Une mesure du projet de loi de Benoît Hamon sur l’Economie Sociale et Solidaire, présenté en Conseil des ministres le 24 juillet dernier, a soulevé les protestations des organisations patronales. Il s’agit de celle se rapportant à un « droit de préférence » accordé aux salariés en cas de projet de cession de leur entreprise.
Côté MEDEF, son responsable, Thibault Lanxade, déplore que l’on cherche à « isoler de ses travailleurs » le chef d’entreprise. Le projet est pour lui « un non sens économique ». La CGPME n’est pas en reste . Son président Jean-François Roubaud dénonçait dès le 15 juin, avant même la présentation du texte, « un projet de loi intolérable ». Le président du MEDEF, Pierre Gattaz en rajoute : le dispositif envisagé nuirait « à la liberté et à la motivation des entrepreneurs ». Bref, l’obligation d’informer les salariés en cas de projet de cession et le délai de deux mois qui leur est réservé pour présenter une offre de reprise aboutirait à la « paralysie ».
S’agit t-il d’un droit de préemption ? Même pas. Il ne s’agit que d’une simple information préalable qui autorise les salariés à présenter un projet de reprise qui n’a aucune garantie d’être retenu. Un véritable droit de préemption autoriserait les salariés à se substituer à l’acheteur aux conditions de celui-ci. Même si le droit de préemption ne constitue pas réellement une atteinte à la propriété privée puisque le propriétaire conserve le produit intégral de la vente, il n’en serait pas moins un progrès par rapport aux dispositions actuelles du projet de loi ESS.
Blocage effrayant que ces deux mois ? Comment prendre cette objection au sérieux lorsque le MEDEF nous indique lui-même que, d’ordinaire, un processus de cession prend de deux à six ans ? Roubaud estime que le projet « risque d’inquiéter les salariés ». Que de sollicitude qui ne se manifeste pourtant pas quand il s’agit de licencier ces mêmes salariés ! Tout s’éclaircit quand Thibault Lanxade explique que « si le chef d’entreprise identifie au sein de ses collaborateurs et de ses équipes un projet de reprise, il va le favoriser ». Le patronat veut tout décider et ne pas autoriser ses subordonnés à se prononcer, ceux-ci étant considérés incapables par définition.
Il aura donc suffi d’une petite mesure timide égratignant le sacro-saint droit des actionnaires et des patrons de décider seuls de l’avenir de « leurs » entreprises pour que le patronat s’insurge. Pourtant la question de savoir à qui devraient appartenir ces entreprises, au capital ou au travail, est bien posée.
Ces protestations véhémentes ne sauraient nous faire oublier que le projet gouvernemental est, non seulement timoré, mais aussi dangereux pour l’avenir de l’ESS. En élargissant le périmètre de l’ESS à des entreprises de capitaux, il fait entrer le loup dans la bergerie et offre au capital de nouvelles opportunités d’affaires…