La République socialiste fédérale de Yougoslavie a été le seul pays dans l’histoire à avoir expérimenté l’autogestion durant presque toute son existence. L’autogestion était censée être l’essence du système social yougoslave et les Conseils de travailleurs en étaient le cœur. Les réussites et les échecs de cette expérience prennent une importance évidente du fait du retour des idées de démocratie participative et d’autogestion dans certains pays et dans certains courants du mouvement ouvrier1. Si l’expérience yougoslave nous prouvait que l’autogestion en tant que telle est impossible, alors il serait inutile de relancer cette idée puisque chaque tentative serait alors vouée à l’échec. Mais si l’échec de l’autogestion yougoslave n’est pas causée par les imperfections inhérentes de l’être humain, alors d’autres explications doivent être recherchées. Dans le même temps, le fait que les Conseils de travailleurs aient duré quarante ans est en soi une évidence que ce projet avait des côtés positifs qui ne doivent nullement être sous-estimés.
Suite de la première partie
Succès
Le fondement de l’autogestion ouvrière est de permettre aux travailleurs de devenir le sujet dominant dans l’économie et la société dans son ensemble. Ceci n’a pas été obtenu en Yougoslavie. Mais si nous acceptons une définition plus limitée de l’autogestion – en tant que participation aux processus de décisions au niveau micro-économique – alors, l’expérience yougoslave peut être vue comme un succès.
Tout d’abord, des centaines de milliers de travailleurs ont été élus dans les Conseils de travailleurs 1, ce qui a constitué pour eux une expérience passionnante. Devenir membre d’un Conseil de travailleurs n’était pas qu’une position formelle. Les Conseils de travailleurs avaient de réels pouvoirs dans les entreprises et ce, même s’ils n’étaient pas les décideurs en dernier ressort et que les travailleurs ne le ressentaient pas ainsi. Cependant, les conseils de travailleurs ont réussi ce qu’il était possible de faire dans ce contexte : ils ont réussi une redistribution partielle du pouvoir entre la bureaucratie/technocratie et la classe ouvrière. Cela est loin d’être un mince succès quand on considère le monopole du pouvoir qui était dans les mains de la bureaucratie avant 1950 et aussi le fait qu’en dehors des Conseils de travailleurs, la classe ouvrière n’avait aucune organisation autonome sous son contrôle.
Deuxièmement, les Conseils de travailleurs ont élargi leurs champs de compétence dans le temps et sont devenus, au moins sur le plan juridique, plus puissants que ce qu’ils étaient dans la première phase de l’expérience des années 1950. Par exemple, alors que durant cette première phase, les Directeur généraux n’étaient pas responsables devant eux, ils le sont devenus par la suite. Par ailleurs, avec l’introduction du système de délégation des années 1970, l’autorité des conseils s’est accrue car leurs membres devenaient des délégués des travailleurs qui ne pouvaient agir sans aval de leurs mandants. Il est évident, cependant, que cela n’a pas eu un grand effet sur les travailleurs dans la mesure où les directeurs des entreprises autogérées conservaient l’autorité nécessaire pour gérer le travail, conclure les contrats, embaucher et licencier les travailleurs, imposer une discipline de travail et contrecarrer les décisions des conseils d’administration qu’ils jugeaient illégales.
Troisièmement, la base matérielle de l’activité des Conseils de travailleurs s’est élargie. Dans la première phase, les entreprises n’avaient que 25 à 30 % de l’accumulation à leur disposition 2. L’autogestion a avancé continuellement de 1953 à 1963, à partir de la loi constitutionnelle de 1953 jusqu’à la constitution de 1963, souvent appelée la « charte de l’autogestion » 3. Après les amendements constitutionnels de 1971, la totalité du revenu appartenait aux OBTA. Les travailleurs avaient le droit de définir la répartition du revenu puisqu’il résultait du produit de leur travail.
Quatrièmement, l’introduction des Conseils de travailleurs a profondément changé le rôle de la classe ouvrière dans la société même si elle n’est pas devenue le sujet socialement dominant. L’idéologie officielle de l’autogestion socialiste en Yougoslavie donnait au travailleur des droits et une meilleure position sociale que n’importe quel autre travailleur à l’est comme à l’ouest. Les travailleurs yougoslaves, en tant qu’autogestionnaires, avaient la sécurité de l’emploi ; ils ne se licenciaient pas. La bureaucratie et la technocratie, même dominante dans la société, devait prendre en considération les opinions et le moral des travailleurs. Dans le cas contraire, les travailleurs pouvaient mettre en accusation leur management, organiser une grève 4 ou en appeler au parti. Si un Directeur général pouvait compter sur le soutien de la bureaucratie locale, il n’était pas certain qu’il puisse se maintenir après une révolte ouvrière. La bureaucratie se devait d’adhérer à l’idéologie qui faisait des travailleurs les acteurs essentiels des prises de décision. Elle devait donc accepter les réclamations et décisions des travailleurs lorsque ceux-ci étaient suffisamment forts et conscients pour les imposer.
