Au Printemps 1973, contre la mise en application de la Loi Debré (suppression des sursis militaires) s’est engagé un mouvement lycéen, étendu à toute la jeunesse scolarisé, qui a duré plusieurs semaines. Alors que le mouvement s’installe dans la durée, la crainte de perdre des morceaux du programme pour les examens amène à l’invention de formes collectives, « cours parallèles », « contre-cours », assurés par les grévistes eux-mêmes. Ainsi, au Lycée Charlemagne, lycée scientifique, les élèves des classes prépa donnent d’abord des « cours de rattrapage » aux élèves de terminale. Au lycée Arago à Paris, ce sont les étudiants – une permanence est assurée à la faculté de Jussieu pour les recenser – qui viennent aider les élèves de terminale. C’est, titre l’article du Monde du 31 mars, « la super vie à Arago », notant « Les cours parallèles attirent davantage que les cours normaux, sans toutefois accueillir tous les grévistes ». Au lycée Colbert, une quinzaine de cours sont organisés par le comité de grève qui réquisitionne les salles nécessaires. « les élèves fixent les programmes, les élèves sont toujours inscrits absents » (donc grévistes).
Si évidemment le point de départ est une réponse pratique à un problème concret, comment « tenir » en ne perdant pas trop, la portée est aussi symbolique remettant en cause les rapports pédagogiques traditionnels où l’administration et les enseignants décident sans donner aux élèves voix au chapitre. Ces « contre-cours », s’ils ont l’appui de certains enseignants, sont en revanche mal accueillis par une bonne partie du corps et des syndicats, qui pourtant soutiennent la mobilisation et les revendications lycéennes, voyant par cette « autogestion des cours » une remise en cause de leurs pratiques traditionnelles.
Si l’expérience fut limitée à quelques lycées, parisiens essentiellement, sans coordination entre eux, le ministère de l’Education nationale lui donna à la rentrée 1973/1974 une réponse institutionnelle par les « 10% ». Il s’agissait de réserver 10% du temps scolaire à des activités « hors programme », mais sous l’autorité des proviseurs et des conseils d’administration. Dès lors, dans plusieurs établissements, les militants ont promu des « 10% sauvages », « 10% autogérés » en dehors du contrôle de l’administration, en même temps que s’organisait dans la jeunesse la solidarité avec les Lip.
Pour aller plus loin
Mathieu Guy, Le mouvement lycéen contre la Loi Debré (1973), master d’histoire contemporaire, Paris 8, 2012.
Didier Leschi, 1968-1973, 5 ans de contestation dans les lycées. Contribution à l’étude des mouvements lycéens des CAL à la loi Debré, maîtrise d’histoire contemporaine, Paris 10, 1986.
Robi Morder, « L’autogestion dans les mouvements étudiants et lycéens », in Frank Georgi et al. (dir), Autogestion, la dernière utopie, Paris, Publications de la Sorbonne 2003
Robi Morder, « La grève lycéenne contre la loi Debré : une mobilisation de la jeunesse contre toutes les casernes » in « Autopsie du service militaire », Autrement, 2002.
Robi Morder, « Pouvoir étudiant et lycéen dans les années 1970 », Autogestion : hier, aujourd’hui, demain, Paris, Syllepse, 2012.
Gérard Vincent, Le Peuple Lycéen (enquête sur les élèves de l’enseignement secondaire), Paris, Gallimard 1974.
Karel Yon, La Ligue communiste et le mouvement lycéen contre la loi Debré (printemps 1973) : rôle et place d’une “ avant-garde ”dans le mouvement de masse, mémoire de sciences politiques IEP Paris, 1999.
Mathieu Guy, Le mouvement lycéen contre la Loi Debré (1973), master d’histoire contemporaire, Paris 8, 2012.
Didier Leschi, 1968-1973, 5 ans de contestation dans les lycées. Contribution à l’étude des mouvements lycéens des CAL à la loi Debré, maîtrise d’histoire contemporaine, Paris 10, 1986.
Robi Morder, “ L’autogestion dans les mouvements étudiants et lycéens ”, in Frank Georgi et al. (dir), Autogestion, la dernière utopie, Paris, Publications de la Sorbonne 2003
Robi Morder, “ La grève lycéenne contre la loi Debré : une mobilisation de la jeunesse contre toutes les casernes ” in « Autopsie du service militaire », Autrement, 2002.
Robi Morder, Robi Morder, « Pouvoir étudiant et lycéen dans les années 1970 », Autogestion : hier, aujourd’hui, demain, Paris, Syllepse, 2012.
Gérard Vincent, Le Peuple Lycéen (enquête sur les élèves de l’enseignement secondaire), Paris, Gallimard 1974.
Karel Yon, La Ligue communiste et le mouvement lycéen contre la loi Debré (printemps 1973) : rôle et place d’une “ avant-garde ”dans le mouvement de masse, mémoire de sciences politiques IEP Paris, 1999.