1336jours-Hirsch« Dans une entreprise, si vous n’avez pas de salariés déterminés, mobilisés avec des représentants qui le sont autant, des syndicats comme ceux que vous avez à Fralib, vous pouvez mobiliser tous les moyens juridiques que vous voulez, prendre les meilleurs avocats, vous êtes certains de ne pas aboutir à des résultats intéressants. »
Amine Ghénim, avocat des salariés de Fralib.

Tel pourrait être le fil conducteur de ce deuxième film de Claude Hirsch sur le combat des Fralib : 1336 jours, des hauts, débats mais debout. Ce film relate avec précision le déroulé de la lutte des Fralib qui a constamment articulé les actions visant à faire connaître la lutte, à débloquer une situation ou empêcher un état de fait, au processus juridique qui ralentissait la fermeture programmée de l’établissement. On y retrouve tous les moments-clés de cette lutte :

  • L’annonce en septembre 2010 de la fermeture de l’établissement et du licenciement des 181 salariés ;
  • L’annulation du premier plan « social » le 4 février 2011 ;
  • La première occupation de l’usine en septembre 2011 suite à l’acceptation en première instance du deuxième plan « social » ;
  • La tentative d’Unilever de reprendre l’usine le 7 novembre 2011 à l’aide de vigiles ;
  • Le rejet en appel du deuxième plan social le 17 novembre 2011 ;
  • La nouvelle stratégie de la direction de faire signer des transactions individuelles, stratégie qui fonctionnera avec 78 salariés ;
  • L’acceptation en avril 2012, en première instance, du troisième plan social pour 103 salariés ;
  • La deuxième occupation de l’usine le 11 mai suite à une décision de la direction de déménager les machines ;
  • La prise en compte de cette lutte dans le contexte de l’élection présidentielle et l’amorce d’une négociation avec Unilever ;
  • L’annulation en appel du troisième plan « social » ;
  • L’occupation du ministère de l’agriculture et la réception consécutive à l’Élysée le 17 mai 2013 ;
  • Le blocage de la plate-forme logistique d’Unilever en juillet 2013 ;
  • Les nombreuses rencontres et convergences avec d’autres luttes ;
  • Les dernières négociations avec Unilever aboutissant à l’accord de fin de conflit du 26 mai 2014.

1336-salarieUne lutte longue et compliquée parfaitement restituée dans ce film où alternent des séquences prises en direct de ces moments forts et des témoignages de salariés (essentiellement) et d’autres protagonistes. On appréciera particulièrement de voir ou revoir la tentative d’intrusion d’Angel Llovera, le directeur de Fralib, accompagné de vigiles qui « venaient avec des cannes de combat déguisées en parapluie en plein été », la deuxième occupation de l’usine où les salariés étaient cagoulés « pas pour jouer au GIGN mais pour éviter les huissiers qui nous collent des assignations individuelles », la minutieuse opération d’occupation du ministère de l’agriculture et bien sûr les dernières assemblées générales des salariés avant l’accord final où la tension est à son comble.

1336 jours de luttes, plus de trois ans et demi de conflit. Si celui-ci est exceptionnel, il n’en reste pas moins une histoire d’hommes et de femmes confronté-es aux réalités de notre monde. On perçoit clairement, au travers des témoignages, ce mélange de ténacité, de dignité, de volonté de faire céder le géant Unilever responsable de leur malheur, avec des instants de doute et de fatigue. On mesure combien ce combat éprouvant ne se résume pas à une question d’argent mais pose directement la question de la finalité du travail, comme en témoigne la volonté de renouer avec des produits locaux et naturels qu’ils mélangeaient et conditionnaient il y a vingt ans. Cela ne peut que nous montrer l’exemplarité de l’action de cette centaine de travailleurs qui contestent au capital le droit de disposer de l’outil de travail.

À ce sujet, il faut faire une mention toute particulière pour notre président François Hollande, à l’époque candidat à cette fonction, qui déclarait : « On voit bien qu’il y a un certain nombre de multinationales qui veulent fermer des sites sans qu’ils puissent être repris en emportant la marque, en emportant le savoir-faire et en empêchant que tout autre concurrent puisse s’installer sur le site qui a été abandonné. Et bien, cela cessera après le 6 mai. » On ne peut que penser aux anciens salariés de la papeterie de Dorcelles dans les Vosges à qui le tribunal de commerce a refusé, en janvier 2016, de reprendre l’usine alors que son propriétaire, le groupe finlandais UPM, avait décidé de la laisser à l’abandon. 160 postes de travail supprimés alors que les salariés avaient un plan de reprise en Scop intégralement financé par le mouvement coopératif et deux banques. On pense aussi au nouvel Accord national interprofessionnel de 2013 qui soumet désormais les plans « sociaux » à un juge administratif qui valide la procédure. Nul doute que cela aurait alors facilité la fermeture de l’usine des Fralib, le licenciement des salariés et rendu plus incertaine la reprise de l’usine en Scop. Non seulement cela n’a pas cessé après le 6 mai mais cela a empiré ! Tout ceci nous renvoie à la déclaration d’Amin Ghenim, l’avocat des Fralib, sur les relations entre le droit et la lutte des classes…

Un film de Claude HIRSCH,  2015,  74′
Bonus : scènes complémentaires, 2h30
http://www.asspolart.com/1336/

La production militante en septembre 2013

La production militante en septembre 2013