Cinquièmement, les Conseils de travailleurs étaient un sorte de substitutif aux organisations autonomes des travailleurs qui faisaient défaut en Yougoslavie. Le seul parti était bureaucratiquement contrôlé et les ouvriers n’en constituaient qu’une majorité relative. Les syndicats étaient une courroie de transmission du parti, sans réels pouvoirs dans les prises de décisions. Aucun syndicat ou parti indépendant n’existaient. La seule possibilité pour la classe ouvrière de jouer un rôle autonome dans la société se situait dans les Conseils de travailleurs. Ils se saisirent ainsi de cette opportunité en affichant une attitude positive à l’égard de l’autogestion en dépit de leur position subalterne dans le système global 5.
L’autogestion ouvrière, avec les Conseils de travailleurs comme concrétisation, avait une grande légitimité parmi les travailleurs yougoslaves pour de nombreuses raisons : elle était au centre d’un système social qui a permis un réel développement économique, social et culturel 6 ; elle a permis d’assouplir la domination de la bureaucratie et a fourni des niveaux de sécurité d’emplois et de participation sur le lieu de travail inexistant ailleurs dans le monde. Formellement, les travailleurs pouvaient décider sur tous les aspects du fonctionnement de leur entreprise. De plus, l’autogestion n’était pas limitée au niveau micro : à travers différents niveaux d’assemblées et de par le système de délégués, les travailleurs pouvaient participer aux prises de décision sur les sujets économiques, sociaux, culturels et politiques à tous les niveaux de l’organisation socio-politique (municipalités, provinces, républiques et fédération).
Il n’est pas facile de déterminer quelle a été la part de l’autogestion ouvrière dans le développement économique dynamique entre 1950 et 1980. Les conseils de travailleurs, en dépit de leurs pouvoirs, sont restés dans l’ombre des structures managériales des groupes informels d’entreprises (OBTA) et des structures bureaucratiques. On peut néanmoins dire que l’autogestion a contribué au développement économique en ce qu’il a engendré la motivation et des initiatives des travailleurs, qui ont ainsi réduit la nécessité d’interventions bureaucratiques.
Le développement économique yougoslave reposait sur une combinaison d’autogestion ouvrière, de marché contrôlé et d’une intervention limitée de l’État. Ces trois mécanismes économiques correspondent à trois sujets sociaux : les travailleurs, la technocratie et la bureaucratie. L’autogestion ouvrière garantissait aux travailleurs plus de pouvoirs et de droits que ce qui existait en Europe occidentale 7. Ainsi, les travailleurs yougoslaves étaient plus motivés à contribuer à la réussite économique de leur entreprise qui appartenait à la société dans son ensemble plutôt qu’à l’État, à un individu ou à un groupe. Il est indiscutable que les travailleurs ne voyaient pas les entreprises comme étant leur propriété mais plutôt comme étant celle de la société dans son ensemble. Ceci s’explique car ils voyaient que la classe politique et la couche managériale avaient, de façon formelle ou pas, influencé la politique économique des entreprises ainsi que le processus de sélection des organes exécutifs ou des directeurs. Cependant, les travailleurs étaient, de façon formelle ou réelle, les seuls décisionnaires qui étaient capables de se motiver pour travailler plus et mieux. L’Organisation Internationale du Travail a confirmé que la participation des travailleurs a renforcé la discipline au travail ainsi que le collectif de travail face au management 8.
Il est évident que parfois les travailleurs suivaient leur intérêts personnels en s’attribuant des augmentations de salaires. Mais il serait unilatéral d’attribuer ceci à une déficience de l’autogestion. Il y avait d’autres raisons pour de tels comportements. En premier lieu, la classe politique avait le dernier mot en cas de faillite de l’entreprise, ce qui explique l’intérêt limité des travailleurs dans l’autogestion. En second lieu, même si le système yougoslave avait de forts éléments d’économie de marché et d’autogestion, l’État continuait d’avoir un rôle clé à travers le contrôle des prix et des mesures macro-économiques. Les Conseils de travailleurs fonctionnaient au niveau micro. Leurs compétences et autonomie étaient limitées par des décisions macroéconomiques prises ailleurs. Il n’est donc pas surprenant qu’ils montrent moins d’initiative et de responsabilité.
La classe politique l’a bien compris et a essayé d’institutionnaliser l’autogestion ouvrière à tous les niveaux de l’organisation politique et économique. En 1953, le Conseil des producteurs s’est constitué en tant que chambre du parlement yougoslave (Assemblée fédérale populaire). Il était élu par les travailleurs et avait des compétences pour peser sur les décisions en matière économique à un niveau macro. D’autres conseils, avec des noms et structures différentes ont été établis par les constitutions de 1963 et de 1974 au niveau des municipalités, des républiques et de la Fédération. Cependant, la plupart des membres de ces conseils appartenaient à la Ligue des communistes. Ce fait n’interdisaient pas que les membres de ces conseils agissent en accord avec les souhaits des travailleurs mais la discipline du parti a toujours été un obstacle à leur autonomie. D’autre part, le gouvernement fédéral définissait une politique économique qui limitait l’autonomie des conseils spécifiques de l’autogestion.
