Mettre en pratique à la fois des réponses à l’organisation du travail, au mode de consommation et à la gestion de l’environnement, c’est le projet que mène le Monde allant vers…, une ressourcerie installée à Eymoutiers (87).
Avoir une action concrète pour la réduction des déchets
En 2002, deux membres d’une ressourcerie de Beauvais (Oise), les Ateliers de la Bergerette, rencontrent, via le réseau Repas (Réseau d’échanges et de pratiques alternatives et solidaires – voir également notre article sur autogestion.coop), des personnes actives sur le plateau de Millevaches et des jeunes « compagnons » issus de la formation organisée chaque année par le réseau Repas. Constatant un manque réel en matière de gestion et de récupération des déchets sur le canton d’Eymoutiers, ils décident d’y transférer l’expérience de Beauvais. Eymoutiers est choisi comme lieu d’implantation, d’autant que la commune accueille dès le début très favorablement le projet. L’association Le Monde Allant Vers… (MAV) est constituée en novembre 2002.
Une ressourcerie, bien plus que du recyclage !
Il existe aujourd’hui en France 80 ressourceries regroupées dans le réseau des ressourceries ; une dizaine d’entre elles sont autogérées Une ressourcerie met en pratique trois actions majeures en terme de gestion des déchets : la réduction, le réemploi, le recyclage. C’est le principe des 3 R : essayons de réduire le nombre de nos déchets, ré-employons le maximum d’objets plutôt que de les jeter et les remplacer, recyclons-les, si nous ne pouvons rien en faire de mieux !
Le fonctionnement d’une ressourcerie, qui, par son nom, veut se démarquer de la déchetterie, articule son travail autour de 4 axes :
– La collecte de l’ensemble des encombrants et des objets jetés ;
– La valorisation de ces objets pour en favoriser le réemploi et, le cas échéant, le recyclage des matières ;
– La vente qui les remet dans le circuit économique ;
– La sensibilisation et l’éducation à l’environnement qui ont pour objectif de réduire les déchets en incitant à une consommation plus respectueuse des ressources. Comme chacun sait, les déchets les plus faciles à gérer sont ceux que l’on ne produit pas !
Du matériel, du soutien et des partenariats
Très vite, la communauté de communes des Portes de Vassivière confie au MAV la collecte des déchets ménagers encombrants de son territoire. Puis le MAV est chargé de récupérer les objets réutilisables dans les déchetteries d’Eymoutiers, Châteauneuf-la-Forêt et Saint-Léonard-de-Noblat.
Tout cela ne peut évidemment se faire bénévolement et sans matériel. Le MAV mobilise alors partenaires et individus. Les résultats ne se font pas attendre : une camionnette à bon prix, le prêt d’une grange, un financement des salaires par le Fonds social européen, un contrat aidé et un emploi associatif régional, concourent à la mise en route du projet. Reste le problème de trouver un magasin à Eymoutiers pour proposer au public les objets récupérés, réparés et remis sur le marché. La réponse sera trouvée collectivement avec d’autres associations qui cherchent également des locaux sur la ville. Une société civile immobilière est alors créée. Elle réunit 74 personnes qui souscrivent au projet : le capital (54 000 €) est réuni en un temps record (trois mois) pour acheter un immeuble où seront hébergés le MAV, mais aussi l’association Accueil Paysan et la coopérative d’activité Cesam Oxalis.
Atelier et boutique
La boutique est l’aboutissement de la filière. C’est également un lieu de sensibilisation, d’échanges, de convivialité, et d’exposition. Le magasin touche une large clientèle : du brocanteur, collectionneur ou chineur aux simples usagers, en passant par les sympathisants de la décroissance… Il amène ainsi une animation supplémentaire au centre ville. Son succès permet à l’association de réussir ce tour de force : financer des emplois à partir de… déchets sans valeur. En effet, le MAV s’autofinance aujourd’hui à 70 % (budget de 175 000 euros) et l’association s’est dotée d’un second local qui lui sert d’atelier de réparation et de point de vente, tout près d’Eymoutiers.
Modifier concrètement nos comportements
L’objectif principal de l’association reste cependant la sensibilisation. Pour cela, elle intervient auprès des particuliers mais aussi en milieu scolaire et dans les centres de loisirs, et anime des ateliers, des débats et des séances d’information. Depuis 2007, en partenariat avec le PNR de Millevaches et d’autres structures d’éducation à l’environnement, des animations sont proposées gratuitement aux écoles du parc sur les thématiques de la biodiversité, des déchets et de l’énergie. Le MAV peut aussi apporter son expérience en appui à l’élaboration d’un projet pédagogique ou de mise en place d’un Agenda 21 ou d’un programme « éco-école »…
Une association autogérée
L’activité du MAV est portée par six salariés et une dizaine de bénévoles. Dès l’origine, et sur le modèle de la Bergerette (et de l’esprit général des structures du réseau Repas), le projet est autogestionnaire. Pas de chef, décisions au consensus, rotation des tâches et égalité des salaires (au smic).
Après la période toujours enthousiaste de la création, des divergences sont apparues au sein de l’équipe sur la manière de travailler. Le conflit amena même l’appel à une médiation extérieure (les médiateurs eurent d’ailleurs quelques difficultés à comprendre et s’adapter à ce qu’est une structure autogérée). Il se solda par des départs et des arrivées. Le fonctionnement autogéré ne permet pas de résoudre tous les problèmes de travail et interpersonnels dans la joie et la bonne humeur. Mais il n’y eut pas d’éclatement ni de modification des principes de base du fonctionnement.
Par ailleurs, le fonctionnement autogéré pose des problèmes juridiques et fiscaux importants lorsque la structure est sous forme associative. Le Monde allant vers… (et la ressourcerie Court-circuit) a de ce point de vue innové comme nous l’avons montré de manière détaillée dans l’article « L’autogestion des salariés dans une association ».