Quand une usine de Thessalonique a été abandonnée par ses propriétaires en mai 2011, ses travailleurs ont décidé de l’occuper et de reprendre la production sous leur contrôle.
Parmi les milliers d’entreprises grecques qui ont été victimes de la profonde récession causée par les mesures d’austérité imposées par les différents gouvernements, le fabriquant de matériaux de construction Vio.Me. a été abandonné par ses propriétaires en mai 2011. Quarante de ses salariés, organisés horizontalement dans un syndicat de base ont occupé l’usine située aux alentours de Thessalonique afin d’empêcher l’employeur de retirer les machines sans leur avoir payé 1,5 million d’euros d’arriérés de salaires et d’indemnités.
Après une année de contacts infructueux avec le ministère du travail et les bureaucraties des fédérations syndicales, menacés par la pauvreté et le chômage chronique, ils ont annoncé en juillet 2012 vouloir autogérer la production dans l’usine occupée avec le slogan désormais bien connu : « Si vous le ne pouvez, nous, nous le pouvons ». Cette déclaration a rencontré l’indifférence voire l’hostilité de la plupart des partis, de gauche comme de droite ainsi que des bureaucraties syndicales .
Cependant, une multitude d’initiatives locales, de groupes politiques, de sections syndicales et de militants individuels, inspirés et motivés par l’initiative osée de ces travailleurs, se sont rassemblés pour former un mouvement de solidarité large et actif. Il y a aussi eu un réseau de soutien international et un mouvement de partage et de solidarité en provenance d’initiatives similaires, notamment d’Argentine.
Le chemin à parcourir n’est pas facile. Le mouvement a dû faire face aux manœuvres permanentes des anciens patrons, aux promesses vides des autorités, au manque de financement de la production, à une faible demande des produits de l’usine à cause de la récession économique et à un labyrinthe bureaucratique sans fin. Cependant, le 12 février 2013, après trois jours d’intenses mobilisations et un concert de soutien auquel ont assisté 6 000 personnes, la production a repris sous contrôle ouvrier.
Les travailleurs ont immédiatement développé et fabriqué une nouvelle gamme de produits de nettoyage écologiques, faciles à financer, produits avec des intrants locaux et naturels, et distribués par le mouvement lui-même et les canaux de l’économie sociale et solidaire florissante, un allier naturel pour Vio.Me. depuis le début.
Un revenu, petit mais régulier, a renforcé les travailleurs de Vio.Me. et a remonté leur moral alors qu’ils devaient se battre pour la légalisation totale de leur activité. En avril 2014, après de nombreux obstacles juridiques et bureaucratiques, les travailleurs ont constitué une coopérative basée sur les principes qui ont guidé leur action depuis le début : prises de décision collective en Assemblée générale, propriété commune des moyens de production et la non-lucrativité de l’activité, l’éventuel surplus devant retourner à la communauté.
Reconnaissant que le contrôle ouvrier est une étape petite mais nécessaire vers la responsabilité sociale et l’implication de l’ensemble de la société dans les décisions concernant la production, les nouveaux statuts de la coopérative intègrent l’existence de « soutiens solidaires ». Il s’agit d’individus qui s’engagent à consommer annuellement une certaine quantité de produits et qui, en retour, peuvent participer aux Assemblées de travailleurs et influer sur le cours de la lutte par un vote indicatif concernant les décisions importantes.
Alors qu’il y a encore une longue route à parcourir, la régularisation de la coopérative, la grande réponse de la société et la progression du réseau de distribution offrent des perspectives positives pour la lutte de Vio.Me. La première grande assemblée de plus de 1000 soutiens solidaires aura lieu à l’usine de Vio.Me. le 11 mai, un jour avant une importante bataille qui pourra avoir une incidence sur la propriété collective des moyens de production des travailleurs.
Theodoros Karyotis est sociologue, traducteur et militant participant à des mouvements sociaux qui soutiennent l’autogestion, l’économie solidaire et la défense des Communs. Il est membre de l’initiative de solidarité avec l’usine autogérée de Vio.Me. (viome.org) et participe à l’orgnisation du festival annuel de démocratie participative. Il contribue régulièrement à autonomias.net.
Traduction : Benoît Borrits
Article original : http://roarmag.org/2014/05/viome-workers-control-greek-crisis/
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