Même si certains auteurs pensaient que les travailleurs n’étaient pas intéressés au développement économique de leur entreprise, nombre d’exemples nous prouvent le contraire 9. Dans certains cas, lorsque le management a mis en faillite l’entreprise et causé des préjudices économiques, les travailleurs ont agit de façon désintéressée pour améliorer la situation. C’était le paradoxe de ce système. Lorsque l’autogestion n’était pas assez développée, les travailleurs n’avaient qu’un rôle secondaire. Mais si le management s’avérait incompétent, les travailleurs se rebellaient et imposaient des changements de personnes. En certaines occasions, les travailleurs votaient des réductions de leur propre salaire pour trouver les ressources nécessaires à la reprise économique 10.
Échecs
Si on compare le niveau de démocratie en Yougoslavie avant et après 1950, ou si on le compare avec le niveau atteint en Union soviétique, on se doit de constater que l’autogestion ouvrière a été un succès relatif. Cependant, en dépit de cette réalisation, le projet a échoué sur un point essentiel : les Conseils ouvriers ne sont pas devenus les institutions de base de la société yougoslave.
Même si les travailleurs participaient de façon relativement active aux réunions, moins de la moitié d’entre eux pensaient qu’ils influençaient les décisions 11. Leurs niveaux d’éducation et d’information restaient insuffisants 12. Certains auteurs ont estimé que ces différences dans les niveaux d’information étaient indépassables 13. Le manque d’information et le rôle des experts et des organes exécutifs dans la préparation des réunions de conseils ont conduit dans des biens des cas à l’adoption formelle de propositions préparées en avance par le management. Très souvent, les travailleurs étaient informés après que la décision ait été prise. Les travailleurs n’avaient pas connaissance de solutions alternatives et les Conseils de travailleurs décidaient souvent sans présentation des conséquences d’un choix. Les travailleurs étaient souvent ignorants des possibilités juridiques ouvertes par l’autogestion, sans parler des concepts économiques relatifs à l’orientation de l’entreprise 14. Considérer le management comme le véritable décisionnaire de l’entreprise amenait les travailleurs en situation conflictuelle à court-circuiter les organes d’autogestion en entamant des négociations directes avec le Directeur général, ses assistants et même les organes des communautés socio-politiques, tout particulièrement les municipalités, qui avaient la possibilité, sous certaines conditions, d’intervenir (par exemple, les entreprises en difficulté pouvaient recevoir des fonds). Pourtant, le champ d’intervention des conseils des travailleurs pouvait permettre de conclure des accords.
Les Conseils de travailleurs ont été ralentis dans leur travail par des groupes informels qui existaient dans les entreprises, composés de ceux qui avaient réellement les pouvoirs dans les processus de décisions. Beaucoup de Directeurs généraux venaient de la classe politique ou cultivaient leurs relations. Ils pouvaient ainsi imposer leur autorité sur les Conseils de travailleurs et autres organes d’autogestion 15. Une démocratisation générale aurait été nécessaire afin d’éviter ces situations, mais la démocratie au niveau micro n’apportait pas la démocratie politique. Même si la classe politique a développé des structures démocratiques dans les institutions politiques après 1953, La Ligue des communistes conservait son monopole politique. Des groupes informels pouvaient être autorisés à fonctionner parce que l’autogestion avait une base matérielle insuffisamment forte alors que le même groupe maintenait le contrôle sur la société dans son ensemble 16. L’État continuait d’intervenir dans l’économie par l’entremise de DG ayant des liens politiques avec un parti qui détenait le pouvoir suprême.
Cela ne veut pas dire que le parti contrôlait le processus de décision. Cela dépendait avant tout de la situation concrète de chaque entreprise. Par exemple, un groupe informel composé du DG, de militants du parti et d’experts pouvait imposer ou faire accepter ses vues 17. Quelles chances avaient alors les travailleurs inorganisés – et même un membre du Conseil des travailleurs – contre de tels groupes ? Leur capacité de résister dépendait du degré de développement d’une conscience autogestionnaire. Si un Conseil de travailleurs étaient composé d’individus indépendants qui n’étaient pas sous l’influence de tels groupes informels, il pouvait alors développer une ligne indépendante.
