Patrick Le Tréhondat

La coopérative autogérée propose son anti-Monopoly

La coopérative de couture ReSew coop – Швейний Кооператив a créé un jeu anti-capitaliste. Il est en ukrainien et en anglais.

Le jeu de société  de la coopérative est basé sur les principes de l’interaction horizontale. Ici, contrairement au Monopoly, auquel il est souvent comparé, l’essentiel n’est pas l’excitation et l’ambition personnelle, mais la capacité d’écoute, de négociation et de coopération. Il est impossible de gagner. Plus précisément, c’est le fait que la coopérative continue à fonctionner qui est une victoire. 

Bien sûr, de nombreux éléments sont simplifiés, et le déroulement des événements dépend d’une carte aléatoire. Mais dans ce jeu, la créatrice du jeu autrices (Tony Melnyk) a essayé d’exprimer l’injustice du système capitaliste existant, dans lequel les travailleurs ne s’appartiennent souvent pas, ne peuvent pas gérer librement leur temps et planifier leur travail, même s’il s’agit d’un travail pour eux-mêmes. Beaucoup de choses dépendent des conditions du marché, des circonstances extérieures et de la situation dans la vie personnelle et sur le lieu de travail.

Le jeu montre également comment les caractéristiques individuelles peuvent influencer les processus au sein d’un groupe et peut être un outil pour travailler sur la dynamique de groupe dans les petites équipes, en aidant à développer des compétences en matière de relations horizontales et la capacité à prendre des décisions par consensus.

L’autrice du jeu, Tonya Melnyk, est couturière, artiste, activiste queer et cofondatrice des coopératives de couture ReSew et Shvemi.

Ukraine : « Les coopératives sont une façon de propager les principes de l’auto-organisation dans la société » (2023)

Un entretien avec Tonya Melnyk

Contre la privatisation, bien communal

Le village enneigé de Drohobych vient de fêter sa victoire : il a fait échec à la tentative de privatisation de son usine de sel, la seule en Ukraine, et qui fait partie du patrimoine architecturale, elle a été construite en 1250. Plutôt que demander un statu quo que l’on pourrait résumer par le slogan « Non à la privatisation !», et donc à l’Etat-prédateur de conserver l’entreprise, l’usine saline deviendra un bien communal. Les habitants de Drohobych avaient lancé une pétition électronique demandant que les salines de Drohobych soient transférées à la municipalité et malgré les risques d’un bombardement russe, un grand concert contre la privatisation avait été organisé dans l’usine. Reste la question de son mode gestion dont discutera la population.

Contrôle infirmier

Les infirmières d’un hôpital de la région de Lviv, quant à elles, font preuve d’insolence. Lorsqu’elles ont vu leurs salaires réduits au prétexte que la masse salariale avait atteint 85% du budget de l’hôpital, et ce conformément aux dispositions contenues dans la contre-réforme qui a touché le système de santé ukrainien, elles ont demandé l’ouverture des livres de compte de l’hôpital pour exercer un « contrôle infirmier » sur le bien-fondé de cette réduction de salaires. Demande refusée, ce à quoi elles ont répondu par la création d’un syndicat avec l’aide du syndicat du personnel de santé Sois comme Nina. Elles viennent de déposer une plaine auprès du ministère de la Santé.

Conclusion féministe

Pour les féministes du groupe Bilkis de Lviv « la société ukrainienne d’aujourd’hui est un exemple de la façon dont les gens peuvent s’organiser dans un but précis. Nous pensons que oui, la société civile  peut faire (ou même fait) plus que l’État à certains égards. Nous aimerions que cette expérience montre aux gens de notre pays que c’est eux et elles, cette société civile, qui sont l’État, c’est-à-dire qu’ils et elles sont la force politique qui peut et doit changer tout ce qui les entoure. En fait, il est difficile de dire si et comment ce niveau d’auto-organisation peut être maintenu après la guerre. Cependant, il nous semble que cette expérience  elle-même ne disparaîtra pas sans laisser de traces, que d’une manière ou d’une autre elle changera les valeurs et les pratiques des gens »

18 février 2025