Un accord syndical ne vaut même pas le papier sur lequel il est écrit s’il n’est pas appliqué. Et nos employeurs ont des antécédents douteux quand il s’agit d’honorer des accords. Ainsi, après avoir négocié un accord sur un plan de réouverture des écoles d’Oakland, nous avons décidé d’un plan ambitieux consistant à mener, sous la direction du syndicat, des inspections de sécurité dans plus de 100 écoles et centres d’éducation de la petite enfance dans un délai de trois semaines.
Une offre qu’ils ne pouvaient pas refuser
C’était en mars lorsque, face à la baisse des taux de cas de Covid et à l’élargissement de l’accès aux vaccinations, l’équipe en charge de la négociation du syndicat Oakland Education Association a conclu un accord visant à terminer l’année scolaire à Oakland par un apprentissage en personne pour de petites cohortes d’élèves. Une semaine plus tard, nos membres ont ratifié l’accord lors d’un vote serré.
Nous avions insisté – et obtenu – sur des mesures de sécurité solides qui allaient au-delà des directives de l’État et du gouvernement fédéral : distance sociale, petites cohortes d’élèves et stables, ventilation, dépistage sanitaire, masques, lavage des mains, équipement de protection individuelle, et suffisamment de temps pour que tout le personnel de l’école soit vacciné avant le retour des élèves.
Notre droit légal d’inspecter les lieux de travail pour la sécurité est inébranlable en Californie. Mais comme les bâtiments étaient encore vides à ce moment-là, nous ne pourrons pas effectuer de visites sans l’accord de l’employeur, qui devait ouvrir les portes et nous laisser entrer.
Nous avons donc fait à la direction une offre qu’il ne pouvait pas refuser. Lors de la première réunion du conseil scolaire après la conclusion de l’accord, le président de notre syndicat a publiquement invité les membres du conseil à se joindre à nous pour effectuer des visites de sécurité dans chaque école avant le retour des élèves.
Choisir de toucher à nos droits aurait été un désastre de relations publiques bien pire que n’importe quelle accusation de pratique de travail déloyale.
100 écoles en peu de temps
Le fait de s’engager publiquement nous a également permis de nous responsabiliser afin de mener à bien ce qui représentait beaucoup de travail en peu de temps. Nous avons commencé par examiner les données de santé publique et par identifier les écoles situées dans les quartiers où le taux de cas de Covid était le plus élevé. Nous avons fait de ces écoles notre première priorité. En collaboration avec les travailleur·euses scolaires représenté·es par SEIU et AFSCME, nous avons élaboré une liste de contrôle d’une page, dans un langage simple, des mesures de sécurité à rechercher dans chaque école. Des experts en sécurité de notre syndicat national, dont un médecin spécialiste des maladies infectieuses et un ingénieur en mécanique, ont vérifié l’exactitude de nos documents.
Nous avons ensuite formé nos délégué·es syndicaux par le biais de Zoom sur les mesures de sécurité prévues par notre accord, sur la façon de mener une visite de sécurité dans leur école et sur les endroits où ils ou elles pouvaient obtenir de l’aide, si nécessaire. Près d’un membre du syndicat sur dix est un·e délégué·e syndical·e ou un·e responsable élu·e de notre syndicat, ce qui nous permet d’avoir une bonne couverture des lieux de travail. Nous avons utilisé un formulaire Google pour établir un rapport à la fin de chaque visite et avons fourni des mises à jour régulières aux dirigeant·es syndicaux et aux délégué·es syndicaux. Les responsables et le personnel du syndicat ont participé à presque toutes les visites dans les écoles des quartiers les plus touchés. Les délégué·es syndicaux se sont occupé·es en grande partie des visites sur les autres sites d’Oakland. Dans la mesure du possible, des membres du conseil d’administration de l’école, des parents, d’autres dirigeant·es syndicaux et des administrateur·trices du bureau central nous ont également rejoints.