Mais l’échec de l’autogestion réside dans le fait qu’elle n’a pas su devenir la relation sociale dominante. Les Conseils de travailleurs ont eu de l’impact sur les décisions au niveau micro, mais n’ont pas été capables de remettre en question la domination de la technocratie et de la bureaucratie 18. La société yougoslave entre 1950 et 1990 a été marquée par une lutte de classe permanente entre la bureaucratie et la classe ouvrière et par les tensions entre l’étatisme et l’autogestion. Si la bureaucratie a volontairement abandonné certaines de ses prérogatives, elle conservait une domination globale. L’autogestion a été introduite par le haut, par une décision de la direction politique et non par l’action autonome de la classe ouvrière. C’est la raison pour laquelle l’autogestion s’est développée de façon progressive et avec des contraintes.
Conclusions
En dépit de ses limites, l’autogestion n’était pas qu’un simple arrangement formel. Il a, jusqu’à un certain point, fonctionné, a eu des résultats positifs et l’ouverture légale offerte a encouragé les travailleurs à y participer. Deux arguments méritent d’être pris en considération. Tout d’abord, l’autogestion était un principe constitutionnel ; sa réalisation devenait ainsi une obligation légale du gouvernement de la Yougoslavie. Non seulement les entreprises mais aussi les institutions politiques étaient censées fonctionner selon ces principes. Le niveau de pouvoir exercé dans la réalité par les conseils de travailleurs ne dépendaient cependant pas de principes juridiques mais plus du rapport de force entre la couche managériale et la bureaucratie du parti d’un côté et des travailleurs de l’autre. Ensuite, l’autogestion ouvrière était solidement établie dans l’idéologie communiste. Sa réalisation était alors essentielle pour maintenir la légitimité du parti. Si le parti a parfois été malmené par l’autogestion, il en avait aussi besoin pour sa survie.
La conscience des travailleurs était un facteur déterminant. Cela s’est vérifié sur des sujets tels que l’allocation du surplus et les inégalités régionales. Les travailleurs consciencieux qui agissaient en bons gestionnaires ne dépensaient pas la quasi-totalité du revenu de l’entreprise en salaires. Ils pensaient plutôt à l’amélioration de leurs activités économiques. Aussi, si les travailleurs ne voyaient pas les entreprises comme leur appartenant, ils étaient alors enclins à offrir solidarité et support matériel à des régions développées ou moins favorisées. Bien sûr, le champ de leurs décisions restait limité. Les conseils de travailleurs agissaient à un niveau micro, là où les directives devaient être exécutées et non définies. Plus précisément, ils devaient prendre des décisions dans le cadre de la politique économique décidée au niveau fédéral ou républicain. Même si les Conseils de producteurs et plus tard, les Conseils du travail associé existaient sous la forme de chambres spécifiques agissant au niveau parlementaire, la Yougoslavie ne pouvaient pas non plus se définir comme la « République des Conseils de travailleurs » parce que ces « Conseils de travailleurs macro » partageaient le pouvoir avec des chambres parlementaires composées entièrement ou presque de membres de la classe politique. La politique économique, les politiques de contrôle des prix et la réduction des inégalités régionales étaient décidées par le gouvernement et le parlement au niveau fédéral. Les travailleurs n’avaient aucune influence sur les décisions du parlement par leurs délégués aux « conseils de travailleurs macro » qu’étaient les conseils ou chambre de délégués des travailleurs dans les parlements fédéraux et autres.
Des études à partir de 1985 ont montré que la consommation était une motivation importante des travailleurs pour participer aux prises de décisions 19. La classe politique yougoslave souhaitait améliorer les niveaux de vie et elles y voyaient un moyen de préserver la légitimité du système. Elle l’utilisait aussi pour compenser la déception des travailleurs de ne pouvoir réaliser pleinement l’autogestion. Si les travailleurs avaient pu avoir plus de responsabilités, il est probable qu’ils auraient été capables de regarder au-delà de leur bien-être personnel et le succès de leur propre entreprise. Au début des années 1960, les Conseils de travailleurs ont utilisé leur plus grande autonomie pour s’accorder des hausses de salaires déraisonnables. Quelques années après, l’autorité des Conseils a été réduite suite à une récession et une allocation inappropriée du revenu. Il est impossible de dire si les Conseils de travailleurs aurait pu continuer à se comporter de la sorte si leur autorité sur la totalité du budget avait été maintenue, tout particulièrement si l’État avait abandonné sa politique de sauvegarde des entreprises en faillite.
