Nouvel élan pour les services publics – Lure (12-14 Mai 2023). Partie prenante de l’initiative, nous publions ici la contribution de l’Association autogestion.au rassemblement de Lure, qui y est également disponible sous la forme d’un dépliant que vous télécharger.
L’Association Autogestion pense qu’il est nécessaire d’avoir une stratégie autogestionnaire et un projet émancipateur pour rompre avec le système capitaliste. En outre, il est nécessaire d’engager une transition pour reconquérir et développer les biens communs universels et sociaux dans un nouveau projet de société. Cela suppose de réactualiser les notions de planification démocratique et de propriété sociale des moyens de production et d’échanges. Pour illustrer, il ne s’agit pas simplement de changer le type de propriété, de substituer la loi du profit par celle de la rentabilité ou d’adapter la gestion aux règles du système capitaliste comme on a pu le voir dans un passé récent avec les établissements publics. De même, la situation de subordination et d’aliénation des travailleur-se-s doit être abolie. Enfin, il ne s’agit pas de développer simplement la participation des travailleur-se-s à la gestion, la cogestion ou gestion paritaire, des formes de gestion dite « démocratique » ne remettant pas en cause l’autorité et les pouvoirs et encore moins de nouvelles formes de management. Il importe d’avoir une visée de rupture radicale.
Pour des services publics rénovés, développés, socialisés et profondément démocratisés
La perspective autogestionnaire n’est pas une vision abstraite ou intemporelle. Nous savons que le démantèlement des services publics organisé par les États et les collectivités a des conséquences importantes et ôte des droits et des protections aux travailleur-se-s. Pour cette raison, il est indispensable de participer aux différentes luttes locales et nationales pour les défendre même en l’état mais ce n’est pas suffisant. Nous ne rêvons pas à un retour idéalisé de services publics fortement centralisés et gérés de manière très bureaucratique. Au contraire, il s’agirait de les développer et de les transformer profondément en les gérant différemment et démocratiquement.
L’appropriation sociale permet de les sauver et de les développer. L’autogestion pose les questions de propriété, de financement, des modes de gestion, des relations sociales et de genre et de la composition des instances de gestion. Elle modifie également le rapport de forces des travaileur-e-s qui luttent pour prendre le contrôle de leur entreprise.
Les biens communs universels (l’eau, l’air et la biodiversité), les biens sociaux (l’enseignement, la santé, la protection sociale, la recherche,…) et les biens publics doivent échapper à tout système de marchandisation et être socialisés.
Démocratiser la gestion des services publics
Quels que soient les échelons de compétences, les citoyen-ne-s usager-ère-s, les associations et les syndicats de travailleur-se-s doivent être associés à l’ensemble décisions et à la gestion des structures publiques afin de définir les orientations, contrôler et évaluer leur fonctionnement. Les droits des travailleur-se-s de ces services doivent être étendus et leurs conditions de travail et d’emploi améliorées.
Il s’agit de dépasser la seule référence des contre-pouvoirs pour étendre le contrôle citoyen et construire des espaces d’autonomie populaire, de passer de formes collectives de résistance défensives à des formes collectives d’organisation et d’expérimentations dans une perspective d’exercice de pouvoir populaire réconciliant ainsi la vie quotidienne et l’action politique.
Il ne s’agit pas tant de « reprendre un contrôle citoyen » mais de créer les conditions d’un véritable pouvoir de décision citoyen, tout en multipliant les expérimentations citoyennes, dont il faudra tirer les enseignements.
Élaborer, explorer et construire des alternatives
Nous ne partons pas de rien, des collectifs, des organisations syndicales ont formulé des propositions.
À l’image du Collectif Inter Hôpitaux (CIH) qui a produit un véritable contre-plan très détaillé de propositions de réorganisation de l’hôpital et du système de santé en 2019/2020, il conviendrait de multiplier ce type d’initiatives. En effet, ce contre-plan constitue une contribution importante pour des objectifs unifiant de lutte, une base pour la construction d(une alliance de mobilisation personnels soignants, administratifs et d’entretien – usager-ère-s sur laquelle aurait pu se construire pour faire plier le gouvernement.
