La campagne sur les élections européennes a été remarquable par sa vacuité. Pourtant, les sujets ne manquaient pas :
- Le traité TAFTA (pour Transatlantic Free Trade Area) ;
- La politique énergétique européenne ;
- Le futur de la PAC ;
- La politique sociale et un SMIC européen ;
- Le rôle de la BCE ;
- Les relations de l’Europe avec les États-Unis, la Chine et la Russie.
On pourrait rallonger la liste. Or presque rien de tout cela n’a été évoqué. On a préféré mettre en avant certains marchandages dans la composition des listes ou le gadget de l’élection du Président de la Commission par le Parlement européen qui n’intéresse personne.
Cette élection menée avec une surabondance de listes diverses a abouti à un désastre. Dans toute l’Europe, on assiste à une montée des partis xénophobes. C’est bien sûr la France avec son Front national à 25 % mais c’est aussi cette irruption du UKIP au Royaume-Uni qui prône la sortie pure et simple de l’Union européenne, l’émergence de l’Alternative pour l’Allemagne à 7 %, sans parler du Jobbik Hongrois à 15 % et l’Aube dorée grecque à 9 %. Heureusement il existe en Grèce avec Siriza, en Espagne et ailleurs quelques contre-feux.
Comment expliquer un tel retour du nationalisme ?
L’altermondialisme porte peut-être une responsabilité dans ce désastre : celle de son ambiguïté sur la question du rôle de l’État. Ce mouvement a contesté la mondialisation néo-libérale dont une des caractéristiques est la mainmise des multinationales et des marchés financiers sur les États qui aboutissait toujours à des privatisations massives et un démantèlement de l’État-providence.
Deux sensibilités s’expriment dans ce mouvement
Pour les uns, appelons les « sociaux-démocrates », il s’agit de redonner aux États les pouvoirs qu’ils ont perdu face à la finance, de façon à reconstituer l’État social qui existait durant les « Trente glorieuses », d’où l’appel à l’esprit des « Jours heureux » promu par le Conseil National de la Résistance. En clair, il ne s’agit pas de renverser le capitalisme mais de l’encadrer, de permettre qu’émerge un nouveau compromis de classe. Dans cette perspective, le retour en force de l’État est essentiel.
Pour les autres, que l’on peut appeler « internationalistes », il serait vain d’espérer un quelconque retour à un nouveau compromis social : l’heure est au dépassement du capitalisme. Place donc à l’émergence de la démocratie directe, à la gestion des entreprises par les travailleurs et par la population. Cette deuxième tendance exprime une volonté de dépasser le cadre des États-nations, de créer une démocratie généralisée qui fonctionne à tous les niveaux, de l’entreprise et de la commune aux échelons fédérés, portant en elle la constitution d’un nouvel internationalisme. Elle s’inscrit clairement dans une logique autogestionnaire.
Le Front national a su offrir aux jeunes générations un nouveau visage. C’est troublant. Au placard, les nostalgiques de la gégène et de l’Algérie française. Place aux patriotes de tous bords, ceux qui refusent d’être envahis par le « made in China », ceux qui défendent une industrie nationale, ceux qui veulent être « protégés » de l’Étranger. Protégés ? Nous sommes ici au cœur de la problématique social-démocrate. Le capitalisme et le marché font des ravages sociaux ? Le rôle de l’État est de protéger les faibles, les perdants de l’économie marchande, discours parfois tenu à gauche, oubliant trop rapidement le rôle répressif et régressif d’un Etat protégeant la propriété privée des moyens de production. Le Front national ne s’y trompe pas lorsqu’il fait appel au rassemblement de tous « les petits, les obscurs, les sans grade ».
Tous acteurs de nos propres vies
La véritable logique de la transformation sociale est que nous devenions tous acteurs de nos propres vies. Il faut une généralisation de la démocratie à tous les niveaux, dans l’entreprise et dans la cité. Ceci signifie qu’il n’y a plus d’actionnaires à nourrir à défaut de les gaver.
Ceci signifie développer la co-activité de tous dans la solidarité, construire du collectif. L’étranger n’est plus un parasite qui, comme le met en avant l’extrême droite, viendrait siphonner les recettes de l’État social mais un être humain qui apporte son travail, sa compétence et sa richesse à la communauté…
Voilà pourquoi l’autogestion tourne le dos aux replis nationaux.