Le système yougoslave d’autogestion avec les Conseils de travailleurs en tant qu’entité de base fonctionnait comme un mélange de socialisme de marché, socialisme étatique et socialisme autogestionnaire. Cette combinaison particulière a apporté deux résultats différents. D’un côté, les républiques les plus développées ont une croissance plus rapide en prenant avantage de l’économie de marché, de l’autre, le gouvernement fédéral intervenait avec un fonds dédié pour promouvoir le développement des républiques les plus pauvres. Les résultats ont été contradictoires. Alors que les républiques sous-développées croissaient rapidement, l’écart entre elles et les républiques développées s’est parfois élargi 20. Cet effet du socialisme de marché a causé du mécontentement dans les républiques les moins développées qui ont pensé qu’elles étaient exploités par les républiques les plus développées. Ce problème est apparu tout particulièrement après 1966 quand l’économie de marché est devenue plus importante lorsque le nouveau système d’autogestion a été mis en place. L’incapacité du système à effacer ce sentiment des républiques les moins développées d’être exploitées a conduit à une fragilisation de la légitimité de l’autogestion et son remplacement par le nationalisme en tant qu’idéologie dominante. Ceci s’est produit parce que l’autogestion était présentée par la classe politique comme une base du socialisme et le socialisme en tant que système était alors perçu comme la raison principale des inégalités régionales.
Évidemment, les inégalités régionales étaient la conséquence de plusieurs facteurs agissant au niveau macro. L’impact négatif des mécanismes de marché ne pouvait être contré que par une intervention étatique. Le rôle de l’autogestion pouvait alors devenir clair si on comprenait qu’il impliquait un État autogéré, c’est à dire un État qui dépérirait au sens marxiste du terme. Dit autrement, les délégués élus des Conseils de travailleurs aux parlements fédéral et autres auraient alors dû décider de l’envergure et du contenu de l’intervention de l’État afin d’éviter les inégalités et donc les insatisfactions à l’égard de l’autogestion. Or, c’est précisément ce qui n’est pas arrivé, car les classes politiques des différentes républiques ont essayé, souvent sans succès, de trouver un compromis entre le marché et l’intervention étatique. La société qui en a résulté était perçue comme injuste. Lorsque l’autogestion était définie à sa base, les gens ont alors accepté de plus en plus l’idée de remplacer l’autogestion par un autre système. L’impuissance du pouvoir de décision des travailleurs a renforcé cette réaction, tout particulièrement lorsque la crise économique a remis en cause les niveaux de vie.
L’introduction d’éléments d’économie de marché en 1965 a aidé le développement de l’autogestion car elle permettait aux conseils de travailleurs d’agir de façon plus indépendante de l’État. L’autogestion ne pouvait pas réussir en pratique si l’État contrôlait les activités économiques, car les Conseils de travailleurs manquaient alors de matière pour leurs décisions autonomes 21. D’un autre côté, le fonctionnement de l’économie de marché a contribué considérablement à augmenter les inégalités sociales et le niveau de chômage. En même temps, l’introduction du « socialisme de marché » a plus bénéficié à la couche managériale qu’aux travailleurs autogestionnaires parce que les DG, les organes exécutifs et les centres informels de pouvoir ont plus gagné que les Conseils de travailleurs du transfert de pouvoirs de l’État. Cependant, dans le cadre juridique plus démocratique où les Conseils de travailleurs avaient formellement plus d’autorité, les travailleurs pouvaient accroître leur influence dans le processus de prises de décisions et ils l’ont, dans certains cas, fait. Les Conseils de travailleurs étaient des institutions démocratiques où les travailleurs pouvaient exercer plus de pouvoir que dans aucune autre institution au niveau micro ou macro, et ils ont souvent essayé d’utiliser cette ouverture.
Nous observons donc une contradiction qui prend sa source dans la tension entre le marché, l’intervention de l’État et l’autogestion. Les Conseils de travailleurs ne peuvent pas réellement agir comme des organismes d’autogestion – tout particulièrement sur la question du revenu – si les institutions étatiques ont des prérogatives légales pour intervenir dans l’économie. La décentralisation n’a pas aidé car elle se contentait de privilégier les institutions des républiques plutôt que celles du niveau fédéral pour influencer l’économie. Cela ne faisait pas une grande différence pour les Conseils de travailleurs de savoir qui des institutions fédérales, républicaines ou locales allait intervenir dans l’économie. Le problème s’est renforcé lorsque les classes politiques des républiques ne pouvaient plus s’entendre entre elles sur l’allocation de l’investissement. Alors le marché a été utilisé comme mécanisme pour résoudre les tensions inter-républiques et pour permettre une plus grande autonomie des entreprises. Si les autorités locales ou étatiques décidaient sur des sujets économiques, alors, les Conseils de travailleurs ne pouvaient être de réels organes d’autogestion.
L’impact de l’économie de marché sur le comportement des travailleurs dépendait de l’étendue de leur participation réelle au processus de décision. Ils avaient un intérêt économique dans la réussite dans le marché de « leur » entreprise afin d’optimiser leur revenu. D’un autre côté, l’autogestion est un concept fondamentalement socialiste qui induit une autre conséquence : les travailleurs en tant qu’autogestionnaires au sens socialiste du terme devaient prendre en compte le bien-être de la société dans son ensemble. Ceci ne peut être obtenu qu’en limitant l’égoïsme économique des entreprises par des Conseils de travailleurs au niveau global macro ou global dans la forme de conseils des producteurs ou conseils du travail associé au niveau local, républicain ou fédéral. Malheureusement, cet objectif n’a pu être atteint parce que ces conseils ne pouvaient réellement agir comme des organismes d’autogestion au niveau macro bien qu’ils aient été conçus comme tels.
