Le processus de fabrication des ordonnances réformant le code du travail est un symptôme visible confirmant le diagnostic porté par le mouvement social sur l’État Macron et le projet du monarque-président : les pouvoirs publics doivent être soumis aux règles en usage dans les affaires, et aussi dans l’action militaire, le secret.
Nous ne reviendrons pas sur le contenu des ordonnances désormais public, confirmant ce que nous en disions dès juin dernier : « Le dévoilement des “brouillons” du ministère du travail par Le Parisien et Libération confirme bien que la politique libérale prônée s’associe à un dirigisme étatique avec forts penchants autoritaires. Mais après tout, l’État-gendarme garant du marché libre sans entraves, c’est tout à fait cohérent. »
La procédure des ordonnances est déjà une confiscation du pouvoir parlementaire, abandonné sans état d’âme par la majorité parlementaire. Mais, même dans ce cadre, plusieurs modes d’élaboration sont possibles. Ainsi, la réforme du droit des obligations et du droit des contrats (ordonnances de 2016) avait été précédée par des consultations publiques dès 2015, reprises en 2016 : « Le garde des Sceaux a choisi de poursuivre la méthode de travail collectif […] toute personne intéressée, qu’elle soit universitaire, praticien du droit, professionnel de l’assurance, représentant d’une entreprise ou d’une association, ou encore simple particulier, est invitée, jusqu’au 31 août 2016, à contribuer à la rédaction d’un projet de loi qui concerne chacun d’entre nous. » Certes, cela n’avait pas été le summum de la transparence au bout, le gouvernement n’ayant pas tout rendu public, mais il y a eu deux années de conférences, publications, débats publics menées par les acteurs concernés et ayant influé sur la rédaction du texte.
À l’été 2017, rien de cela. Aucune réponse par exemple du candidat-président puis des candidats macronistes au projet élaboré par le collectif de juristes « Pour un autre Code du travail ». Alors, qu’en a-t-il été de l’engagement d’engager une « négociation » avec les syndicats ? Quelle parodie de concertation ! Chacun a été reçu séparément, au départ sans texte sur lequel émettre des observations. Les « fuites » dans la presse ont entraîné une plainte et une enquête visant l’inspection du travail. Puis, dans la dernière étape, le gouvernement a tout de même daigné laisser lire des morceaux des projets à ses « partenaires », avec interdiction d’en prendre copie. Il fut même question d’interdiction de prendre des notes, et surtout d’engagement à n’en parler ni à la presse ni à personne d’ailleurs, en tous cas hors des cercles dirigeants. En gros, on demande aux représentants syndicaux de garder le secret vis-à-vis de leurs propres mandants, comme on prive les députés du pouvoir de légiférer.
La forme annonce le contenu. Dans les entreprises, les représentants du personnel auront moins de moyens pour s’informer, diligenter des expertises, pouvoir faire des contre-propositions, conséquence du regroupement des institutions représentatives, de la réduction des heures de délégation, de l’atteinte aux budgets des comités d’entreprise.
Autant de raisons de forme comme de fond pour combattre les ordonnances, mais aussi pour avancer des alternatives tendant au contraire à l’extension des droits collectifs dans tous les domaines. La question est autant sociale que politique, et concerne toute la population, raison pour laquelle l’Association Autogestion soutient le cadre unitaire « Pour nos droits sociaux », qui regroupe syndicats, associations, collectifs, partis.