Dans un pays magnifique, la Lozère, des lieux d’accueil étaient installés au sein des villages et des hameaux. Là vivaient les soignants : des hommes et des femmes, des couples avec leurs propres enfants, un psychanalyste, un psychiatre, des chauffeurs, des aides familiales, des instituteurs spécialisés, des secrétaires et un comptable, des élus. Des bureaux, des lieux-relais et une école complétaient ce service éclaté fonctionnant en structure associative dont les statuts prévoyaient la prééminence d’un conseil technique composé des salariés et donc une forme d’autogestion. Ils recevaient 36 enfants et adolescents souffrant d’autismes, de psychose, de troubles sérieux de la personnalité et du comportement et les accompagnaient au sein de ce système d’accueil spécialisé à caractère familial et thérapeutique.

À partir des témoignages des anciens enfants accueillis, des soignants – quelle que soit leur place dans le dispositif -, des fondateurs et de leurs successeurs, des habitants du canton et grâce à des séquences filmées dans des institutions héritières de Solstices le film retrace l’histoire de cette expérience singulière. La souffrance mais aussi les joies des enfants, le désarroi des parents, la critique de la situation institutionnelle, le projet, l’enthousiasme durable des fondateurs et les difficultés affrontées, l’accueil et le regard des lozériens.

Le cœur du récit est constitué par le « comment ça marche, comment ça soigne ». Le transfert multiple, la répétition de scènes traumatiques vécues par les enfants, le changement dans le « regard » des soignants, la création d’un possible nouvel espace psychique, le traitement du contretransfert dans les groupes d’accompagnement.

Le génie du montage solsticien, nous disent les intervenants, s’est nourri des courants critiques de la psychiatrie des années 60 et 70, de Deligny, de la psychothérapie institutionnelle et de la psychanalyse que les solsticiens ont adaptées, acclimatées, sans dogmatisme.

Le système était autogéré en interne et cogéré avec les tutelles. Les difficultés de la gestion démocratique – « un homme une voix » – le changement du contexte politique et social, les tentatives de déstabilisation viendront, à partir de 1995, approfondir une crise qui est elle-même riche d’enseignement.

Pourquoi ce film ?

En 2007, une indignation, une question naïve : qui a tué Solstices, pourquoi, comment ? Et parallèlement une question ancienne, une question politique entendue dans de nombreuses assemblées : qu’est-ce qu’on peut faire ? Comment répondre au rouleau compresseur de l’ultra-capitalisme quand il triomphe, quand il est en crise ? Quand il légifère toujours plus de d’enfermement et d’exclusion ? Quand il invente la Nuit Sécuritaire ? Quand la chimiothérapie des labos et une certaine psychiatrie se partagent le marché ? Quand les soignants devenus exécutants appliquent des protocoles et des procédures et noircissent des pages de questionnaires ? Quand la prolétarisation et la déshumanisation menacent ici et là ?

Des enfants dans la ferme de l’Hermet. Mais aussi des questions plus personnelles : qu’a vécu mon propre neveu au cours de son séjour de 5 ans à Solstices ? Pourquoi défendre cette institution ? Comment ça soigne ? Comment ça marche, la psychanalyse, la psychothérapie institutionnelle, le transfert et le contretransfert ? Dans quel cas le médicament serait-il utile ? Quels sont les résultats de cette démarche de soin ? Qu’en est-il de mon rapport au handicap, à la folie ?

«Pas de soin sans parole libre, pas de parole libre sans démocratie» (Roger Gentis dans sa préface du livre de Claude Allione, Espace psychique, transfert et démocratie en institution. A propos de Solstices,  Ed. Matrice).

Solstices fut une immense ambition : soigner l’autisme, la psychose – et « même les guérir »2 – en réhabilitant de façon concomitante le travail (des soignants) et le soin. Créer un « laboratoire pour l’autisme » selon l’expression du Pr Jacques Hochmann3.