Il a souvent été dit qu’en Yougoslavie le caractère progressif de l’introduction de l’autogestion était justifiée par le sous-développement culturel et économique. L’autogestion serait devenue plus effective dans une société plus avancée. Mais ceci ne s’est pas produit. Il est vrai que l’autogestion s’est développée dans différents aspects : institutionnels, juridiques et pratiques. Institutionnellement, elle s’est développée puisque de nombreuses institutions d’autogestion se sont créées, au niveau micro comme macro. L’autogestion n’existait pas seulement dans l’économie mais dans le système politique, les services sociaux, la culture, l’éducation les sports et autres sphères de la vie sociale. Les organismes législatifs étaient aussi organisés sur des principes autogestionnaires incluant un système de délégation après 1974. Pratiquement, l’autogestion a diminué le pouvoir de la bureaucratie par rapport à la période d’« étatisme révolutionnaire » ou de « socialisme d’État » d’avant les années 1950. Mais ces améliorations n’ont pas changé la nature de la société. La bureaucratie dirigeante savait parfaitement que les changements législatifs et institutionnels ne pouvaient changer les caractéristiques de base du système : le parti unique, la suprématie de l’État sur l’économie, etc. Ces caractéristiques ont contribué à l’échec final de l’autogestion ouvrière.
La performance des travailleurs en tant qu’autogestionnaires doit aussi être prise en considération en tant que facteur contributif. Il a, par exemple, été souvent dit que les travailleurs n’ont pas montré suffisamment de rationalité économique et de conscience parce qu’ils « haïssaient l’accumulation » , à savoir qu’ils avaient tendance à dépenser le surplus plutôt que de l’utiliser pour l’amélioration économique et technique de leurs entreprises. En outre, les Conseils de travailleurs n’auraient pas été capable de motiver les travailleurs et de garantir une discipline au travail, tout particulièrement dans les années 1980. Ces arguments ne sont au mieux qu’à moitié vrais. Même si dans certains cas, les travailleurs ont pris des décisions irresponsables en matière de distribution du surplus, il reste difficile de généraliser de tels comportements. D’un autre côté, cependant, les travailleurs avaient bien des raisons de ne pas être trop intéressés au fonctionnement des Conseils de travailleurs. D’abord, ils étaient bien au courant que les conseils fonctionnaient souvent sans prises en considérations de leurs souhaits et positions. Ils pouvaient observer en pratique l’existence et la domination des groupes informels : bureaucratiques et technocratiques. Ensuite, le concept de propriété sociale dans la théorie yougoslave et le système juridique donnait des pouvoirs à l’État pour intervenir dans les affaires économiques. Un des mécanismes de cette intervention était ce qui était appelé la socialisation du risque et la socialisation des pertes. Si une entreprise travaillait mal, ses pertes éteint couvertes par un budget spécifique. Cette solidarité négative, où la collectivité et les entreprises saines devaient payer pour les mauvaises décisions d’entreprises défaillantes, a amené un manque de discipline au travail et a découragé les initiatives de la part des Conseils de travailleurs. Lorsque les travailleurs comprennent que leurs conseils ne peuvent fonctionner de façon indépendante et que la bureaucratie avait intérêt à couvrir les pertes des entités non performantes, ils avaient alors peu de motivations pour se battre pour plus de pouvoirs au Conseil des travailleurs, si tant est que cela était possible.
Bien que l’affichage officiel voulait que la Yougoslavie soit un système d’autogestion socialiste, en pratique, il s’agissait d’un système mixte qui combinait des éléments d’autogestion et d’étatisme, avec une suprématie du second 22. Cette caractéristique de base du système déterminait les autres. Officiellement, la Yougoslavie avait un système d’autogestion sociale intégrale qui était exercé dans toutes les sphères de la société. Le système politique était un de ses composants organisé sur des principes d’autogestion par les organisations socio-politiques, la Ligue des communistes étant la plus importante. Ainsi l’autogestion sociale et l’autogestion ouvrière en tant que composantes étaient un phénomène macro. Cependant les Conseils de travailleurs restaient les organismes d’autogestion où les travailleurs pouvaient exercer le plus de pouvoirs.
En conclusion, on peut dire que les conseils de travailleurs, en supposant qu’ils auraient été autorisés à diriger l’économie, ont été des institutions humaines démocratiques et efficaces, dont la portée éthique, politique et économique ne peut être ignorée. Mais leurs pouvoirs sociaux réels ont été sérieusement limités. Si la démocratie politique avait été introduite en Yougoslavie avec pluralisme dans le champ des partis et des syndicats, alors les conseils de travailleurs auraient pu être capables de se transformer d’organes de participation en organes d’autogestion 23.
