VichasEn visite en France pour la première initiative publique du Collectif « Solidarité franco-grecque pour la santé » en faveur des dispensaires sociaux, le Docteur Giorgos Vichas nous explique les origines de ce mouvement.

Docteur Giorgos Vichas, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je suis un cardiologue travaillant dans le système national de santé et je viens ici au titre de responsable du Dispensaire social métropolitain d’Ellinikon à Athènes. Le dispensaire social est une initiative de médecins bénévoles visant à assurer des soins à des patients sans sécurité sociale, sans emploi et sans ressource. En décembre 2011, après le Mémorandum de l’Union européenne, les personnes sans sécurité sociale ont été exclues du système de santé et se sont trouvées dans l’impossibilité de recourir à un médecin : c’est dans ce cadre que le dispensaire a été créé. Il faut savoir qu’au-delà d’une année de chômage, on n’est plus assuré en Grèce. Par ailleurs, pour les assurés, la part à la charge des patients pour la plupart des pathologies est passée de 10 à 25 voire 30 % des traitements. Les dispensaires sociaux grecs estiment qu’aujourd’hui, de 35 à 40 % de la population n’est plus couverte par la sécurité sociale.

En quoi consiste un dispensaire social ?

Ceux-ci se sont organisés sur trois principes fondateurs. Le premier est que le travail y est totalement bénévole et que personne ne peut recevoir d’argent dans le cadre de cette activité. Le second est que le Dispensaire fait appel à des dons de médicaments et refuse tout argent. Le troisième est le refus de tout sponsoring de la part d’un quelconque donateur. Ces principes stricts ne nous ont pas empêché de nous développer rapidement. Il y a aujourd’hui vingt dispensaires dans toute la Grèce. Nous tiendrons notre prochaine réunion de coordination dimanche prochain. Notre dispensaire d’Ellinikon, a été le premier opérationnel. Il a été rendu possible grâce à l’appui de la municipalité d’Ellinikon qui nous laisse à disposition un local de 250 m2. Notre dispensaire regroupe aujourd’hui 90 médecins, 10 pharmaciens, 15 dentistes, 10 psychologues et 120 autres bénévoles qui assurent du secrétariat et de la communication. Du point de vue des médicaments, ce sont, pour 80 %, des particuliers qui donnent des médicaments non périmés au Dispensaire. Lorsque nous manquons de certains médicaments, notamment des vaccins pour enfants, certains les achètent spécialement pour nous.

Comment faites-vous lorsque les soins à donner dépassent le cadre d’un dispensaire et nécessitent, par exemple, des opérations chirurgicales ?

Nous sommes aidés par le plus grand hôpital privé d’Athènes et les deux plus grandes maternités. Certains hôpitaux publics passent outre la loi qui interdit des prestations gratuites à des non-assurés. Nous sommes fiers d’avoir ainsi pu réaliser quatre opérations de cardiologie. Mais cela ne se passe pas non plus toujours bien. La semaine prochaine, nous entrerons de force dans la maternité de l’Hôpital Alexandra pour exiger la prise en charge de deux femmes enceintes. Le choix de cet hôpital n’est pas fortuit : il a témoigné d’une forte inhumanité à deux reprises. Le premier en refusant de rendre un nouveau-né à sa mère dans l’attente de son règlement d’hospitalisation, le second en menaçant de prison une réfugiée politique afghane à qui on exigeait le règlement de 1200 euros de frais d’hospitalisation.

Votre initiative témoigne d’une forte capacité de résilience de la société grecque. Souhaitez-vous inscrire cette démarche dans une perspective politique ?

Le dispensaire social n’a aucune existence juridique et nous ne souhaitons pas qu’il en ait une. Il n’existe qu’à cause des politiques de la Troïka et nous l’espérons temporaire. Il participe d’un mouvement pour un système de santé public, gratuit et sans corruption. Le dispensaire social agit dans deux directions simultanées. Il prend le patient par la main afin de lui redonner espoir et en même temps, il le persuade de se battre pour mettre fin à cette politique. C’est pourquoi le Dispensaire d’Ellinikon est partie prenante du processus de l’Alter-Summit européen qui aura lieu les 8 et 9 juin 2013 à Athènes.

Un dernier mot ?

Désormais la solidarité dépasse les frontières. Déjà, un groupe de médecins allemands présents à Francfort, Munich et Berlin organise la solidarité concrète à l’égard de nos dispensaires et font aussi connaître la situation sanitaire grecque en tant que résultat concret de la politique actuellement menée. Ce qui se passe aujourd’hui à Chypre est du même ressort et ne se concerne pas que nos deux pays. Il est urgent que les peuples européens expriment leur solidarité et se battent tous ensemble pour résister à la logique de ces politiques.

Pour suivre et participer à la campagne française de solidarité avec les dispensaires sociaux : http://solidaritefrancogrecque.wordpress.com/