une expérience concrète qui peut en cacher d’autres !
Rappel des faits. Nous sommes en septembre 2024. Deux mois et demi auparavant, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a acté la reprise en Scop de l’imprimerie Morassuti placée en liquidation judiciaire.
L’usine qui imprime des calicots et des bâches a été créée en 1962 et compte 28 salariés. Mise en liquidation en février 2024, elle a dès lors fonctionné sans directeur de production et avec un PDG « qui ne sortait pas de son bureau » puisque de toute façon il était sous la tutelle de l’administrateur.
Le 13 juin 2024, le quotidien Libération publiait un article titré:« À Saint-Étienne, les salariés de l’imprimerie Morassuti passent en autogestion pour éviter la liquidation ». Maïté Darnault, la correspondante de Libé à Lyon écrivait: « Les ouvriers de cette entreprise, implantée depuis 1962, espèrent la sauver avec leur offre de passage en Scop. En attendant d’avoir réuni 80 000 euros pour constituer leur capital social, ils la font tourner en autonomie. »
Dans un article du 14 juin 2024, le journal alternatif On vaulx mieux que ça!1 dressait un état des lieux: « C’est un grand hangar installé rue Barrouin à Saint-Étienne et les salariés sont très fiers de nous faire visiter cet outil de travail auquel ils tiennent : “On a des machines super, à la pointe, ce serait dommage que tout s’arrête !”, disent-ils. »
Le journal rappelle que seul repreneur qui s’est présenté voulait délocaliser l’imprimerie à Lyon, ce qui « était inenvisageable pour les salariés ». Manuel Goncalves, qui portait le projet de Scop raconte : «L’autre solution, c’était qu’on arrive à monter une Scop, donc que les salariés s’unissent pour racheter l’entreprise et c’est ce qu’on essaie de faire. »
Ils seront quatorze à « pouvoir et vouloir investir financièrement dans le projet ». Il fallait réunir 500 000 euros, dont quelque 50 000 euros de capital social. Ils ont donc lancé une cagnotte.
L’initiative de reprise en Scop a reçu le soutien du syndicat Filpac-CGT de Saint-Étienne, de l’union régionale des scops, ainsi que de nombreux acteurs politiques et sociaux. Ces efforts convergents ont abouti à la création d’une association de soutien: Ascop 42.
Interrogé par France Bleu, Benjamin, salarié de l’imprimerie depuis six ans, raconte : » On a toujours eu des liens très forts entre nous, ce projet de Scop les a renforcés, même si il y a eu quelques tensions mais c’est normal et on ne fait pas ça pour la gloire. » L’objectif était de sauver au moins 25 emplois sur les 29 que comptait alors l’entreprise.
L’engagement autour du projet a été massif : 600 donateurs. Par parenthèse, cela montre que l’aspiration à maîtriser son outil de production est un puissant outils mobilisateur et un déclencheur d’unité.
600 donateurs, rappelle On vaulx mieux que ça!, qui ont permis aux futurs coopérateurs de présenter aux banques un projet financièrement conséquent qui a « pesé politiquement sur la décision du tribunal ».
Les premiers mois ont été mis à profit pour rationaliser et moderniser l’outil de production, développer les partenariats avec les acteurs publics et mettre en oeuvre une démarche environnementale pour le traitement des déchets.
Quant à l’association Ascop42, elle s’inscrit, nous signale On vaulx mieux que ça!, «dans le secteur de l’activité sociale et solidaire et des entreprises qui développent des projets de productions alternatives au système de production capitaliste. Elle apportera son aide et son expérience à d’autres projets coopératifs dans un cadre qui reste encore à définir. Dans ce but contrairement au projet initial d’Ascop 42, cette association a donc vocation à perdurer. » De l’aveu même des coopérateurs, « les nombreuses actions à effectuer après le démarrage de la SCOP […] n’ont pas permis de donner en temps utile les informations que les donateurs étaient en droit d’attendre. Ce volet de l’aventure Scop Morassuti reste à construire ; plusieurs projets sont à l’étude pour communiquer de la meilleure manière et donner l’information la plus claire et la plus précise possible ! »
Une victoire, ça se fête
Aujourd’hui la Scop Morassuti se porte bien, comme l’explique sur cette vidéo Damien Dubard, qui est à la fois commercial et représentant Filpac-CGT.
Aujourd’hui, les comptes de l’imprimerie sont au vert et 22 salarié·es sur 27 sont associé·es. Trois personnes viennent d’être embauchées.
Le 10 octobre prochain, la Scop Morassuti va souffler sa première bougie et ouvre ses portes. Une occasion de remercier les souscripteurs et de faire partager cette expérience.
Vendredi 10 octobre 2025 de 10h à 18h00 5 rue Barrouin, 42000 Saint-Étienne
Au programme : une «visite de notre atelier et découverte de notre savoir-faire », un « cocktail convivial » et une « table ronde sur la gestion des déchets dans la publicité, avec des acteurs engagés du secteur ».
Il faut obligatoirement s’inscrire en remplissant le formulaire suivant avant le 12 septembre : https://forms.gle/W5yreA3f9Uzp52sT6.
Patrick Silberstein et Jean Sintès
1Vaulx mieux que ça!, https://onvaulxmieuxqueca.ouvaton.org/spip.php?article7711.