Ambiance lourde de rentrée après un été tumultueux. On a assisté, impuissant, à l’émergence de l’Etat Islamique en Irak et au Levant, monstre qui est une conséquence directe de la politique US en Irak et qui dispose désormais de moyens financiers importants suite à la prise de Mossoul et de sa banque centrale. En Ukraine, le bruit des bottes étouffe les espoirs qui auraient pu naître de Maïdan. Plutôt que de préférer la souveraineté et l’autodétermination des peuples, on s’appuie sur le droit des États qui bombardent leur propres populations . Le dialogue, la négociation ne sont plus de mise. Place désormais au son du canon… Tristesse infinie.
En France, cette rentrée est placée sous le signe du nouveau gouvernement Valls 2 marqué par l’éviction des remuants ministres Arnaud Montebourg et Benoît Hamon. Un signe de plus d’une rupture d’équilibre au sein d’un Parti socialiste penchant de plus en plus vers la droite. Pour autant, n’oublions pas que le premier est le défenseur d’un capitalisme national et que le second a commis une loi Économie Sociale et Solidaire d’orientation profondément libérale. Cela n’en fait pas immédiatement pas les pivots d’une alternative réelle et l’avenir dira s’ils sont capables de rassembler les militants pour inverser le cours droitier du parti socialiste. Voilà pour la politique politicienne.
Par contre, du côté de la société réelle, des petites graines surgissent, notamment du côté des entreprises. Le Fabrique du Sud, qui regroupe des anciens de Pilpa, a réussi à passer avec succès son premier été avec sa gamme de glaces La Belle Aude. La première année est désormais assurée et l’automne apportera ainsi du répit à ses coopérateurs, répit qui leur permettra de penser la seconde année. De leur côté, les Fralib ont créé la SCOP TI et prévoient de reprendre la production en janvier 2015. En Auvergne, des anciens de Chapître ont réussi à rouvrir la librairie Les Volcans à Clermont Ferrand en août sous forme de SCOP. Enfin, diverses nouvelles nous montrent des résultats encourageants concernant les nombreuses reprises des années 2012 et 2013. Il est vrai que, sans être un produit miracle, la forme SCOP témoigne d’un taux de pérennité à trois ans de 76 % contre 65 % pour l’ensemble des entreprises françaises (source Insee). Le fait que les salariés contrôlent leur propre travail et qu’ils n’aient pas d’actionnaires à rémunérer n’est pas pour rien dans ce résultat.
Car c’est probablement sur le champ du contrôle de ses conditions d’existence que se jouera l’avenir d’un nouveau projet émancipateur. Les quelques exemples de reprises d’entreprises en SCOP pèsent peu au regard de l’ensemble de l’économie mais elles nous montrent que c’est possible et souhaitable. Après trente ans de régression sociale, pourquoi une vraie gauche ne ferait-elle pas repartir le balancier des réformes dans l’autre sens, avec une hausse massive de la part des salaires dans la valeur ajoutée ? Une telle hausse poserait alors la question du désinvestissement des actionnaires, du pouvoir dans l’entreprise et de la nécessité de substituer à l’investissement privé un investissement collectif. Vaste programme peut-on penser mais la crise actuelle, avec ses multiples variantes dans chaque pays, nous montrent combien l’investissement privé est dès maintenant conditionné par des politiques publiques socialement nuisibles et dont l’effet général est incertain.
L’autogestion ne se limite pas au seul secteur des entreprises, entreprises qui se définissent comme un rassemblement d’hommes et de femmes en vue d’une activité et non comme une simple société de capitaux. Elle embrasse l’organisation d’ensemble de la société. L’investissement collectif est un domaine futur et incontournable de délibération. La démocratie réelle dans les lieux de vie en est un autre, lesquels se déclinent du quartier à des échelons plus conséquents dépassant souvent les frontières de l’État-nation. Au cœur de ce projet émancipateur se trouve l’humain, être singulier lui même produit du collectif. Dans cette rentrée morose, les succès des quelques reprises d’entreprises par les salariés doivent nous redonner foi en un autre futur possible et permettre de dessiner un nouvel horizon politique.