Lundi 29 avril, la ministre déléguée aux PME, Fleur Pélerin, était reçue en grande pompe à l’Élysée pour clôturer les travaux de 350 experts sur ses entreprises. L’objectif de François Hollande était de se réconcilier les entrepreneurs mis à mal par une tentative d’alignement de la fiscalité des plus-values sur les revenus et l’affaire des « pigeons ».

Côté façade, les taux spécifiques aux plus-values sont bel et bien abandonnés et les plus-values relèvent de l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Côté cour, les plus-values bénéficient de taux d’abattement (part exonérée d’impôt) consistant allant de 0 % (moins de 2 ans de détention) à 85 % (plus de 8 ans de détention dans une PME).

Voilà un gouvernement qui, en un an, est passé d’un discours social à un discours entrepreneurial, faisant dépendre le salut du pays du dynamisme de ses entreprises, grandes comme petites, comme en témoigne l’adoption du Crédit d’Impôt Compétitivité.

Sur le front social, après les premières mesures telles que le rétablissement partiel et limité de la retraite à 60 ans, les désenchantements succèdent aux désenchantements. Les plans de licenciements et les fermetures d’entreprises, notamment de grosses PME, se multiplient et ce gouvernement, comme son prédécesseur, s’avère incapable de juguler ces pertes d’emplois en dépit des rodomontades de notre Ministre du redressement productif, autrefois chantre de la démondialisation.

L’affaire Fralib, qui devait se régler dans les six mois à l’issue des présidentielles, traîne en longueur. Les hauts-fourneaux de Florange ont bel et bien été fermés il y a quelques jours. Dans le même temps, un Accord National Interprofessionnel (ANI) qui fait bien plus qu’entamer le droit du travail en permettant à des entreprises d’imposer des réductions de salaires et des mutations forcées a été signé entre le patronat et trois syndicats « représentatifs » (CFDT, CFTC et CFE-CGC). Nous pensions que ces syndicats étaient minoritaires.

Comment expliquer que dans le cadre des élections professionnelles, certes différentes des élections prud’homales, les salariés aient préféré ces syndicats à ceux (CGT et FO) qui se sont opposés à l’accord ?

La période du « grain à moudre », cette période de croissance où les salariés pouvaient prétendre à leur part sans remettre en cause le système est révolue. Même si la croissance revenait, celle-ci serait sans doute désastreuse du point de vue écologique comme en témoigne la situation étasunienne avec les dégâts considérables provoqués par le développement des gaz de schiste.

Sans croissance, les possédants exigent des rendements exorbitants pour les capitaux, rendements qui interdisent de quelconques avancées sociales. Pire la crise devient l’occasion et le modèle technique pour revenir sur toutes les conquêtes sociales depuis le new-deal. C’est la porte ouverte à la paupérisation.

C’est ainsi que l’accord ANI qui est présenté comme un échange de flexibilité contre une protection de l’emploi qui peut sembler, pour certains salariés, comme une solution pragmatique, la seule possible.

C’est ici que nous touchons les limites de l’action strictement revendicative. Réaliser des avancées sociales nécessite de remettre en cause le régime du profit, nécessite de poser la question de la transformation sociale dont le contrôle des entreprises par les salariés et l’orientation de la production dans le sens de l’intérêt général est un élément clé. C’est poser avec l’autogestion la question du pouvoir dans l’entreprise.

C’est le cheminement qu’ont accompli les salariés de Fralib et de bien d’autres, dans leur projet de reprise de l’entreprise sous forme de SCOP.
Si cette démarche doit être accomplie, entreprise par entreprise, c’est un mouvement d’ensemble qui doit se dessiner. Chaque cas de reprise d’entreprise par ses salariés montre combien le régime du marché est la difficulté première à laquelle tous ces projets font face.

Des outils existent, d’autres sont à imaginer pour permettre de s’extraire au moins partiellement de la logique marchande. Intervention des parties prenantes dans la gestion des unités de production, établissement de prix justes et rémunérateurs, déconnexion plus ou moins forte du revenu des travailleurs de l’unité de production de son comportement marchand, appropriation sociale d’un secteur financier.

Telle sont les raisons d’être du séminaire « appropriation sociale, autogestion et coopératives » dans lequel l’Association Autogestion est investie avec d’autres organisations. Permettre de dessiner un dépassement du capitalisme qui seul, permettra de pour donner un nouveau souffle aux revendications sociales, tordre une bonne fois pour toute le cou au mythe de l’entrepreneur individuel et valoriser les vertus de l’initiative collective.

La lettre du mois de mai