À la SNCF, une organisation syndicale, Sud-Rail, qui se réclamant du courant autogestionnaire, se déclare « favorable à un saut qualitatif dans le contrôle par les usagers de l’entreprise publique de service public », dans une démarche transitoire, par : « une représentation égale au CA des usager-ère-s, des salarié-e-s et de l’État ; la reconnaissance de toutes les associations d’usager-ère-s des transports en fonction des critères du nombre d’adhérents, d’autonomie financière et d’indépendance politique ; la mise en œuvre de scrutins pour élire les représentants d’usager-ère-s, l’attribution de moyens permettant aux usager-ère-s/ citoyen-ne-s d’assurer leur mandat ; par la mise en place, au niveau régional, d’une instance (SNCF, élu-e-s, usager-ère-s, syndicats) qui donne son avis, avec droit de veto, sur le schéma de transport express régional proposé par la SNCF et le conseil régional. »
Nous pourrions prendre d’autres exemples. Ces contre-plans et orientations dessinent des éléments stratégiques de lutte pour améliorer les services publics et expérimenter d’autres fonctionnements.
Développer les services publics de proximité
L’essentiel des services publics de proximité, tels que l’eau, les déchets, les énergies renouvelables, l’éolien, le solaire, la culture, les transports publics, la petite enfance, les personnes âgées, la santé préventive et curative, etc. peuvent être gérés par des régies publiques profondément démocratisées, intégrant des collèges de syndicats de travailleur-se-s, d’associations et de citoyen-ne-s usager-ère-s désigné-e-s ou des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) sur la base de règles de fonctionnement radicalement démocratiques.
En cas de carences des communes et des communautés de communes, les citoyen-ne-s peuvent également expérimenter par l’auto-organisation pour créer des coopératives de logements, des crèches autogérées, des résidences de personnes âgées, etc.
Les défaites, les reculs ne sont pas inéluctables. À l’échelle locale notamment, il est possible de remporter des victoires partielles et de récupérer des parcelles de pouvoir avec le développement de services publics. On le vérifie au niveau local dans différents endroits en France avec la gestion de l’eau, des énergies renouvelables à partir de luttes citoyennes développées avec des collectifs pluriels de défense et de développement de services publics.
Instituer la gratuité à grande échelle
La gratuité de nombreux services de base doit être expérimentée et instituée à grande échelle. L’intérêt de cette notion est qu’elle se concentre sur la valeur d’usage et l’utilité du service rendu et qu’elle émancipe de la loi du marché.
La gratuité peut préfigurer une société basée sur des échanges réciproques de services rendus les uns aux autres. Le débat sur ce sujet évolue sensiblement en France. Elle a commencé depuis un certain temps à être expérimenter dans le transport public inter-urbain.
Le rôle social s’en trouve également transformé, on ne vend plus sa force de travail, on l’échange ou on la mutualise avec celle des autres. Elle engendre une modification des rapports sociaux et du contrat social, qui devient horizontal et sans intermédiaires.
Débarrassé des aspects marchands, l’échange de service entre soi et la société change complètement la place des individus dans la société, ils en deviennent coresponsables. L’instauration de rapports sociaux fondés sur la coopération et l’échange mutuel nous projettent de fait dans une autre configuration.
La transformation sociale et politique de la société implique de rompre radicalement avec les pratiques actuelles qui consistent à déléguer la gestion aux intérêts privés et à confisquer le pouvoir de décision. Il est indispensable de combattre la tendance au regroupement de collectivités qui permet de livrer plus facilement les services publics aux appétits des multinationales. Pour cela, chaque parcelle récupérée peut contribuer à inverser le processus de privatisation.
Engager des transitions dès maintenant
D’ores et déjà, il est nécessaire d’engager des transitions à commencer par les niveaux écologique et énergétique car ils sont transversaux. Il reste encore des marges de manœuvre.
Alors que les crises climatique et énergétique ont d’ores et déjà des conséquences incommensurables pour l’avenir de la planète, les décisions pour demain doivent sortir impérativement du giron de la technocratie et être transférées provisoirement aux différentes instances élues.
Mais, ce n’est pas suffisant car la démocratie représentative est totalement discréditée et se trouve de plus en plus sous l’influence des lobbies. Il y a donc urgence à construire une articulation entre démocratie représentative et démocratie directe, cela passe par la mise en place de réelles instances de décision citoyenne et de travailleur-se-s, que nous définissons comme « démocratie active ».
La définition d’une nouvelle politique énergétique implique évidemment la remise en cause des modes de production, la sortie de la logique productiviste et la relocalisation d’une partie de l’économie pour réduire de manière substantielle le transport de marchandises, extrêmement énergivore, ainsi qu’une reconversion écologique de l’industrie.
De nombreux changements s’annoncent, débattons et agissons pour être acteurs de ces mutations dans une perspective de changement radical et engager une transition pour développer les biens communs universels et sociaux.