Quand les pouvoirs sont balayés, s’écroulent ou désertent, apparaissent spontanément des structures sociales populaires démocratiques qui semblent inscrites dans le psychisme des êtres humains. Comme une trace fossile d’avant la servitude volontaire. Elles ont pour noms : collectifs, conseils, autogestion, coopératives, soviets (conseils en russe). À des degrés divers elles remettent en cause la division du travail, la prolétarisation, la division entre travail de direction, de gestion et travail d’exécution, entre travail intellectuel et travail manuel. Elles remettent en cause le pouvoir et redonnent le plaisir du travail. Mais cela ne dure que rarement. Pourquoi ?

Le groupe humain qui a créé Solstices et l’a fait vivre pendant 30 ans apporte quelques réponses et de nouvelles questions à tout cela. C’est une expérience irremplaçable.

FICHE TECHNIQUE

Durée : 80 mn – 1,66 – Son mono sur les 2 pistes. Diffusable en fichier disque dur et DVD.

Avec Mathieu Sztajman- Ludovic Simonetto – Alain Benmerabet, ex-enfants accueillis. Bernard Durey – Claude Allione, psychanalystes. Daniel Barache, psychiatre Jacques Hochmann, professeur de psychiatrie de l’enfant Dominique et Jean-Claude Paulhiac – Daisy et Jean-Pierre Leclerc – Monique et Jean-Claude Pétard – Marie-Jo et Roger Delbos – Marie-Odile et Hubert Boutry – Jean-Pierre Marie – Guillaume Sonnet – Pierre Demoulin – Laura Guzman, couples, membres des couples d’accueil et souvent cadres élus. Lise Avoic et Bernard Richard, parents d’enfants accueillis. Scénario, réalisation, montage Bernard Richard, Image Peter Hill, Benoît Ricard, Jérôme Polidor, Son Nicolas Teichner. Production Edition B. Richard La Mare aux Canards

Prix Roger Camar, en 2010, au Festival International Ciné-Video-Psy de Lorquin

L’auteur

Bernard Richard avec Mathieu Sztajman

Après avoir passé huitans à l’École militaire préparatoire d’Aix-en-Provence (de l’âge de 10 à 18 ans), Bernard Richard est instituteur puis professeur de collège à Paris et en Algérie nouvellement indépendante où il effectue des études supérieures d’économie (politique). Son séjour dure six ans.

À son retour en France il devient professeur de sciences économiques et sociales pendant quinze ans.

À partir de 1979 il reçoit une formation à Louis Lumière, puis exerce comme opérateur de prise de vue à la télévision et sur quelques films, réalise des films de commande à caractère économique et des documentaires tout en continuant à enseigner. De 1989 à 2002, il crée, enseigne (montage, prise de vue) et anime les BTS-Audiovisuel de Boulogne (92).

Solstices est son second documentaire de long métrage. Le premier avait pour titre “E.T.” (2005)

Film précédent

E.T. (Enfant de Troupe)

« Pendant huit ans, mes chefs alternèrent séjours éducatifs à l’école et corps expéditionnaire en Indochine puis en Algérie. J’ai survécu grâce à la fraternité de quelques copains. D’autres, tenants des bizutages, des « tradis », ou « fanamilis », ont gravement blessé, voire détruit, certains d’entre nous. »

Trois longs récits intriqués de Charles Juliet, écrivain, de Claude Maignant, professeur victime d’une cabale d’extrême-droite, et de l’auteur, pour évoquer l’éducation très spécifique au métier des armes, en France. Du vécu intime d’un enfant au projet cohérent de ces « petits séminaires » de l’armée de terre.

Plus de 60 000 enfants et adolescents, parfois dès l’âge de 6 ou 10 ans, ont reçu cette étrange et très discrète éducation des enfants de troupe (E.T.) et des lycéens militaires. Hier, ces écoles ont fourni les sous-officiers et officiers de la conquête et des guerres coloniales. Sont-elles devenues, aujourd’hui, des lycées de luxe séparant de leurs camarades civils les adolescents destinés à perpétuer une caste militaire radicalement séparée du peuple ? A quelles fins ?

Un documentaire de long métrage tourné au lycée militaire d’Aix-en-Provence et nourri de nombreux témoignages et archives. Festival du Film d’Éducation – Évreux 2005

Festival international du film des droits de l’homme, Paris, 2006, Festival Ciné-Video-Psy, Lorquin, 2006.

Bande annonce : http://www.lamare.org/solstices