Décembre 2001, dans la tourmente de la crise financière argentine, l’Hôtel Bauen de Buenos Aires ferme définitivement ses portes. En mars 2003, quelques mois plus tard, faute de trouver du travail, ses ancien-nes salarié-es occupent l’hôtel, prennent contact avec le MNER (Mouvement national des entreprises récupérées) et créent une coopérative. Ils remettent progressivement l’hôtel en marche.
Ce film retrace l’histoire de cet hôtel créé en 1978 en plein Mundial de Football sous la dictature militaire du général Videla. Son propriétaire, Marcello Lurcovich, a pu financer sa construction grâce à un prêt de 20 millions de pesos qui ne sera jamais remboursé. Dans la période du président péroniste Carlos Menem, cet hôtel deviendra le lieu de rencontres privilégié entre hommes d’affaires et politiciens corrompus.
Elena, Marcello, Osvaldo, Santiago et d’autres travailleur-ses du Bauen nous parlent de cette expérience, de la façon dont ils vivent l’autogestion au quotidien ainsi que des difficultés de légaliser la récupération de l’entreprise. En décembre 2005, le Parlement vote la restitution de l’Hôtel à la famille Lurcovich, vote pour le moins curieux en faveur d’un « propriétaire » qui ne s’est jamais acquitté de sa dette envers l’Etat et les anciens salariés. La mobilisation des travailleur-ses du Bauen permettra l’annulation de cette loi en juin 2006. Ce film montre aussi l’évolution de cet Hôtel depuis sa récupération par les travailleur-ses. Sa clientèle a changé, est devenue plus hétérogène. L’hôtel coopératif pratique des tarifs variables en fonction des revenus afin de permettre au plus grand nombre d’y accéder. Ses grandes salles de réception restent des lieux mythiques qui permettent de mêler événements politiques, émissions de télévision ou concerts.
Un témoignage de plus sur cette formidable vague de récupération d’entreprises en Argentine qui démontre, une fois de plus, la capacité des travailleur-ses de gérer leur propre unité de production.
Un film de Didier Zyserman avec la collaboration de Jérémie Reichenbach, 2010, 95 mm
http://voiretagir.org/NOSOTROS-DEL-BAUEN-Nous-autres-du.html
Hôtel Bauen : après l’arrêt de la Cour suprême, la lutte pour l’expropriation continue plus que jamais !
Rien n’est réglé pour la coopérative de l’hôtel Bauen car après avoir épuisé les recours juridiques en juillet 2011, les travailleur-se-s peuvent être expulsé-e-s du jour au lendemain. A l’image de la lutte emblématique des ouvrier-ère-s de Zanón, qui ont lutté-e-s ardemment pendant huit ans pour obtenir l’expropriation de leur usine, la récupération d’entreprises par les travailleurs en Argentine n’est pas un fleuve tranquille. Néanmoins, après la dernière décision de justice, la coopérative Bauen va poursuivre la lutte sur un plan politique.
Pour mieux comprendre la situation, effectuons un petit retour en arrière dans cet imbroglio juridique et politique, que l’on pourrait qualifier d’« abracadabrantesque ». En 2003, après la déclaration de faillite « frauduleuse » par une firme chilienne, Solari SA, alors même qu’elle n’était pas la propriétaire légitime de l’hôtel, Marcelo Iurcovich propose au juge de régler la dette de gestion en échange de la récupération de l’immeuble. Le juge accepte mais Iurcovich ne paiera jamais. L’histoire se poursuit avec les héritiers de la famille Iurcovich, qui récupèrent la propriété de l’hôtel en 2005 dans des conditions pour le moins curieuses et le vendent à l’entreprise Mercoteles S.A, qui s’engage à réaliser les investissements nécessaires à sa réouverture. La propriété n’étant pas clairement définie empêche la coopérative d’exploiter légalement l’hôtel et de revendiquer l’expropriation. En décembre 2005, le parlement local (Buenos Aires), sous domination de la droite et du maire ultralibéral, Macri, adopte une loi qui annule la dette et interdit la coopérative de gérer l’hôtel. Les travailleur-se-s se mobilisent et empêche la parution du décret d’application. En juillet 2006, la justice confirme que l’hôtel appartient bien à la firme Mercoteles et le 30 du mois, la juge du tribunal de commerce intime l’ordre d’expulsion de l’hôtel pour le mois de septembre. L’expulsion n’a jamais eu lieu. En 2007, Les travailleur-se-s engagent un recours qui est rejeté en première instance, la Cour d’appel confirme cette décision l’année suivante. L’arrêt intime l’ordre à la coopérative de rendre l’hôtel à l’entreprise Mercoteles. Par la suite, les travailleur-se-s déposent un ultime recours devant la Cour suprême qui les déboute une nouvelle fois le 11 juillet 2011. La bataille juridique étant terminée, il ne reste plus aux travailleur-se-s que la bataille politique. C’est-à-dire faire pression sur le Congrès pour qu’il adopte une loi nationale d’expropriation. Rapidement, les travailleurs adoptent un plan de luttes et le 7 septembre dernier un festival de soutien réunit plusieurs milliers de personnes en présence de personnalités comme Adolfo Pérez Esquivel et Nora Cortiñas (Mères de la Place de Mai), de syndicats et différents mouvements sociaux.
Malgré le vide juridique, la coopérative fonctionne depuis huit années même si elle est pénalisée d’un point de vue commercial car elle est interdite de signatures de conventions avec les agences de voyage.
Sources :
http://lavaca.org/notas/bauen-entre-el-desalojo-y-la-expropiacion/
http://www.factaautogestion.com.ar/
http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1-172149-2011-07-13.html
http://www.centrocultural.coop/blogs/cooperativismo/2011/07/12/solidaridad-con-los-trabajadores-del-bauen/
Pour en savoir plus
http://alterautogestion.blogspot.com/p/liens-entreprises-recuperees-en.html
http://www.expropiaya.org.ar/
https://www.youtube.com/watch?v=whNEFWKCOtY
https://www.youtube.com/watch?v=EkgW7hvgEOM