À la suite de l’agression impérialiste russe du 24 février 2022, la société s’est mobilisée pour défendre son existence. Le 11 mars l’association Autogestion dans une déclaration publiée sur son site relevait que « La guerre a provoqué… une auto-organisation populaire – tout autant spontanée qu’encouragée par les institutions – combinant initiatives citoyennes et actions administrative, gouvernementale, militaire. À l’initiative des travailleur·uses, la reconversion de la production de nombreuses entreprises pour soutenir l’effort de guerre a été organisée. Une usine de métallurgie fabrique maintenant des barrages anti-chars. « On a eu juste besoin d’une journée, l’ingénieur nous a dessiné le prototype et on l’a mis en production » explique un ouvrier. Le directeur de l’entreprise ajoute « Nous avons arrêté notre production habituelle pour nous consacrer à la fabrication de ces structures métalliques qui serviront de barrages pour arrêter les chars des occupants. Depuis le début de l’invasion, on est mobilisés pour fabriquer tout ça. Mais nous sommes vite arrivés à court de matière première. Heureusement des bénévoles nous ont apporté plus de métal et on a pu élargir la production de ces barrages. On a un groupe sur l’application Telegram qui réunit une quinzaine d’usines de la région. Certaines fabriquent des herses également. » À Lviv des femmes et des enfants se sont organisés pour fabriquer des filets de camouflage pour l’armée. Une brasserie qui dispose d’un stock de bouteilles s’est reconvertie en usine de fabrication de cocktails Molotov. »
Nous sommes allés à la rencontre de ces autogestionnaires ukrainiens. Nous publions l’interview de Ksénia, membre de la coopérative QueerLab qui a pris le temps et a eu l’énergie de répondre à nos questions alors que les drones irano-russe semaient la mort et les destructions en Ukraine. Qu’elle en soit ici remerciée.
Patrick Le Tréhondat
Peux-tu présenter pour nos lecteurs, vos engagements et vos activités ?
Nous sommes QueerLab, installé dans une coopérative de Lviv en Ukraine. Nous essayons de donner aux personnes homosexuelles des possibilités de travail indépendant et aussi de faire des dons pour l’armée ukrainienne.
Parlons de la coopérative avant le 24 février. Peux-tu nous dire quelques mots sur son histoire, ses activités, son fonctionnement ou son organisation ?
Nous n’existions pas avant le 24 février. L’escalade de la guerre a été l’élément déclencheur qui nous a permis de nous réunir.
Et depuis le 24 février, qu’est-ce qui a changé pour la coopérative ? Pour ses activités, ses membres et pour toi ?
Depuis l’escalade de la guerre, nous avons décidé de créer une coopérative pour permettre aux personnes homosexuelles qui ont dû fuir la guerre de gagner un peu d’argent avec ce qu’elles savent faire le mieux. Des personnes de Lviv sont également présentes dans notre coopérative. Nous voulons montrer que les homosexuel·les participent à l’effort de guerre. Dans notre pays, nous luttons toujours pour l’égalité mais certaines personnes n’hésitent pas à lancer de folles accusations selon lesquelles les homosexuels et les féministes ne font rien pendant cette guerre. Nous sommes un petit exemple qui montre que ce n’est pas vrai. Nous sommes dans le même bateau, nous voulons notre indépendance et la sécurité de nos citoyen·nes. C’est pourquoi nous faisons de notre mieux pour essayer de soutenir notre armée.
Penses-tu que cette coopérative est un outil de transformation sociale de l’Ukraine ou participez-vous à son évolution progressiste ? Et comment ?
Oui. Une évolution progressiste s’exprime précisément dans les transformations sociales que notre coopérative promeut dans la société. Par exemple, une transformation sociale est l’aide à l’emploi pour les groupes vulnérables. Cela est devenu particulièrement important pendant la guerre, lorsque beaucoup de nos membres ont dû quitter leur domicile et leur lieu de travail. En outre, notre coopérative détruit le stéréotype selon lequel la communauté LGBT est un segment inutile de la société, car selon le concept de notre coopérative, nous reversons 50 % des bénéfices aux forces armées ukrainiennes, et nous organisons également des événements visant à collecter des fonds pour l’armée.
Ici on parle beaucoup d’autogestion (самоуправління [samoupravlinnya]). Est-ce un sujet qui est abordé en Ukraine, dans les coopératives par exemple?
Oui, la pratique de l’autogestion est généralisée. En Ukraine, ce sujet est discuté et est pertinent, car tout le monde est impressionné par le phénomène d’auto-organisation de diverses équipes, de volontaires, d’activistes, dont la montée est devenue perceptible avec le début d’une guerre à grande échelle ! Notre équipe est également autogérée, chacun s’engage et coordonne la direction. En outre, adhérant à la structure horizontale, nous n’avons pas de « chefs » ou de patrons.
20 octobre 2022