Traduction : Benoît Borrits
Source originale: http://sdonline.org/57/workers-councils-in-yugoslavia-successes-and-failures/
Notes:
- Alors qu’en 1952 il y eu 105 018 représentants dans les conseils de travailleurs, ils étaient 484 784 en 1983 (Potts, Development of the System of Representation in Yugoslavia, 341). En 1969, 30% des travailleurs participaient dans les différents organes d’autogestion des entreprises. 70,5% des membres des conseils de travailleurs et 55,5% des membres des conseils d’administration étaient des travailleurs (Drago Gorupić, “Razvoj samoupravne organizacije preduzeća,” dans Teorija i praksa samoupravljanja u Jugoslaviji, Radnièka tampa, Beograd, 1972, 695). ↩
- Istorija Saveza komunista Jugoslavije, 395. ↩
- « L’autonomie d’une entreprise est déterminée par le droit de ses organes de gestion d’établir son plan économique de façon indépendante et de disposer de ses revenus à partir du moment où il s’acquite de ses obligations à l’égard de l’État… » Gorupić, Razvoj samoupravne organizacije preduzeća (note 16), 682. ↩
- Les grèves étaient rares en Yougoslavie jusque dans les années 1980. La première a été organisée dans le centre minier de Trbovlje en Slovénie en 1958 lorsque 4,000 travailleurs arrêtèrent le travail. Cependant, la grève était perçue comme inadéquate dans une société où les travailleurs avaient des pouvoirs institutionnels à leur disposition. Le fait que des travailleurs organisaient des grèves contre leur management et queles conseils de travailleurs y ont participé montrait que les conseils de travailleurs n’étaient pas les décisionnaires en dernier ressort (voir: Josip Obradović, Sociology of Organization in Yugoslavia, Acta Sociologica, Vol. 19 No. 1/1976, 31). ↩
- D’après une étude de Janja Beč, entre 77 et 80 % des travailleurs pensaient que l’autogestion était le meilleur mode de développement pour la société yougoslave ; entre 95 et 98 % pensaient que les travailleurs devaient avoir le contrôle des résultats de leur travail, alors qu’au même moment, 60 % (et dans certains cas 84%) pensaient que l’autogestion ne signifiait pas grand chose en pratique (Potts, Development of the System of Representation in Yugoslavia, 356). ↩
- La production totale de la Yougoslavie a progressé plus vite que la moyenne mondiale entre 1950 et 1980 (indices 636 et 396 respectivement). La croissance annuelle mondiale moyenne était de 4,7 % alors qu’en Yougoslavie, elle était de 6,4 %. La population agricole n’était plus que de 29 % en 1981 (12. Kongres Saveza komunista Jugoslavije, Izdavački centar Komunist, Beograd, 1982, 20-21). ↩
- Les études ont montré une corrélation positive entre l’impact de la participation des travailleurs à la gestion et l’efficacité économique (voir Aleksandra Kanjuo-Mrčela, Lastništvo in ekonomska demokracija, Fakulteta za društvene vede, Ljubljana, 1999, 182, 197). ↩
- « Une mission de 1960 en Yougoslavie de l’Organisation Internationale du Travail a conclu qu »alors les mécanismes autogestionnaires ont réduit les anciens pouvoirs des directeurs, il apparaît que cela n’a nullement réduit leur autorité… Cela a sans aucun doute renforcé la position des collectifs de travail à l’égard du management, mais cela n’a nullement affecté la discipline au travail »(Branko Horvat, Politička ekonomija socijalizma, Globus, Zagreb, 1984, 144). Horvat a fait la même observation concernant l’autogestion au Chili. ↩
- « Les tentatives d’introduire l’autogestion ouvrière ont rencontré trois objections courantes. Il a été dit que l’autogestion pouvait miner la discipline ; que les conseils de travailleurs auraient été incapables de travailler aux côté des directeurs et que les travailleurs se seraient distribués en revenus personnels tous les profits mettant en danger le développement potentiel de l’économie. Aucune de ces prévisions ne s’est vérifiée » (ibid., 209). ↩
- D’après un rapport au second congrès des autogestionnaires (Sarajevo 1971), dans la grande entreprise textile Varteks à Varaždin (Croatie), une crise économique est apparue en 1966 suite à une mauvaise politique économique de la direction accompagné d’une non prise en compte des décisions de l’autogestion. L’entreprise s’est alors retrouvée sans ressources. L’assemblée des travailleurs et le conseil des travailleurs a alors décidé de reprendre l’ancien dirigeant afin qu’il forme une nouvelle équipe, a renoncé à un mois de salaire et accepté une baisse de 20 % des salaires… (Stanislav Grozdanić, “Novije tendencije i pojaveu praksi radničkog samoupravljanja,” in Teorija i praksa samoupravljanja u Jugoslaviji [note 16], 726-27). ↩
