Né à Uzès (Gard) le 29 juin 1847, dans une famille protestante, son père est magistrat et sa mère, Anna Granier, est apparentée à la bourgeoisie uzétienne. Il se marie avec une Suissesse Anna Im Thurn, dont la famille possède le domaine des Sources à Bellegarde. Il a aussi été l’oncle de l’écrivain André Gide.
En 1872, Charles Gide soutient sa thèse sur « le droit d’association en matière religieuse » devant la Faculté de droit de Paris, à propos d’une question d’actualité, les associations religieuses étant interdites depuis 1792, les travaux préparatoires de ce qui sera la loi de 1901 sur les associations ayant déjà commencé. Charles Gide est ensuite professeur d’économie sociale à Bordeaux, puis professeur d’économie politique à la Faculté de Droit de Montpellier ainsi qu’aux écoles HEI-HEP.
À partir de 1880, il écrit des textes économiques où il se montre critique envers les théories néoclassiques de William Jevons et Léon Walras, expose les premiers éléments d’une position qui allait l’amener à s’opposer aux économistes libéraux français et aborde des thèmes d’économie sociale. Il publie les Principes d’économie politique, un manuel à travers lequel des générations d’étudiants français ont pris contact avec l’économie politique et qui fut en son temps un véritable phénomène éditorial avec 26 éditions publiées en France de 1884 à 1931, 19 traductions en langues étrangères et une en braille. C’est dans ces ouvrages que Charles Gide, mettra en évidence la baisse des taux d’intérêt de 1830 à 1895 (ce que Marx observait sous le nom de baisse tendancielle du taux de profit) et prédira que ces taux deviendront nuls aux environs de 1915, quelque chose d’important devrant se produire à cette date. La guerre de 1914 et l’apparition de l’inflation qui va sévir tout au long du XXe siècle ne lui auraient-elles pas donné raison ?
En 1885, il rencontre à Nîmes, Auguste Fabre et Édouard de Boyve. Le premier, fils de pasteur fouriériste, ancien secrétaire de Godin au Familistrère de Guise, a fondé en 1879 une coopérative de consommation « La solidarité ». Le second, bourgeois nîmois, dont la mère était anglaise, s’intéressait aux « Christian Socialists » et au mouvement coopératif de ce pays et fondera la coopérative « L’abeille nîmoise ». De ces rencontres, Charles Gide sera alors convaincu de l’importance de la coopération, tout particulièrement de la coopération de consommation, formule lancée en 1844 par les Pionniers equitable de Rochdale dans la banlieue de Manchester. Membre dès les débuts de l’Association protestante pour l’étude pratique des questions sociales, il en sera le vice-président et interviendra fréquemment dans les congrès annuels. Il met alors en pratique ses théories et théorise sa pratique.
En 1886, Charles Gide rejoint le mouvement coopératif qui se réorganise en France. Il voit dans la coopération de consommation le moyen pratique et concret qui permettra de transformer la société en permettant aux usagers de prendre le contrôle de l’économie : « Qu’est-ce que le consommateur, disent-ils ? Rien ; que doit-il être ? Tout… l’ordre social actuel est organisé en vue de la production et nullement en vue de la consommation ou si vous aimez mieux, en vue du gain individuel et nullement en vue des besoins sociaux… La production au lieu d’être maîtresse du marché, redeviendra ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, servante, obéissant docilement aux ordres de la consommation ». Cette doctrine sera exposée au deuxième congrès coopératif de Lyon. Celle-ci sera rapidement condamnée par les libéraux qui par dérision l’appelleront « école de Nîmes », terme qui sera repris avec fierté par Charles Gide lui-même. Cette école de Nîmes s’exprimera pendant cinquante ans dans le journal L’Emancipation.
S’intéressant au phénomène associatif en France et à l’étranger, notamment au moment de l’exposition de l’économie sociale de 1889 et pour le pavillon de l’économie sociale dans l’Exposition universelle de 1900, il rédige le rapport général sur l’économie sociale. Dans son rapport de 1889, il présente son programme de coopération économique devant aboutir en trois étapes à la « république coopérative » :
- Grouper entre elles les sociétés, fonder de grands magasins de gros et opérer des achats sur une grande échelle ;
- Utiliser les capitaux rassemblés pour produire tout ce qui est nécessaire aux besoins des sociétés ;
- Acquérir des domaines agricoles, produire le vin, le blé, le bétail, les fruits et les légumes.
Il promeut la solution coopérative en l’opposant à la solution socialiste : « Entre notre socialisme coopératif et le socialisme collectiviste, même le plus sympathique, il restera toujours cette différence essentielle que le premier est facultatif et volontaire tandis que le second est coercitif ». C’est la raison qui explique le départ des coopérateurs socialistes de l’Union coopérative en 1895. La réunification au sein de la Fédération Nationale des Coopératives de Consommation aura lieu plus tard en 1912 à la double initiative de Jean Jaurès de de Charles Gide.
Charles Gide donnera des cours qui feront autorité, à la Faculté de droit de Paris et au Collège de France, de 1923 à 1928, et décédera à Paris en 1932.
Pour en savoir plus :
A l’occasion de l’Année internationale des coopérative, un événement Charles Gide s’est tenu à Uzès dans le Gard à l’initiative de la Ligue des Droits de l’Homme les 19 et 20 octobre. A cette occasion, Marc Pénin, Docteur en économie et Président de l’association des amis de Charles Gide, a commenté deux extraits de ses écrits.
Charles Gide 1847 – 1932, L’esprit critique, Marc Pénin, Editions L’Harmattan, 1998