Depuis quatre mois, la société serbe est en ébullition. Depuis l’effondrement de l’auvent de la gare de Novi Sad, le 1er novembre dernier (15 victimes) les étudiant·es multiplient les manifestations pour exiger que le pouvoir corrompu rende des comptes. Des universités sont occupées et placées sous contrôle étudiant à travers des structures d’auto-organisation : « Nous mettons en pratique le principe de la démocratie directe » expliquent-ils. En décembre dernier dans une longue déclaration, ils et elles expliquaient leurs formes de lutte : « Nous avons suspendu nos études, organisé des assemblées générales et voté des revendications, créé des groupes de travail. Nous avons occupé les locaux des facultés et les avons adaptés à notre vie quotidienne. Nous avons installé des cuisines, des dortoirs, des pharmacies, des ateliers, des cinémas et des salles de classe qui dispensent des cours pendant la grève. En trois semaines, presque tous les bâtiments universitaires de Serbie sont devenus des centres d’auto-organisation politique 24 heures sur 24. Nous recevons le soutien de nos concitoye·nes, dont les dons nous permettent de vivre. Chaque jour, d’autres groupes vulnérables de la société se joignent à notre lutte… Lors de nos réunions, tout le monde a une voix égale et le droit de décider de toutes les questions ». Pour le média d’opposition Masina « le soutien au mouvement étudiant et à ses revendications est extrêmement élevé, à tel point que le régime est conscient qu’il approche de sa fin. » Différents secteurs de la société se sont mis en mouvement autour des mobilisations étudiantes et leurs revendications. Depuis le 30 janvier, les agriculteurs de Rača Kragujevacka bloquent chaque jour le bâtiment municipal pour protester contre l’augmentation spectaculaire des impôts fonciers et rejoignent une manifestation organisée par des enseignant·es. Le 4 février les ouvrier·es de l’usine textile Atair d’Ivanjica ont bloqué l’usine aujourd’hui parce qu’ils et elles craignent que le propriétaire ne prenne les marchandises de l’usine, que l’entreprise ferme et qu’ils et elles se retrouvent sans salaires. Contre la privatisation des pharmacies publiques, les étudiant·es, en collaboration avec les pharmacien·nes organisent des actions et élaborent un plan alternatif pour « un système pharmaceutique d’État moderne et efficace qui répondra aux besoins des citoyens serbes et garantira un accès égal à des services pharmaceutiques de qualité ».
Le centre autogéré
Le 13 février un groupe auto-organisé d’étudiant·es a occupé le bâtiment du Centre culturel étudiant de Belgrade (SKC). L’AG étudiante qui s’y tient immédiatement annonce fièrement « Le Centre est à nouveau géré par des étudiants ! » Selon les étudiants, « les préparatifs pour la privatisation du Centre culturel étudiant étaient évidents et ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne disparaisse complètement ». Comme indiqué dans une déclaration de l’AG, depuis sa création, la fonction première du SKC a été de répondre aux besoins culturels des étudiant·es et de fournir un espace où les étudiant·es peuvent se rassembler en dehors de leurs facultés. Mais dans la pratique, ce n’est plus le cas depuis des années. « « Nous affirmons que les programmes mis en place n’ont aucun écho auprès des étudiant·es et des citoyen·nes , et que le fonctionnement de l’institution n’est pas transparent en termes de programmes, de personnel, d’organisation et de finances. De plus, la planification de tout événement culturel est largement inaccessible aux étudiant·es en raison des longs processus bureaucratiques requis » accusent-ils. « « Nous défendons les principes de la démocratie directe comme principe de ces blocages et défendons nos revendications, ainsi que celles des agriculteur·trices, des enseignant·es , des avocat·es et d’autres syndicats. Nous soutenons toutes les formes d’auto-organisation et toutes les branches de la société dans leur lutte. Nous nous distancions de tous les partis politiques, organisations non gouvernementales et autres associations qui traitent de questions politiques », soulignent les étudiant·es auto-organisé·es qui appellent tous les autres étudiant·es à se joindre à eux pour bloquer et rendre le SKC aux étudiant·es « Parce que notre place est ici, étudiant·es du SKC ! » concluent-ils dans un communiqué.
3 mars 2023