- D’après Ivan Grdešić, 81,6 % des travailleurs interrogés en 1977 ont indiqué qu’ils participaient régulièrement aux assemblées de travailleurs et autres réunions des OBTA mais seuls 42 % d’entre eux pensaient avoir une influence (Potts, Development of the System of Representation in Yugoslavia, 358-59). ↩
- « Comme les directeurs généraux étaient (pour l’instant) mieux éduqués et informés de la gestion des affaires que n’importe qui, ils ont eu plus de pouvoir que les autres groupes » (Horvat, Politička ekonomija socijalizma, 214). ↩
- Karen Wendling, “Unavoidable Inequalities: Some Implications for Participatory Democratic Theory,” Social Theory and Practice, Vol. 23, No. 2, Summer 1997, 165. ↩
- D’après une analyse de l’université des travailleurs de Mostar (Bosnie-Herzégovine) de 1971, seuls 26 % des travailleurs étaient au courant de ce qu’était la productivité du travail ,26 % savaient que ce qu’étaient les organes indirects de l’autogestion (Grozdanić, Novije tendencije [note 25], 731). ↩
- Ceci était particulièrement le cas lorsqu’un DG avait de bonnes relations avec le pouvoir politique et étaient moins bien formé (Horvat, Politička ekonomija socijalizma, 214). ↩
- D’après Anton Vratuša, les entreprises ne contrôlaient l’affectation que de 6 % au maximim de leur production en 1968, ce pourcentage ayant « tendance à décroître » (Anton Vratuša, Yugoslavia, 1971, Foreign Affairs, Vol. 50, No. 1, October 1971, 154). ↩
- Dans certaines entreprises, ces cliques avaient beaucoup de savoir-faire pour imposer discrètement leur positions. Par exemple, leurs membres pouvaient reporter la discussion d’un sujet donné. S’ils n’y arrivaient pas, ils s’abstenaient de fournir l’information et les données adéquates. Une autre méthode consistait à aborder une question à la fin d’une réunion, afin que les autogestionnaires fatigués n’aient pas la patience de la discuter de façon approfondie. Les manœuvres de ces groupes informels ne pouvaient être écartées que par des autogestionnaires convaincus et aguerris. ↩
- D’après une étude de Vladimir Arzenšek, les conseils de travailleurs avaient moins de pouvoir que les DG. Il est intéressant que les officiels de la Ligue des communistes aitent eu moins de pouvoir que les conseils de travailleurs en 1969, 1970, 1971 et 1974, mais plus en 1981 (Potts, Development of the System of Representation in Yugoslavia, 354). Cette étude en est arrivée à deux conclusions importantes : tout d’abord, l’influence du parti dirigeant au niveau de l’entreprise n’était pas aussi importante que ce que l’on pouvait présumer ; ensuite, les travailleurs ont perdu la bataille du pouvoir contre la couche managériale au niveau micro. ↩
- Laslo Sekelj, Jugoslavija – struktura raspadanja, Rad, Beograd, 1990, 57 ↩
- Par exemple, l’écart entre le Kosovo et la Slovénie est passée de 1:3,9 en 1952 à 1:7,9 en 1989 (Dejan Jović, Jugoslavija – država koja je odumrla, Prometej, Zagreb, 2003, 218) ↩
- Avant 1965, l’État contrôlait 73% du revenu brut et deux tiers de l’accumulation (Sekelj, Jugoslavija, 18). ↩
- « Notre système représente un mélange d’autogestion à la base avec une lourde structure étatique au-dessus. » (Svetozar Stojanović, Diskusija o predavanju Predraga Vranickog, Praxis, No. 5-6/1967) ↩
- Branko Horvat a défini cinq facteurs qui étaient nécessaires pour le développement de l’autogestion ouvrière : une longue tradition ouvrière (car les travailleurs qualifiés avaient une prédisposition plus positive pour l’autogestion), une longue tradition de démocratie politique, de hauts niveaux de vie des travailleurs, de courtes journées de travail, haut niveau d’éducation (Politička ekonomija socijalizma, 218). Aucune de ces prédispositions n’existaient au moment où les conseils de travailleurs sont apparus en Yougoslavie et certaines d’entre elles n’ont d’ailleurs jamais existé. ↩
Merci pour le texte et pour la traduction. Bel effort de synthèse pour analyser autant les succès que les échecs. Je persiste à penser qu’il ne faudrait plus utiliser le terme d’autogestion en parlant de la Yougoslavie, où alors mettre systématiquement les guillemets, ou parler d’expérience autogestionnaire partielle. Nous sommes bien devant une participation socio-économique (sans aucun pouvoir décisionnel réel) des travailleurs, voire une forme de cogestion (plus développée et généralisée qu’en RFA). Cela n’est déjà pas rien, évidemment.