7 mai 2015, vote express à l’Assemblée nationale sur une proposition de loi déposée par les députés du Front de gauche sur un droit de préemption des salariés en cas de vente de leur entreprise. Cette proposition prolongeait la loi Economie sociale et solidaire qui créait déjà un droit d’information des salariés. Le débat s’est rapidement conclu par un rappel à l’ordre de Carole Delga, Secrétaire d’État à l’économie sociale, qui a tout simplement invité les députés à rejeter ce texte.
Le 7 mai dernier, une proposition de loi déposée par les députés du Front de gauche a été discutée à l’Assemblée nationale. Ce texte prolongeait la loi sur l’économie sociale et solidaire qui oblige le propriétaire d’un fonds de commerce ou de la majorité des parts sociales d’une entreprise à informer les salariés, lorsqu’il souhaite céder son bien. Les salariés peuvent alors faire une offre d’achat mais l’employeur n’a pas l’obligation de leur vendre, ils ne sont même pas prioritaires par rapport aux autres repreneurs.
Cette proposition proposait d’y remédier en créant un droit de préemption pour les salariés des entreprises employant jusqu’à 249 salariés. Ce droit devait permettre aux salariés de se substituer à tout autre repreneur de leur entreprise, à condition de s’aligner sur les conditions de vente que le propriétaire et le candidat à la reprise avaient fixées. De cette façon, les salariés auraient pu mettre en échec les projets d’acquéreurs, dont la préoccupation n’est pas de développer l’entreprise mais d’accroître leur marge au détriment des emplois, en délocalisant l’entreprise ou en extorquant le savoir-faire des salariés.
Ce problème est reconnu par de nombreux acteurs du monde économique. Ainsi, le Conseil économique et social, dans son avis de janvier 2013, s’est-il dit favorable au droit préférentiel des salariés en lieu et place de « « fonds prédateurs » envisageant la reprise d’entreprises dans une logique purement spéculative particulièrement dévastatrice en termes de destruction d’emplois, de perte de savoir-faire et de désindustrialisation des territoires. »
Ce sujet est brûlant, car les reprises de TPE, de PME par des fonds d’investissement ou d’autres actionnaires, peu soucieux de l’emploi, se multiplient. L’entreprise de plasturgie Gaillon dans le Rhône en est une illustration récente. Les salariés de cette société étaient prêts à la racheter pour la transformer en coopérative, afin d’éviter la délocalisation voulue par le fonds de pension qui en est propriétaire.
La proposition de loi incitait à une reprise sous forme coopérative. Les coopératives offrent des garanties en terme de gouvernance démocratique, de partage des bénéfices en faveur du maintien des emplois, qui laissent penser que c’est un procédé permettant de remettre l’économie au service de l’homme. Les chiffres de la Confédération générale des Scop (qui s’est basée sur l’enquête SINE, produite par l’INSEE, portant sur la génération d’entreprises créées en 2006) sont convaincants. En effet, les Scop et les Scic sont des entreprises plus durables que les autres, puisque leur taux de pérennité à 3 ans est de 77 % contre 65 % pour l’ensemble des entreprises françaises, à 5 ans de 63 % pour seulement 50 % en France, ceci avec un taux de rentabilité identique aux autres entreprises, voire légèrement supérieur pour les coopératives.
La reprise sous forme coopérative favorise donc le maintien des entreprises et de l’emploi, ce qui constitue un gage de dynamisme économique. On sait combien la fermeture de telles entreprises peut être mortifère pour la vie locale.
La proposition de loi a trouvé un écho favorable en commission des lois, puisqu’elle a été adoptée avec le vote de nombreux députés du Parti socialiste. Lors de la séance publique, les choses se sont gâtées puisque Carole Delga, Secrétaire d’État à l’économie sociale, a invité les députés à rejeter le texte. Pourquoi le gouvernement et le Président de la République sont-ils à rebours des promesses du candidat Hollande ?
S’il est dommage que cette proposition de loi du Front de gauche ait été rejetée, le dépôt et la discussion de celle-ci auront permis de faire avancer l’idée d’un droit à la préemption pour les salariés. Ce travail s’inscrit dans la continuité de celui mené par des associations comme AP2E et est de plus en plus présent dans le débat politique. Ainsi réapparaît-il dans une des motions présentées au congrès du PS : « Comme promis en 2012, un droit effectif de reprise prioritaire par les salariés en cas de cession ou de transmission d’entreprise doit voir le jour ».
Il faut poursuivre le combat pour que cette préemption devienne aussi incontestable que les autres. En effet, personne ne trouve illogique que le propriétaire qui souhaite vendre son appartement le propose prioritairement à la personne qui l’habite. Personne n’est étonné du fait que le propriétaire qui veut céder sa terre agricole la vende en priorité à celui qui en vit. Les salariés subsistent également grâce à leur travail. Il est donc cohérent que leur entreprise leur soit vendue de façon préférentielle. Le droit de préemption des salariés sur leur entreprise est une nécessité. Il serait temps qu’au minimum, il intègre notre législation.
Question : quels arguments de la secrétaire d’état pour faire voter tous les libéraux contre le projet ?
merci