C’est la rentrée ! Le gouvernement formé depuis quatre mois est face à ses responsabilités, Il ne semble pas prendre la mesure de la situation. La crise est plus que jamais présente et le capitalisme mondialisé plus que jamais décidé à ne pas céder le moindre pouce de pouvoir, le moindre centime de profits. Le groupe PSA et Unilever en sont l’expression la plus avancée.

Les annonces de fermetures, les licenciements et les menaces sont là, les résistances sociales s’organisent tandis que les mesures, les réponses et les contre-attaques du pouvoir politique pour les enrayer sont évanescentes. Les salariés recherchent des solutions et l’une de celles qui montre une crédibilité pour enrayer les licenciements c’est celle de la reprise des entreprises par les salarié-e-s.

Les expériences de SeaFrance ou Fralib, qui sont toutes les deux encore fragiles, donnent des perspectives permettant de maintenir des emplois, des savoir-faire et les tissus industriels qui semblaient perdus.

D’autres entreprises, plus petites, regardent dans cette direction. D’autres encore, plus grandes ainsi que des services publics sont eux aussi concernés par ces initiatives, sans que le ministre du « redressement productif » ne fasse guère plus que de gloser sur la troisième révolution industrielle. Pourtant, la seule façon de sauver l’emploi, l’industrie et de faire reculer la main bien visible du patronat, c’est d’aider à la récupération des entreprises abandonnées, liquidées, mal gérées, socialement et écologiquement mal orientées par leurs propriétaires. Une proposition de loi a été déposée au Sénat sur la reprise des entreprises par les salariés. Ceci  va dans le bon sens. la gauche est majoritaire dans les deux chambres parlementaires, on voit mal ce qui empêcherait l’adoption d’un tel projet.

En exigeant qu’Unilever leur garantisse des revenus pendant une certaine période, les Fralib montrent la voie. Garantir les revenus des salariés qui reprennent leurs entreprises en taxant les grands groupes capitalistes, voilà une tâche à laquelle le ministère de l’Économie sociale et solidaire devrait s’atteler s’il voulait  permettre que cette forme d’économie devienne la norme et supplante les entreprises de capitaux.

Il semble que rien n’aurait changé depuis que le vieil Engels disait en 1884 à une certaine gauche hésitante :

« Comme vous nous demandez des propositions positives […] nous répondons :placez donc les travailleurs et la bourgeoisie sur un pied d’égalité. Pour chaque million que vous tirez directement ou indirectement de la poche du travailleur pour le fourrer dans celle du bourgeois, vous donnerez un million aux travailleurs ; de même pour le crédit de l’État. Donc quelque chose du genre suivant […] :

1° Octroi de subventions et d’avances aux coopératives ouvrières […]:  acheter et gérer en coopération des fabriques, etc., dont les propriétaires ont fermé les portes en temps de crise ou en raison de faillites, et commencer ainsi le passage graduel de toute la production aux entreprises coopératives.

2° Donner la priorité aux coopératives plutôt qu’aux capitalistes et à leurs associations lors des adjudications de travaux à conditions égales ; par conséquent, en principe, adjuger aux coopératives autant que possible tous les travaux publics.

3° Éliminer tous les obstacles légaux qui continuent à entraver le développement des coopératives libres […]

En demandant cela, vous exigez simplement que l’on considère le travailleur à l’égal du bourgeois ; et si les cadeaux offerts aux bourgeois doivent accroître le niveau de l’industrie, ceux que l’on accorde aux travailleurs le feront encore bien plus. »

Rappelez-vous les chantiers de la Clyde près de Glasgow dans les années 1970 : « Tous semblaient décidés à signer l’arrêt de mort des chantiers navals, mais c’était sans compter sur la détermination et l’opiniâtreté des 8 500 ouvriers menacés de licenciement bien résolus à montrer aux hommes de Westminster que dans cette région et dans cette entreprise, on ne construit pas seulement des bateaux, on construit des hommes intelligents et courageux et qui ne resteront pas les bras croisés » ou  le plan d’entreprise deLucas Aerospace.

Ou encore la mine de charbon de Tower Colliery au Pays de Galles, condamnée par les experts les plus savants et qui a tenu une douzaine d’années en autogestion dont les mineurs, sous l’impulsion de leurs dirigeants syndicaux, avaient racheté leur mine pour s’organiser en coopérative (http://www.filmsdocumentaires.com/films/391-charbons-ardents).

On pourrait aussi rappeler Lip qui permit de sauver ses salariés pendant plusieurs années, une lutte qui a connu un retentissement mondial ou encore les nombreuses entreprises d’Argentine et du Brésil qui constituent aujourd’hui un formidable encouragement.

Le secret de ces contre-offensives de longue haleine ? La saisie de l’outil de travail, la mise en scop, c’est-à-dire l’autogestion, c’est-à-dire une réponse pratique au problème de l’emploi, une manière de délégitimer « par le fait » le patron et l’État. Une méthode puissante pour passer de la résistance à l’offensive.

Dans le nord de la Grèce, vers Thessalonique, plusieurs usines se sont déclarées en autogestion et un hôpital assure le maintien du service de santé dans une région d’un pays dévasté par les mesures de rigueurs imposées par l’UE et le FMI.

Le groupe Unilever vient de refuser de céder la marque Elephant aux Fralib et de leur permettre de redémarrer l’entreprise récupérée. Le groupe Unilever veut faire plier ses salariés, leur donner une leçon et, au passage, menacer le choix des Français qui ont chassé le libéral Sarkozy : « si la France ne respecte pas ses lois, cela fera peser un risque sur les investissements en France ». Que répondre à cette menace ? Plier ou changer de politique

Colette Web

La lettre du mois de septembre