« Cela a permis de créer un environnement de confiance et de résolution collective des problèmes alors que nous nous embarquions dans ce qui était, pour certains, une entreprise effrayante – la réouverture de notre école pendant le Covid », a déclaré Carrie Anderson, une enseignante du primaire. « Les gens ont pu poser des questions et avoir des conversations sur ce qui se passait, sur la façon dont nous étions prêts, sur ce que nous n’étions pas prêts, et sur différents plans réparer ce qui devait l’être avant l’arrivée des enfants. »
Notes sur le travail de soutien
« Les gens se sentaient plus à l’aise en sachant ce qu’ils pouvaient faire respecter, car les attentes étaient vraiment claires et avaient été rendues publiques », a déclaré Vilma Serrano, une enseignante de maternelle de transition. En effectuant ces visites de sécurité, nous nous sommes vite rendu compte que les termes de notre contrat concernant une ventilation sûre étaient trop vagues. Le covid est en suspension dans l’air et les simples masques en tissu de nos élèves ne pouvaient pas filtrer les aérosols, c’était donc une grande préoccupation pour nous. Nous sommes rapidement parvenus à un accord avec l’employeur pour assurer un minimum de quatre renouvellements d’air par heure (ACH) par filtration HEPA dans chaque salle de classe et espace de travail partagé. Nous avons ensuite enregistré une vidéo de formation avec le délégué syndical en chef du Building Trades Council, expliquant les principes scientifiques qui sous-tendent l’utilisation correcte des filtres HEPA portables.
Nous avons également publié un tableau simple montrant combien de filtres HEPA portables seraient nécessaires pour obtenir quatre renouvellements d’air par heure dans des salles de classe de différentes tailles.
Nos yeux et nos oreilles
Dans l’ensemble, nous avons constaté que la plupart des sites étaient prêts à appliquer les mesures de sécurité que nous avions obtenues à la table des négociations. Les données recueillies nous ont permis d’identifier les écoles dont les problèmes de sécurité pouvaient être résolus par les délégué·es syndicaux et les sites qui avaient besoin d’une aide supplémentaire de la part de la direction.
Les visites de sécurité étant en grande partie terminées, les éducateur·trices sont retourné·es dans les écoles pour vérifier la mise en œuvre des mesures. Beaucoup sont retournés dans les bâtiments plusieurs jours avant nos élèves.
Notre équipe de négociation – 18 membres, dont une infirmière de district – a organisé des dizaines de réunions (virtuellement) pour informer les membres sur les mesures de sécurité, les horaires d’enseignement et la politique des congés. Nous avons également encouragé tous nos membres à assister aux webinaires sur la sécurité présentés par notre syndicat au niveau de l’État.
Le syndicat a donc eu des yeux et des oreilles presque partout, en alerte pour les problèmes de sécurité
Prendre le contrôle du processus
Le retour à l’école pendant une pandémie n’aurait jamais pu se faire sans un certain niveau de risque. Mais plutôt que d’attendre que le patron tienne sa promesse de nous protéger, nous avons pris le contrôle du processus. Rédiger notre propre liste de contrôle de sécurité et inspecter nous-mêmes les chantiers nous a permis de garantir les conditions d’enseignement et d’apprentissage les plus sûres possibles pour nos écoles.
Environ un tiers des élèves d’Oakland ont choisi de revenir en personne au cours du printemps. Bien que les élèves et le personnel aient été testés positifs au Covid après la réouverture, il n’y a eu aucune transmission connue entre les élèves ou le personnel à l’école.
Au-delà de la pandémie, nous avons appris une nouvelle approche pour établir systématiquement des normes dans toutes nos écoles. Nous prévoyons de mener d’autres mini-campagnes à l’avenir pour nous assurer que les élèves d’Oakland apprennent dans des bâtiments sûrs, propres et accueillants.
Publié par Labor notes – https://www.labornotes.org/ 26 juillet 2021
Traduction Patrick Le Tréhondat