Avant la guerre, ce restaurant du centre de Kiev était toujours bondé, quelle que soit l’heure de la journée. C’était un endroit populaire fréquenté par la jeunesse et les touristes.
En temps normal, on y servait du bœuf bourguignon et du mulet de Kiev, mais la guerre a modifié la carte. Désormais, le restaurant cuit du pain pour les hôpitaux et prépare de la soupe au poulet pour les défenseurs de la ville.
Il fait partie des dizaines de restaurant de la ville qui ont fermé mais qui ont ouvert leurs cuisines aux volontaires qui apportent ainsi leur contribution.
Si le lieu est à peine reconnaissable – la déco a disparu et les fenêtres sont recouvertes de tissu noir –, le restaurant attire toujours, comme avant la guerre, la jeunesse. Les bénévoles s’y pressent pour cuisiner pour ceux qui en ont besoin. Aider le pays aux côtés de personnes partageant les mêmes idées les aide à faire face à la tragédie de la guerre.
Alors que les volontaires emballent les repas à livrer, un rappel de la vie normale du restaurant se fait entendre : les haut-parleurs diffusent de la musique techno…
Une louche au lieu d’une mitraillette
Pavlo Khrobust, 25 ans, avait travaillé comme cuisinier dans un restaurant. La guerre l’a ramené à la cuisine qu’il connaissait bien. Désormais, il est là comme volontaire : « J’ai d’abord voulu rejoindre les forces de défense territoriale, mais j’ai réalisé que j’y serai inutile. J’ai commencé à réfléchir à quoi je pouvais être utile et je me suis dit que c’était la cuisine. Au lieu d’une mitraillette, j’ai attrapé une louche et un couteau ! »
La qualité de la nourriture militaire est très loin de celle des restaurant, dit-il encore, il a voulu changer cela et fournir aux soldats des repas sains et savoureux. […] « La bonne nourriture maintient l’esprit élevé. Les soldats font tout pour que nous puissions dormir la nuit et nous faisons tout pour qu’ils soient bien nourris. »
Oleksiy Bilyk, 21 ans, est serveur. Il apporte la touche finale : du pain fraîchement cuit. «Quelqu’un nous a dit qu’il pouvait apporter de la farine si nous pouvions en faire quelque chose. J’ai pensé à un énorme four à pizza que nous avons dans notre deuxième restaurant et j’ai réalisé que nous pouvions l’utiliser pour cuire du pain ». Il a appris la boulange Internet. Comme il n’avait pas de moule, il a utilisé des assiettes et des casseroles à la place – le pain était de différentes formes.
« Nous avons livré le pain aux hôpitaux et aux personnes âgées. » […] Aujourd’hui, Bilyk cuit environ 80 pains par jour, ce qu’il n’aurait pas pu imaginer il y a quelques semaines, lui qui n’avait jamais fait de pain avant la guerre. […]
Olga Romanchuk, 23 ans, a également dû apprendre de nouvelles choses. Employée dans une entreprise internationale de construction d’éoliennes, elle aide désormais en cuisine. « Je voulais participer, mais je ne pouvais pas porter les armes. Alors, j’ai pensé que je pouvais couper des pommes de terre, tout le monde peut faire ça», a-t-elle déclaré.
Selon Pavlo Khrobust, « apprendre à cuisiner aux volontaires était le plus grand des défis. Nous avons dû leur apprendre, donc c’était beaucoup de travail au début. Mais quelques jours plus tard, ils formaient une équipe. »
Le restaurant fait partie d’une douzaine de restaurants du centre de Kiev qui ont uni leurs efforts pour aider les civils ukrainiens et l’armée. Ensemble, ils produisent environ 20 000 repas par jour. Et ce n’est là qu’un groupe de restaurants dans un quartier.
« Pendant cette période difficile, nous avons réussi à nous unir. C’est tellement ukrainien, notre point fort est de nous unir », rapporte Vlada Herasimchuk, 25 ans, serveur et désormais coordinateur du mouvement des volontaires de la zone. […]
The Kyiv Independant
Traduction Patrick Silberstein