Le premier acte de cette expérience a été la formation de coopératives de services bancaires pour accueillir des dépôts et fournir des prêts à la communauté. Cecosesola a été formée en 1967 en tant que coopérative de second niveau pour unir neuf coopératives et ouvrir la voie à la diversification. Quelques années plus tard, Cecosesola ouvrira des services funéraires abordables pour la communauté puis investira dans des transports de bus. C’est à ce moment que Cecosesola aura affaire aux politiciens locaux des deux partis de l’époque, l’Alliance démocratique et la Copei, qui estimaient que ces transports devaient rester sous leur contrôle. En 1980, les subventions accordées sont coupées, ce qui provoquera une grève des conducteurs. Les services secrets s’en sont alors mélés, arrêtant plusieurs membres de Cecosesola et confisquant 128 bus. Après 140 jours, Cecosesola obtiendra justice auprès du gouvernement fédéral qui ordonnera la restitution des bus, malheureusement en très mauvais état. Le mal était fait. Cecosesola est endetté à hauteur de 5 millions de dollars et 17 coopératives sur 46 ont quitté l’ensemble. Comment rebondir ?
En 1983, la coopérative El Triunfo tentera alors de créer un supermarché populaire appelé « feria ». Cette formule a immédiatement connu un énorme succès et permettra de susciter la création de coopératives de production agricole qui alimenteront ces ferias. Tout récemment, le complexe Cecosesola a été capable d’ouvrir un hôpital qui dispense des soins à prix raisonnables. Aujourd’hui 1200 personnes travaillent dans le cadre des coopératives de Cecosesola. La loi coopérative de 2001 a permis à Cecosesola de se débarrasser définitivement de la notion de dirigeants élus, les coopératives fonctionnant plus que jamais sur la base de l’absence de hiérarchie et du salaire unique.
Le film de Ronan Kerneur et David Ferret permet de saisir dans le vif ce qui fait l’originalité de Cecosesola : une expérience entrepreneuriale certes, mais surtout une aventure humaine dans laquelle l’implication de chacun, tant en terme de travail que de participation démocratique, est la clé du succès. Le film alterne des prises de vue sur l’activité propre des coopératives de Cecosesola et des interviews de personnages. Si Gustavo Salas Romer, que l’on pourrait assimiler au théoricien de cette expérience, est présent, ce sont surtout Teofilo, Angel, Felipe, Noël, José, Josue, Inès, Manuel, Gaudi, Omar, Pedro, Sneida, Crismar, Antony, Tere, Jorge, Yolanda, quelques coopérateurs parmi d’autres qui savent nous parler de leur vécu au sein des coopératives, des personnes à l’image de ce qu’est aujourd’hui la société vénézuélienne mais porteurs d’une conscience en la nécessaire libération de l’être humain par le collectif. Régulièrement l’éducation reçue à l’école est questionnée dans ses fondements mercantiles. Les délibérations vont bon train et sont le pendant d’une activité pleinement assumée. On notera tout particulièrement la partie du film sur le choc entre la culture anti-étatique de Cecosesola et le coopérativisme lancé par l’Etat vénézuélien à l’époque d’Hugo Chávez, coopérativisme qui sera abandonné par la suite.
On n’oubliera pas les « bonus » fournis sur le DVD qui interviewe la Ceconave, la centrale des coopératives du Venezuela, de Yelitza sur son évolution au sein de Cecosesola, de quelques jeunes, d’Augustin Rivas, professeur de sciences politiques à l’université de Caracas, et quelques fiches pratiques sur Cecosesola et les coopératives au Venezuela.
Un film incontournable pour sentir et comprendre, au-delà des écrits existants, cette profonde révolution silencieuse qui se mène depuis plus de cinquante ans…
Extrait 1
Extrait 2
L’expérience CECOSESOLA
1200 travailleurs coopérateurs, 50 ans d’existence, 1 revenu unique, 0 hiérarchie
Un documentaire de Ronan Kerneur et David Ferret
DVD 59 minutes + bonus 12 minutes
© 2014 Tropos Films
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