Les salariés de Fralib ont consolidé leur projet de reprise en SCOP. Ils exigent d’Unilever le transfert de la marque Elephant et un plan d’affaires pour réaliser la transition.
En lutte depuis plus de 800 jours, les salariés ont finalisé leur projet de SCOP T.I (Thés et Infusions). Déjà 72 sociétaires sur un effectif de 103 salariés, des capacités de production allant jusqu’à 3000 tonnes grâce au site de l’entreprise acquis par la Communauté Urbaine de Marseille. Un plan d’affaires construit avec différents partenariats : des investisseurs prêts à apporter 15 à 20 millions d’euros pour développer la marque Elephant, un partenariat avec le groupe de commerce équitable Hom & Ter qui approvisionnera la SCOP en thés et commandera de la sous-traitance, un partenariat avec « Les comtes de Provence », marque de produits haut de gamme, un potentiel de ventes sur des MDD (marques de distributeur) et le développement d’une marque « à caractère méridional », un ancien cadre de Nestlé, Yves Stunic, prêt à candidater pour piloter la SCOP… Sauf que, dans le domaine de l’agro-alimentaire, l’essentiel passe par la grande distribution dans laquelle Unilever est référencé.
Les salariés demandent deux choses : la conservation de la marque Elephant et un plan de commande dégressif sur cinq ans pour assurer la transition. « Unilever veut fermer l’usine, il doit en assumer ses responsabilités » rappelle Olivier Leberquier, délégué de la CGT. D’ailleurs, « Unilever a cédé les soupes Royco en laissant sur place les machines et en garantissant un plan de commandes sur 5 ans. A Barcelone, une unité de production a été cédée avec un contrat de sous-traitance de 3 ans, lequel a été renouvelé pour 5 années supplémentaires » rappelle Gérard Cazorla, secrétaire CGT du CE. L’usine produisait 3000 tonnes dans sa dernière période de fonctionnement, les Fralibiens demandent une commande annuelle de moins de 1000 tonnes pour démarrer, qui pourraient être les 800 tonnes d’infusions Eléphant que l’usine produisait, d’autant qu’ils souhaitent relancer la production d’arômes naturels dans la région, ce qui demandera au moins deux ans.
Eléphant ? une vieille marque marseillaise de thés et d’infusions née en 1896. Unilever n’utilise plus celle-ci que pour les infusions vendues en France et prévoyait de s’en débarrasser, commercialisant déjà certaines infusions non produites à Gémenos sous la double marque Elephant / Lipton. « Pourquoi ne céderaient-ils pas cette marque qui ne représentait que 20 millions d’euros de chiffre d’affaires alors que Lipton en représente un milliard ? » questionne Gérard Carzorla. « C’est la SCOP qui les gène, l’idée que des travailleurs puissent reprendre la production » complète Elodie Groutsche, syndiquée CGT de l’entreprise.
La production pourrait donc redémarrer rapidement. Un comité d’engagement en préfecture suit l’évolution du dossier et s’est réuni le 6 décembre dernier. Après le soutien apporté en février 2011 par le comité d’entreprise européen à la solution de reprise des salariés, le Comité de Groupe Unilever France a demandé le 12 décembre, par 24 voix contre 4, à Unilever « d’assumer toutes ses responsabilités en contribuant à la réalisation du projet des salariés, en cédant la marque Elephant et les volumes de production correspondants et mettre tous les moyens nécessaires à sa mise en œuvre ». Unilever refuse obstinément toute cession d’une marque qu’il compte abandonner et toute perspective de sous-traitance.
François Hollande, alors candidat à la présidentielle, déclarait « on voit bien qu’il y a un certain nombre de multinationales qui veulent fermer des sites sans qu’ils puissent être repris en emportant la marque, en emportant le savoir-faire et en empêchant que tout autre concurrent puisse s’installer sur le site qui a été abandonné. Et bien cela cessera après le 6 mai ». André Chassaigne, député Front de gauche à l’Assemblée nationale compte mobiliser pour « que le parlement et le gouvernement prennent leurs responsabilités » à l’égard des Fralibiens. Dans cette perspective, le boycott de Lipton est plus que jamais d’actualité.