Bernie Sanders, candidat à la primaire américaine bouscule l’establishment démocrate et sa représentante Hillary Clinton. Au-delà de ces turbulences, c’est surtout un candidat vraiment à gauche qui se proclame socialiste et se présente sur un programme radical. Il fait jeu égal avec l’autre candidate démocrate. Un évènement aux Etats-Unis, habitués à une bienheureuse alternance. Mais Bernie Sanders, c’est aussi le candidat des coopératives.
En décembre 2014, bien avant d’annoncer sa candidature, Bernie Sanders avait proposé un programme An Economic Agenda for America: 12 Steps Forward où, en bonne place, en troisième point, on trouvait la proposition de « Créer des coopératives de travailleurs » :
« Nous devons développer un nouveau modèle économique pour stimuler la création d’emploi et la productivité. Au lieu d’accorder des exemptions fiscales aux sociétés qui déplacent nos emplois en Chine et dans les pays à bas salaires, nous devons aider les travailleurs qui veulent acquérir leurs propres entreprises en fondant des coopératives détenues par eux. Etudes après étude, il est prouvé que lorsque les travailleurs sont investis dans leurs entreprises, ils travaillent pour elles, la productivité augmente, l’absentéisme diminue et les employés sont plus heureux dans leur travail. »
Sénateur de l’Etat du Vermont, après avoir été maire de la ville Burlington, Sanders, (il n’a adhéré au parti démocrate qu’en 2015…), Sanders accorde, depuis plusieurs années, une attention soutenue à la question des coopératives. En 2009 (avec cinq autres sénateurs) puis en 2012, il fait des propositions de lois en leur faveur qui bien entendu sont rejetées par les majorités démocrate-républicaine. Sanders et ses collègues proposent alors un plan détaillé pour une action fédérale forte en faveur des coopératives et la création d’une banque publique pour les soutenir et favoriser leur financement. Sanders ajoute que le ministère du travail devait créer des centres publics de soutien pour apporter formation et toute aide technique aux reprises d’entreprises par leurs salariés. Cette proposition s’appuie sur l’expérience positive dans son propre Etat du Vermont Employee Ownership Center (le Centre du Vermont pour la propriété des salariés, VEOC). Ce centre « à but non lucratif » assure depuis 2001, financements et formations aux « salariés qui souhaitent racheter leurs entreprises ».
Conor Lynch, qui a suit attentivement Bernie Sanders, remarque dans “The radical Bernie Sanders idea that could reclaim America for the 99 percent,” « C’est là que les coopératives de salariés, qui peuvent être un élément majeur et décisif de l’avenir du mouvement ouvrier, arrivent…. Les coopératives de travailleurs peuvent proposer une nouvelle base aux mouvements des travailleurs de demain. » Sur le site At AlterNet, Zaid Jilani revient également sur les propositions de Sanders dans son article “Bernie Sanders’ Campaign Issues Truly Extraordinary Campaign Plank”: « Aujourd’hui il y a 11 000 coopératives détenues par leurs salaries et près de 120 millions d’Américains qui, d’une façon ou d’une autre, sont engagés dans le mouvement américain, si on prend en compte les coopératives de crédit. En soutenant leur extension, Sanders fait la différence avec ses opposants qui sont uniquement dans le style et non dans le fonds – apporter une alternative aux entreprises qui dominent et dirigent notre économie. »
PS : Le 17 décembre dernier, le syndicat CWA (Communications Workers of America, 700 000 membres), le plus important syndicat dans les télécommunications, a apporté son soutien à Bernie Sanders, à la suite de l’American Postal Workers et du principal syndicat d’infirmières. Reste qu’Hillary Clinton gagnait au même moment le soutien de 18 autres syndicats tout aussi importants dont les principaux syndicats de l’enseignement. Cependant le tournant du CWA vers Bernie Sanders est significatif des changements en cours dans le mouvement syndical américain, même si cela ne va pas sans friction. En effet, le CWA est habitué à faire de larges dons financiers au candidat, le plus souvent démocrate, que le syndicat soutient. Mais Bernie Sanders, en raison de ses principes financiers de campagne, garants de son indépendance, a refusé cette aide financière. L’AFL-CIO, quant à elle hésite, à prendre parti pour l’un ou l’autre des candidats. On notera que le syndicat des métallurgistes USW va lui aussi, probablement, s’abstenir d’exprimer une préférence alors qu’il est le promoteur d’un nouveau modèle original, la « coopérative syndiquée », sur lequel nous aurons l’occasion de revenir dans ces colonnes.
Bonjour,
Bernie Sanders, « candidat des coopératives » ? Euh… Comme surement beaucoup d’autres camarades, je pense que l’impact de la campagne de Bernie Sanders, comme d’une autre manière l’élection de Jeremy Corbyn à la tête du parti travailliste – le parti socialiste qui est allé le premier et le plus loin dans la conversion au néolibéralisme – , nous interrogent sur ce qui peut émerger contre toute attente des « vieux partis ». Ils font évènement et doivent requérir notre attention.
Cependant, livrer, sans les commenter, certaines déclarations [de Sanders] peut donner à penser qu’on y souscrit, quand elles mériteraient, pour le moins, une distance critique.
Par exemple : « Aujourd’hui il y a 11 000 coopératives détenues par leurs salaries et près de 120 millions d’Américains qui, d’une façon ou d’une autre, sont engagés dans le mouvement américain, si on prend en compte les coopératives de crédit. ».
Si on prend en compte les coopératives de crédit, avec le seul Crédit Agricole, il y a près de 10 millions de Français qui, d’une façon ou d’une autre, sont engagés dans le mouvement des coopératives ! Lequel Crédit Agricole est chaque année le fossoyeur de milliers de petits paysans et le plus fidèle soutien de l’agro-industrie !
Comme disait je-ne-sais-plus qui, il faut donc regarder l’argent de haut, mais ne jamais le perdre de vue !;-)
Amitiés.