Fontanille SCOP achève son deuxième exercice après sa reprise en SCOP. Située au Puy-en-Velay et spécialiste du ruban siliconé pour bas auto-fixants, cette entreprise fondée il y a 150 ans a souffert de l’ouverture du secteur textile à la concurrence internationale pour connaître une liquidation en 2012. Pourtant 46 anciens salariés ont décidé de reprendre l’entreprise pour maintenir l’emploi. Un pari difficile et risqué, certes, mais qui est loin d’être perdu, renforcé par la forme démocratique de la coopérative qui préfigure un tout autre rapport au travail.
En décembre 2012, l’entreprise Fontanille est reprise en SCOP. 150 ans d’une histoire qui puise ses origines dans le savoir-faire local en matière de dentelles. Après-guerre, l’entreprise s’engage dans les élastiques pour devenir dans les années 1970 un pionnier dans les hauts de bas auto-fixants. Deux secteurs de prédilection : le paramédical et la mode. La famille Fontanille quittera l’entreprise à son apogée dans les années 1980. En1992, l’entreprise est vendue à une personne physique qui la détiendra par l’intermédiaire de sa société Holding, la SEP. En 2003, l’entreprise déménage à Espaly Saint-Marcel sur les hauteurs du Puy-en-Velay. En 2007, l’ouverture totale du marché du textile signe la fin de l’entreprise qui sera liquidée en octobre 2012, ses effectifs étant passés de 150 à 70 personnes sur cette période.
Le directeur commercial de l’entreprise, Rolland Arnaud, appuyé par la section locale CFDT, prend contact avec l’Union Régionale des SCOP d’Auvergne et monte avec les salariés un projet de reprise auquel adhèrent 46 salariés. Ensemble, ils ont proposé de racheter les actifs pour 100 000 euros avec une garantie de maintien des 46 emplois, solution qu’acceptera le Tribunal de commerce avec l’appui politique de Benoît Hamon, alors ministre délégué à l’Economie Sociale et Solidaire. N’ayant pas consigné cette somme, ils réussissent en 48 heures à réunir 146 000 euros avec divers apports allant de 50 à 30 000 euros, sans que cela ne fasse une quelconque différence en terme de poids relatif puisque la future entreprise sera une coopérative fonctionnant sur la base d’une voix par personne. Les associés ont ensuite réinvesti 830 000 euros correspondant à 60 % de leurs primes de licenciement et obtiendront 400 000 euros d’emprunts de différents organismes tels que le Crédit coopératif, Auvergne active et la Région elle-même. Fontanille est ainsi devenu la plus grosse SCOP d’Auvergne…
Si les salariés ont dû consentir à l’abandon de leur treizième mois, les plus bas salaires ont été relevés aboutissant à une échelle de un à deux. Un effort tout particulier a été fait en terme de formation. Outre le fait que tous les sociétaires ont été formés en comptabilité et en gestion pour être en mesure de débattre des enjeux de l’entreprise, l’accent est désormais mis sur la polyvalence. Ainsi un teinturier peut participer à la Recherche et Développement ou la styliste être appelée à prendre des fonctions commerciales. La fierté d’exister, de maintenir envers et contre tous cette activité semble être le moteur de ces salariés-sociétaires. Le taux d’absentéisme aurait soudainement chuté, signe que l’on travaille plus sainement dans un environnement démocratique…
Au-delà de l’Assemblée générale statutaire annuelle, les salariés-sociétaires se réunissent dès qu’une question d’importance est à débattre : organisation du travail, nouveaux partenariats commerciaux… Celle-ci s’est réunie trois fois l’année passée. Alors qu’il n’y que 12 femmes pour 34 hommes, il a été choisi d’avoir un Conseil d’administration paritaire de 4 hommes et 4 femmes se réunissant tous les mois. Enfin, un comité de direction composé de 4 personnes fait le point tous les lundi matin : outre Rolland Arnaud, devenu PDG de l’entreprise, on y retrouve le responsable R&D, celui de la production et le Directeur administratif et financier.
Disposant d’un local de 18 000 m2 en leasing jusqu’en 2019, la production a été réorganisée sur un seul niveau compte tenu de la baisse des effectifs. Divers type de machines cohabitent : des métiers mécaniques à tisser, des machines à teindre ou encore à siliconer. Si certaines machines sont en leasing, d’autres ont été conçues et fabriquées par l’entreprise elle-même comme certaines machines à siliconer. Un accent particulier a été mis sur la propreté et la réorganisation du site de façon à optimiser le travail. Outre le fait que l’entreprise disposait déjà d’une station d’épuration pour traiter les teintures, des cuves spéciales de récupération des acides ont été achetées, démarche écologique clairement revendiquée par la SCOP.
Après presque deux ans de fonctionnement, l’entreprise semble bien aller. Tous les anciens clients de l’entreprise ont été conservés. Le premier exercice comptable a permis de dégager un bénéfice de 272 000 euros pour 4 millions de Chiffre d’affaires, essentiellement dû aux allègements de cotisations sociales pour création d’entreprise de la première année. La SCOP vise donc l’équilibre pour 2014 avec un chiffre d’affaires supérieur. Même si l’entreprise préfère afficher des objectifs modestes, elle a déjà des perspectives de développement technique et commercial dans d’autres secteurs que les bas et le paramédical…