Une Nuit debout pas tout à fait comme les autres hier soir place de la République à Paris. Une réunion de convergence des luttes s’est tenue à la Bourse du travail voisine avec retransmission sur la place. Toute la question était de savoir comment passer à la vitesse supérieure pour faire céder le gouvernement. Une place de la République bondée avec en final, le quatrième mouvement de la Symphonie du Nouveau monde de Dvorak interprétée par l’Orchestre debout.
Soirée exceptionnelle place de la République à Paris ce mercredi 51 mars 2016 1. Après une vingtaine de jours d’occupation de la place de la République et la multiplication des Nuit debout dans différentes localités et régions, il était nécessaire de donner des perspectives nouvelles à ce mouvement. Rappelons que celui-ci est le produit de la tension entre un gouvernement qui s’obstine à maintenir sa loi Travail contre une population qui la rejette majoritairement et ne trouve pas les moyens de s’y opposer concrètement. Un mouvement qui traduit une aspiration à une démocratie véritable. C’est dans ce contexte que le journal Fakir, initiateur de ces Nuit debout, a appelé à une réunion de préparation de « l’étape d’après » à la Bourse du travail située à côté de la place.
Bien avant 19h, la Bourse du travail était pleine. Une retransmission sonore en streaming est prévue et un camion sono est installé rapidement sur un angle de la place de la République pour une audition publique. Au-delà de la multiplicité des initiatives Nuit debout, la réunion porte principalement sur les différentes tentatives de faire la jonction avec le monde du travail. Ici, une initiative des étudiants de Nanterre de rencontrer les cheminots dans les différentes gares de Paris, ailleurs, de multiples grèves sauvages notamment à La Poste sans parler des initiatives de Nuit debout pour rencontrer les travailleurs de Renault. En point d’orgue, la journée de grève à la SNCF prévue le 26 avril et surtout la journée interprofessionnelle du jeudi 28 avril. Très vite la question centrale de la grève générale reconductible jusqu’au retrait de la loi Travail est posée, avec en toile de fond, le positionnement des grandes centrales syndicales vis-à-vis du mouvement.
Birgit, représentant l’Union Départementale CGT de Paris, a pris la parole. Elle fait part des interrogations de la CGT sur le mouvement Nuit debout et pose rapidement la perspective de savoir comment construire la mobilisation pour le retrait de la Loi travail et en faveur de la réduction du temps de travail pour donner à toutes et tous un travail comme alternative. Elle appelle au succès de la journée interprofessionnelle du 28, en rappelant qu’il avait été décidé de bloquer ce jour-là la production d’essence. Elle conclut en indiquant que si Nuit debout a peut-être peur d’être récupérée par la CGT, la CGT a elle peut-être aussi peur de l’inverse…
Frédéric Lordon mettra en garde l’assistance contre la tentation du « all inclusive » dans les assemblées. Nuit debout a pour objectif le retrait de la loi El Khomry et de ce point de vue, selon lui, Finkelkraut n’était pas bienvenu place de la République. Il indique la concomitance du combat pour le retrait de cette loi, de la réduction du temps de travail et d’autres avancées remettant en cause le pouvoir des actionnaires.
Manon, étudiante, a fait part de la tenue ce week-end dernier de la coordination étudiante à Toulouse qui apporte son soutien à Nuit debout. Maxime de la coordination des intermittents et précaires rappelle que, dans le contexte actuel du chômage, le patronat exige 800 millions d’euros d’économie à l’Unédic, dont 185 pour les seuls intermittents du spectacle. Loïc de la CGT spectacle demande que les syndicats déposent dès maintenant des préavis de grève pour le 29 et le 30 avril pour permettre la grève reconductible. La question du rejet du Tafta (Traité de libre échange Europe États-Unis) est elle aussi posée.
Un intervenant propose que le 7 et 8 mai, un Global debout se tienne sur différentes villes de la planète. Différentes personnes s’expriment à la suite, de façon souvent désordonnées et hors du sujet, avec des tentatives désespérées de François Ruffin de Fakir pour rappeler que l’objet de la réunion est le passage de la mobilisation à la vitesse supérieure. Un accord se fait jour pour rencontrer la CGT actuellement en congrès à Marseille et inviter les syndicats à poursuivre la manifestation du 1er mai jusqu’à la place de la République pour terminer par une grande soirée festive. En conclusion et non sans humour, François Ruffin propose à l’assemblée de jurer solennellement d’une voix grave que « plus jamais, je ne voterai PS ».
Dehors, la Place de la république est déjà pleine. Pendant que l’AG quotidienne se tenait, un « Orchestre debout » qui s’était constitué quelques jours plus tôt sur Framadate a alors entamé la symphonie n°9 dite du « nouveau monde » d’Antonin Dvorak dans cette magnifique nuit de pleine lune. Le besoin de se retrouver toute et tous, de façon conviviale, pour montrer notre force collective, notre volonté de vivre ensemble, libres et égaux, l’exact inverse de cette abrogation du code du travail qu’un gouvernement de plus en plus illégitime veut à tout prix faire passer.
Le lendemain matin, journal de 6h30 de France 2. Les réparateurs automobiles pourront désormais utiliser des pièces d’occasion, Volkswagen indemnisera les propriétaires d’automobile de la marque aux États-Unis, 500 migrants sont peut-être morts dans un naufrage en Méditerranée, Élisabeth II fête son 90ème anniversaire… La vie reprend son cours… Jusqu’à quand ?
L’Orchestre debout
Notes:
- Selon le calendrier révolutionnaire du mouvement Nuit debout (20 mars) ↩