Un article paru dans Cerises n° 153 : version complète
Les années 2010 et 2011 ont marqué un tournant dans les luttes sociales en défense de l’emploi. Dans de nombreuses sociétés (Helio Corbeil, SeaFrance, Inter 59, Fralib…), les salariés ont perçu la reprise de l’entreprise sous forme coopérative comme étant la solution qui permet de préserver l’emploi. Pour autant, les échecs existent et la forme SCOP est tout, sauf une baguette magique. Le cas des salariées de l’entreprise Starissima (cf. le film « Entre nos mains » de Mariana Otero) qui n’ont pu faire aboutir leur projet de reprise suite au défaut d’un client en est un exemple parmi d’autres. D’un autre côté, en cas de succès, on constate un phénomène de dégénérescence des coopératives qui les renvoie vers un fonctionnement de plus en plus capitaliste, à l’image des dernières évolutions du complexe coopératif de Mondragón. Dans les deux cas, la faute au marché.
Ceci est loin d’être nouveau et a été pointé aussi bien par le mouvement coopératif lui-même (Charles Gide et l’Ecole de Nîmes) que par le courant marxiste. C’est la raison qui explique que pendant longtemps, la coopérative d’usagers a été préférée à la coopérative de production. Dans la première forme, ce sont des individus qui se regroupent pour répondre à un besoin social et qui, de ce fait, semblerait casser la logique du marché alors que dans la seconde forme, les travailleurs doivent se confronter au marché pour survivre, devenant ainsi de nouveaux patrons. Dans la réalité, ce mouvement de la coopérative de consommation va décliner à partir des années 1960 et il est apparu que le potentiel émancipateur de cette forme de coopération était faible dans la mesure où les travailleurs conservent un statut de salariés comme dans les entreprises capitalistes. Les nouvelles formes de coopératives à collèges associant, entre autres, les salariés aux usagers, ne seraient-elles pas la solution à ce problème ?
Au-delà de cette coordination entre travailleurs et usagers destinée à dépasser les relations marchandes, la sécurisation des revenus des salariés est une question qui revient de plus en plus sur le devant de la scène et qui concerne donc tout particulièrement le secteur coopératif. Diverses formules de Sécurité sociale professionnelle ont été présentées par des économistes de gauche (par exemple Paul Boccara) et des organisations syndicales (le NSTS de la CGT,…). Face à cela, les libéraux n’ont de cesse de répondre par des formules de flexisécurité, censées améliorer la situation de l’emploi. D’une certaine façon, les négociations actuelles entre « partenaires » sociaux que le gouvernement souhaite conclure avant la fin de l’année s’inscrivent dans la même veine : remise en cause du CDI contre pénalisation des contrats de courte durée (Intérim, CDD).
C’est dans la fermeté à l’égard des remises en cause du CDI que nous favoriserons la reprise des entreprises par les salariés. De ce point de vue, le Nouveau Statut du Travailleur Salarié (NSTS) de la CGT est un point d’appui dans la mesure où il impose à l’ensemble des entreprises de capitaux la continuité du CDI. Pour autant, il convient de s’interroger sur la portée transformatrice du NSTS dans un secteur où la valorisation du capital n’est pas à l’origine de l’activité économique. Ne serait-il pas temps de créer un Statut du travailleur associé qui, dans une logique de Sécurité sociale professionnelle, serait en mesure d’assurer une sécurisation des revenus tout en étant financé par l’ensemble de l’économie ?