Le succès de participation du « peuple de gauche »  aux deux tours des primaires organisées par le Parti socialiste atteste de l’aspiration des citoyennes et citoyens à participer à la vie politique, à peser sur les partis qui affirment vouloir les représenter. Alors que le nombre de militants et d’adhérents actifs des partis, syndicats, associations se compte par centaines de mille, le nombre d’électeurs aux primaires s’est compté par millions. Toutefois l’exercice connaît des limites.Ce sont celles de la démocratie dite « représentative », la participation se résume à glisser un bulletin dans l’urne, celle des primaires aujourd’hui, et au printemps prochain dans celles de la 5e République. Entre les deux, ces millions de votants qui manifestent ainsi – comme d’autres (parfois les mêmes) dans la rue, avec les « indignés », s’ils veulent « faire de la politique », sont sommés de rejoindre les formations existantes. Hors des partis (hors du PS), point de salut ?

Un autre exemple, l’on pourrait même dire un autre modèle, a été celui de la campagne électorale du candidat de l’Unité populaire au Chili en 1969-1970, qui a permis l’élection de Salvador Allende et une dynamique de type autogestionnaire.

Tirant le bilan des campagnes précédentes, l’unité populaire a compris pour les élections présidentielles de 1970 l’importance de la mobilisation tant des adhérents des partis formant l’unité populaire, qu’au-delà. Avant même la désignation du candidat sont mis en place avec succès des Comités d’unité populaire dans les quartiers, les entreprises, les services publics. C’est un véritable réseau pouvant constituer des « germes du pouvoir populaire » selon E. Rojas. Des germes, car disposant d’une base de masse et souvent coordonnés sur le plan local, au niveau régional et national la coordination demeure avec un fonction d’état-major.

Ce sont environ 15000 comités d’unité populaire qui irriguent le pays, font pression – lettres, télégrammes, délégations aux sièges des partis, des journaux, dans les stations de radio et télévision  –  pour la désignation d’un candidat unique. Allende est désigné par les partis de l’UP, mais la pression populaire organisée a joué un rôle déterminant.

Après l’élection d’Allende en novembre 1970, la dynamique de la campagne se traduit jusque dans l’évolution du programme du Parti socialiste. En effet, au congrès de janvier 1971 il adopte un programme qui va plus loin que celui de l’unité populaire, puisque la perspective tracée est celle de « l’incorporation des travailleurs dans le plein exercice du pouvoir », en développant la « gestion ouvrière dans les entreprises nationalisées, le contrôle ouvrier ailleurs ». Les Comités d’unité populaire sont considérés comme « les instruments des masses laborieuses dans le nouvel État » afin de construire « depuis la base une nouvelle structure politique culminant dans  l’Assemblée du peuple ».

Les CUP s’éteignent néanmoins progressivement, avant que la dynamique renaisse avec la crise de 1972. C’est autour de la question de l’extension des nationalisations et des réquisitions des entreprises, réclamées par les travailleurs en grève qui les occupent, et la résistance à l’offensive de la droite que des formes autonomes : cordons industriels, commandos communaux., prolongent et approfondissent la dynamique.

(à suivre)

A lire

Michaël Cousin, La Campagne électorale de Salvador Allende pour la présidence du Chili, mémoire, IEP Lyon, 2010.

Peut être consulté sur le site de l’IEP de Lyon

http://doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyberdocs/MFE2010/cousin_m/pdf/cousin_m.pdf

Pour aller plus loin :

Pierre Dupuy, « Quelles sont les bases d’une authentique démocratie ? L’exemple du Chili» (Compte-rendu de la soirée du cercle Gramsci de juin 2000), www.cerclegramsci.org/archives/dupuy-c.htm.

Franck Godichaud, « Poder popular au Chili », in Lucien Collonges (coord), Autogestion hier, aujourd’hui, demain, Paris, Syllepse, 2010.

Alain Joxe, Le Chili sous Allende, Paris, Col. Archives, Gallimard, 1974.

Maurice Najman, Le Chili est proche, Paris, Maspéro, 1974.

Michel Raptis, Quel socialisme au Chili ? étatisme ou autogestion, Paris, Anthropos, 1973.