.
Une enquête d’avril 2016 comparative entre les Français en général et les salariés des SCOP en particulier, restituée à l’occasion de ce congrès par Denis Muzet, chercheur et consultant, montrait une grande différence entre les uns et les autres à propos de la gouvernance et de la finalité des SCOP. Selon cette enquête, les Français ne seraient pas en attente d’une gouvernance démocratique de l’entreprise, contrairement aux salariés des SCOP. Les Français souhaitent toutefois remettre l’individu au centre de l’entreprise, critiquent les excès de la hiérarchie et demandent un renforcement de l’information circulaire dans l’entreprise. La sagesse des foules est évidente : sans information, pas de gestion possible, et c’est bien par là qu’il faut commencer. Comme le disait le président américain Thomas Jefferson en 1789 : « Quand les gens sont bien informés, on peut les laisser se gouverner eux-mêmes. » L’attente des Français est également que les entreprises aient un projet conjuguant un sens social et un sens économique. Cette quête de la finalité est déjà celle des SCOP, qu’elle soit support du tissu économique local, qu’elle soit dans l’économie durable ou qu’elle se lance dans la nouvelle économie écologique et/ou collaborative. Cette quête de sens et de finalité de l’entreprise est donc une autre possibilité de convergence entre les Français et les SCOP.
La Confédération générale des SCOP a élu son nouveau président, Jacques Landriot, ancien dirigeant du groupe Up (ex-Chèque déjeuner). Celui-ci, fort d’une importante culture syndicale, met l’accent, pour les années à venir, sur le développement du nombre de salariés dans les coopératives – passer de 51 000 à 70 000 en quatre ans – plutôt que sur l’augmentation du nombre de coopératives. Celui-ci est porté par une nouvelle dynamique, qui intègre également une ouverture des SCOP vers « l’environnemental et le numérique ». Il n’y a pas à dire, si les SCOP, ce n’est pas l’autogestion, cette dernière s’y invite régulièrement.
Crédit photos : ©Anna Soule/EMI-CFD