Il y a cinq ans, lors de la campagne présidentielle de 2012, sans être au cœur de tout, l’autogestion était invitée dans les débats, sous la forme des reprises d’entreprises et des coopératives comme alternatives aux fermetures et aux licenciements. François Bayrou visitait une Scop issue d’une reprise d’entreprise par les salariés. François Hollande exprimait sa proposition de loi Florange qui obligeait toute entreprise qui souhaite fermer une unité de production à chercher un repreneur et à la céder en cas d’offre. En complément, il proposait de donner aux salariés un droit de priorité à égalité d’offre pour reprendre leur entreprise. Jean-Luc Mélenchon soutenait totalement le projet exprimé par l’AP2E de droit de préemption des salariés de leur entreprise en cas de cession. Eva Joly, enfin, approuvait sans réserve les propositions de la CG Scop et la  priorité à donner aux salariés en cas de reprise d’entreprise. Même Roselyne Bachelot avait affirmé sa volonté de soutenir la reprise d’entreprises par les salariés…

Les luttes en France, comme en Grèce, portaient l’actualité des reprises comme enjeu du débat politique.  Au meeting de soutien aux Fralib du 24 février 2012 à la Bourse du travail de Paris, tous les candidats de gauche sans exception étaient venus apporter leur soutien.

2017… Certes, en lisant bien, il demeure des éléments dans les programmes mais c’est bien autre chose qui est mis en avant par la presse, comme par les candidats : les « affaires », la corruption, la lutte des places et les reconversions… Questions de retournements de vestes sur mesure au propre (si l’on peut dire) comme dans le symbole.

Dans une certaine mesure, ce silence est paradoxalement le signe d’avancées, d’une sorte de « banalisation » de la reprise par les salariés comme une solution ne faisant ni « scandale » ni « subversion ». Ces cinq dernières années, de nombreux reportages dans ces entreprises ont été diffusées à des heures de grande écoute. Plus personne (ou presque) n’ignore le mot Scop. Est-ce à dire que la question est réglée ? Non, mille fois non.

D’abord, parce que les mesures adoptées par le gouvernement depuis 2012 ont été en retrait par rapport aux engagements, et qu’en ne remettant pas en cause le sacro-saint droit de propriété les tribunaux, en application du droit, ont dressé beaucoup d’obstacles. La réforme des tribunaux de commerce, voilà qui devrait être martelé au cours de cette campagne, tant les patrons qui les composent sont juges et partie face aux salariés.

Ensuite parce qu’il ne suffira pas de plus de reprises d’entreprises pour avancer vers l’autogestion, ni de (re)nationalisations avec un simple transfert de propriété du privé vers l’État. Car si nous sommes favorables à des services publics efficaces, à la socialisation de l’économie, ceci ne peut donner des résultats qu’à la condition que le pouvoir soit donné – sous des formes à chaque fois adaptées – à ceux qui y travaillent, en lien avec ceux qui consomment et qui font usage des productions et des services.

La campagne présidentielle c’est votez pour un candidat (beaucoup de personnalisation), votez pour son programme (parfois), mais ce n’est pas « prenons notre votre vie en mains »…  Certes  chacun s’y adapte, et il peut difficilement en être autrement tant que cette institution monarcho-présidentielle perdure. Mais cette période où l’on s’intéresse plus à la politique est également une occasion – en interpellant les candidats, dans les réunions publiques, dans les débats – de mettre en avant les expériences les plus avancées de démocratie sociale et politique, de faire que les autogestions en pratique, les plus significatives et qui demeurent encore l’exception, deviennent un fait, une règle généralisée.

La lettre du mois d’avril