Nono[1], Aguirre manque beaucoup à ses amis et camarades. Il nous manquera longtemps. Il était devenu, pour moi, une sorte d’emblème de notre continuité. Avec nos difficultés. Il était présent à la réunion en vue de fonder une association « Autogestion ».
Il a en effet toujours eu autant la préoccupation de l’histoire que celle de l’actualité, une sensibilité à l’instant et une inscription constante dans les solidarités internationales. Un trait fort de notre génération, qu’il portait depuis les années soixante-dix, était bien cette façon d’être sensibles à ce qui, légitimement, révolte. Aguirre, au travers de l’histoire de la LCR, de ses options, de sa continuité a toujours voulu montrer qu’on peut changer cette société. Il s’agit bien d’une lutte pour une émancipation et une transformation de tous les rapports sociaux : les luttes de classe pour en finir avec le capitalisme, qu’il a su inscrire dans le mouvement altermondialiste, étaient pour lui depuis les années 1970 inséparables de l’écologie et du féminisme.
Au travers de chemins différents, nous lui devons bien de continuer ces combats, y compris l’effort pour ne pas se laisser submerger par des échecs, dont celui du NPA, et y tracer la voie pour l’«après». Il voulait si fort que notre génération permette à une autre de faire mieux ; et il était souvent joyeux pour encourager, au-delà des doutes et ouvert aux autres options, pour au moins ne pas insulter l’avenir. Nous pouvions partager des horizons et éviter ces discordes qui souvent insultent l’avenir. Ce mardi 4 octobre, pour ses obsèques, une même famille politique se reconnaissait ; curieusement, il y avait même un immense plaisir de se retrouver ensemble, malgré la tristesse de sa mort.
Juste une citation de Brecht, diffusée en souvenir d’Aguirre : «Il y a ceux qui luttent pendant une journée, et ils sont bons. Il y a ceux qui luttent pendant une année, ils sont très bons … Et il y a ceux qui luttent toute leur vie, et ceux-là, ils sont indispensables.»
Pierre Cours-Salies
[1] – Suisse vivant en France, Daniel Noverraz a toujours été connu dans la vie courante sous un pseudonyme, sauf pour ses fonctions d’administrateur d’édition, de Rouge, de Tout.