Après trois ans et demi de lutte des anciens Gkn à Campi Bisenzio, nous en sommes là : le 1er avril, la troisième procédure de licenciement prend fin, liquidant une histoire industrielle automobile longue de 70 ans. Depuis janvier 2024, soit 15 mois, nous sommes scandaleusement sans salaire. Avec ces derniers licenciements, l’usine reste un pur bien immobilier. De l’industrie, donc, à une possible spéculation immobilière, alors même que le collectif de l’ex-usine Gkn a un plan de reconversion écologique de la production (panneaux photovoltaïques et cargobike), un actionnariat populaire qui a franchi le million d’euros et espère en obtenir deux. Notre proposition est celle d’une usine « socialement intégrée » basée sur la coopération, le mutualisme, le lien avec le territoire et la reconversion écologique.

Cependant, nous sommes toujours en équilibre entre la chute et l’envol. Sur la base de notre proposition de loi, la région de Toscane a entamé le 12 mars le processus de constitution du Consortium industriel public de la plaine florentine, visant à déclarer l’utilité publique de la zone et à la destiner à notre réindustrialisation. Un exemple alternatif à l’absence de politiques industrielles publiques ou à l’idée de la reconversion de la guerre comme solution à la crise de l’automobile. L’idée du réarmement comme stimulant de l’industrie est humainement atroce, socialement inacceptable, économiquement stupide. Mauvaise si elle fonctionne, mais elle ne fonctionne pas. La production de guerre pouvait saturer l’industrie italienne dans les années 1930, pas aujourd’hui. À l’époque, on produisait 50 000 voitures par an, alors qu’aujourd’hui, une capacité de production d’au moins 500 000 voitures est inutilisée. La guerre en Ukraine a effectivement créé un besoin (inquiétant) de balles, mais pour qu’il soit à la base d’une réindustrialisation massive, il faudrait multiplier par trois ou quatre l’ampleur du conflit. Ce qui pourrait être une prophétie auto-réalisatrice où l’on ne sait pas si les armes sont produites parce qu’il y a la guerre ou la guerre parce qu’on produit des armes. Dans une société dominée par la financiarisation, le tertiaire et la précarité, l’élargissement de la base industrielle est un processus complexe. En effet, les dépenses militaires augmentent depuis des années sans impact général sur l’industrie. Elles finissent par augmenter le poids spécifique de certaines grandes industries.

L’impact sera dévastateur sur ce qui reste de l’État-providence. Avec le simulacre de dépenses militaires en dehors des contraintes budgétaires : les priorités, en fait, n’ont pas de contraintes. Seulement la priorité, ce n’est pas vous, ce n’est pas votre vie, ce n’est pas le soin de vos proches, l’éducation de vos enfants. Trente années d’austérité se révèlent être ce qu’elles sont : une tromperie idéologique. Un tel flux d’argent déplacera le centre de gravité de toute l’innovation et de la recherche vers le militaire. En le soustrayant encore plus à la conversion écologique.

Or, le seul plan de véritable reconversion économique appartient aujourd’hui au mouvement pour la justice climatique et sociale, pour au moins 8 millions d’emplois en Europe. Le seul plan pour l’emploi, à vie. Transports publics, déploiement radical des énergies renouvelables sans consommation de terres, sécurisation des terres, récupération et reconversion des entreprises polluantes, adaptation des logements. Alors que le capital révèle sa vacuité destructrice, nous sommes tout : la vie, le travail, l’avenir. Il ne s’agit pas d’une énième publicité du capitalisme vert. La conversion écologique n’est pas un fait technique, mais un fait social. Elle est sociale ou elle ne l’est pas.

La réindustrialisation écologique de l’ancien Gkn ne peut être un point isolé. Elle nécessite et stimule à son tour de nouvelles relations de pouvoir. L’usine socialement intégrée se nourrit du développement de communautés énergétiques et de réseaux mutualistes, pour une mobilité durable et, à son tour, vise à être un instrument.

La lutte contre le réarmement ne peut pas être gagnée seulement dans la sphère de l’opinion, mais aussi dans la sphère de l’exemple concret. C’est pourquoi l’ancien Gkn est une ouverture qui ne doit pas se refermer. C’est pourquoi nous appelons à un nouvel événement de lutte et de résistance : les 4-5-6 avril, le troisième festival de littérature ouvrière se tiendra devant l’usine, lieu de renaissance de notre imaginaire social. Et le samedi 5 avril, à 18 heures, nous marcherons de l’usine au centre de Campi Bisenzio pour exiger la déclaration d’utilité publique sur l’usine elle-même. Toutes les infos sur https://insorgiamo.org/

*Ancien collectif de l’usine Gkn

Réf. Il Fatto quotidiano, Journal quotidien, Rome, 24 mars 2025, P.15.