2012 a été proclamée par l’ONU année des coopératives. Cette année permettra de promouvoir ces entreprises dont le poids et la diversité dans l’économie mondiale sont trop souvent méconnus. S’il est parfois difficile de retrouver des traces d’autogestion dans de nombreuses coopératives, notamment les plus grosses, il n’en reste pas moins vrai que la forme coopérative a été et restera une forme privilégiée d’expérimentation de l’autogestion.

L’assemblée générale des Nations unies a voté le 18 décembre 2009 une résolution déclarant 2012 «Année internationale des coopératives». Cette résolution souligne la contribution des coopératives au développement socio-économique, notamment leur impact sur la réduction de la pauvreté, les créations d’emplois et l’intégration sociale. Elle encourage les États membres à mettre en avant leurs contributions au développement économique et social et à promouvoir la création et la croissance des coopératives.

Cette année 2012 sera ponctuée de nombreux évènements tels que :

  • 23 au 27 avril : Semaine de la coopération en Europe
  • 7 juillet : Journée internationale des coopératives
  • 8 au 11 octobre : Sommet du Québec
  • 31 octobre au 2 novembre : Exposition universelle des coopératives à Manchester 1

Il est vrai que la présence des coopératives dans l’économie mondiale est relativement peu connue. Un milliard de personnes sont aujourd’hui membres d’une coopérative, principalement en tant qu’usagers. Les coopératives fournissent plus de 100 millions d’emplois. Par comparaison, les entreprises transnationales dans leur ensemble ne représentent qu’un peu plus de 80 millions d’emplois.

La coopérative a souvent été un moyen concret de mise en pratique de l’autogestion. Deux formes de coopératives cohabitent : les coopératives de producteurs et les coopératives d’usagers. Dans la première catégorie, ce sont des producteurs qui sont membres et dirigent la coopérative : on peut classer dans cette catégorie nos SCOP françaises et la coopération agricole. Dans la seconde, ce sont les usagers qui se regroupent pour répondre à un besoin social. C’est ce schéma qui a été adopté par les coopératives bancaires, les coopératives de logement ou encore de consommation.

Si, d’un premier abord, les coopératives de producteurs semblent les plus prometteuses dans la mesure où les travailleurs ont ainsi la possibilité de s’approprier et de diriger leur propre travail, l’expérience a montré que l’environnement de marché pesait très fort sur elles. Cet environnement peut causer des difficultés à l’entreprise qui génère ainsi des phénomènes d’auto-exploitation. A l’inverse, en cas de succès, les coopérateurs peuvent vouloir obtenir un retour sur investissement qui favorise le développement d’un salariat non-sociétaire. La coopération agricole est caractéristique de cette situation. Ces coopératives sont parfois devenues des multinationales n’employant que des salariés non sociétaires, le sociétariat étant réservé aux agriculteurs fournisseurs de la coopérative. Bien que le taux de survie des SCOP soit supérieur à celui des entreprises de capitaux, ces entreprises restent, à quelques exceptions près, de petites entreprises (1959 entreprises avec une moyenne de 20 salariés). Par contre, la démocratie est une réalité dans la majorité d’entre elles. Mondragón Corporación est sans doute l’exemple le plus original d’un ensemble de  coopératives de producteurs qui se coordonne pour former un groupe de 250 entreprises regroupant 85000 travailleurs. S’il s’agit incontestablement d’un énorme succès industriel et commercial, les contraintes imposées par le marché ont largement fait évoluer cette expérience qui peut être questionnée d’un point de vue coopératif et autogestionnaire.

La coopération d’usagers a été initialement créée pour organiser les relations marchandes : plutôt que de rester atomisés face aux entreprises, des consommateurs-usagers se regroupent pour réaliser une activité économique. Initiée en Grande-Bretagne par les Pionniers équitables de Rochdale en 1844, c’est la forme de coopération qui s’est la plus développée de par le monde. En France, plus de la moitié du secteur bancaire est coopératif (avec trois groupes, le Crédit mutuel, BPCE et le Crédit agricole), quelques coopératives de consommation existent toujours et ont jusqu’à présent résisté à la vague de la grande distribution. Dans cette forme de coopération, les travailleurs ont un strict statut de salarié. Si cette absence de démocratie laborale est une lacune indéniable, il n’en reste pas moins que cette approche de l’économie par des besoins exprimés collectivement reste porteuse d’avenir et explique sans doute le succès de cette forme. Il n’est d’ailleurs pas neutre de constater que bien des expériences innovantes de ces dernières années ont utilisé cette forme (La Nef, Garrigue, coopératives de logement, premières Biocoop…).

Pour résoudre cette dichotomie entre coopératives de producteurs et d’usagers, des coopératives multi-collèges associant travailleurs et consommateurs commencent à voir le jour. Un des principes auquel José Arrizmiendiarietta, le fondateur de Mondragón, ne dérogeait jamais était la présence d’un collège de travailleurs dans toute coopérative. C’est ainsi que Lana, coopérative agricole qui ne fait plus partie du groupe aujourd’hui, avait un collège pour les salariés et qu’Eroski, chaîne de supermarchés du groupe, fonctionne sur la base de deux collèges (usagers et travailleurs). Plus récemment, les coopératives sociales en Italie (au nombre de 12000 actuellement) et les coopératives de solidarité du Québec intègrent le multi-sociétariat pour associer travailleurs, usagers et tierce partie afin de réaliser un projet économique à valeur sociale. En France, les SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) ont été instituées en 2002 et comportent au minimum trois collèges. L’intérêt de ces formes de coopératives est de pouvoir dépasser les rapports de marché en réunissant dans une même structure des agents économiques aux intérêts contradictoires.

Bien que les formes idéales de participation des différentes parties prenantes restent encore un grand sujet de débat, la coopération s’appuie sur des principes qui dérogent au droit du capital, notamment avec la règle démocratique une personne égale une voix et la constitution de réserves impartageables. Le fait que ces coopératives aient une telle place dans l’économie mondiale est bien la preuve vivante qu’une autre économie est possible et cette reconnaissance de l’ONU arrive à point nommé en ces périodes de crises financière, économique et écologique. Il ne fait aucun doute qu’à l’avenir de nombreuses expériences autogérées continueront d’adopter la forme coopérative pour s’épanouir.

Pour en savoir plus :

Alliance coopérative internationale

Site de l’année internationale des coopératives

L’association internationale des travailleurs et le travail coopératif

Un texte de Rosa Luxemburg sur les coopératives

 

 

Notes:

  1. Le choix de Manchester n’est pas neutre : c’est ici qu’est née la première expérience coopérative : les Pionniers équitables de Rochdale.