Ce que nous reproduisons ci-après est issu d’un contre-projet syndical réalisé pat le syndicat SUD-Rail Alpes. La direction SNCF veut supprimer le Centre opérationnel de gestion situé à Chambéry, pour le fondre d’un autre aux contours géographiques bien plus grands. Les cheminotes et cheminots qui travaillent quotidiennement sont les mieux placé·es pour savoir quels problèmes de sécurité, de qualité de service cela poserait. Alors, les militantes et militants SUD-Rail ont élaboré un contre-projet. Ils et elles expliquent les dangers du plan de la direction et exposent dans le détail le fonctionnement d’un Centre opérationnel alpin. Certes, ce contre-plan ne concerne qu’un secteur particulier du chemin de fer et vient en réponse à un projet patronal. Mais c’est à partir d’exemples concrets comme celui-ci, que le syndicalisme pourra retrouver le chemin d’alternatives plus vastes et pas seulement liées aux injonctions patronales. (Re)construisons pas à pas…

Contre-projet syndical

[…] La région de Chambéry (Savoie, Haute-Savoie, Isère et Ain) est très complexe dans sa gestion des circulations : double voie, voie unique, BA, BM, BAPR 1, lignes non électrifiées, 1500V, 20000V, forte pente… Elle demande une connaissance pointue de toutes ses particularités dont :

  • Un réseau ferré important caractérisé par une forte majorité de voies uniques : un total de 1 447 km pour la région de Chambéry, dont 51% de voie unique 2 et 1 267 km pour la région de Lyon, dont 32% de voies uniques
  • Un réseau marqué par l’altitude, le relief et la géologie : un nombre d’ouvrages d’art important tant en nombre qu’en dimension et nécessitant une surveillance attentive.
  • Des installations de sécurité : filets détecteurs de chute de rocher, détecteurs de montée des eaux, dont la Région de Chambéry doit détenir le record national.

Ces quelques éléments s’opposent radicalement avec le désir de création d’un seul Centre opérationnel sur Lyon reprenant toutes les circulations de Rhône-Alpes c’est-à-dire St Etienne, Dijon, Lyon, Bourg en Bresse, Oyonnax, Genève, Annecy, Bourg St Maurice, Modane, Gap, Grenoble, Valence, Avignon, Marseille… Le périmètre est beaucoup trop grand et dense.

Outre ces spécificités locales importantes, un problème de priorisation des incidents sera inhérent à la création d’une gestion unique des aléas sur un périmètre aussi grand. En effet, en cas de multiples incidents sur ce nouveau périmètre, les agents en poste devront choisir quels incidents traiter en priorité. Nous sommes convaincus que le travail sera approximatif et la satisfaction des voyageurs et voyageuses sera médiocre au final. C’est bien pour cela que SUD- Rail revendique le maintien et le renforcement d’un COP sur la région. Et nous sommes assurés que la charge de travail est largement justifiée sur les deux sites de Lyon et de Chambéry sur des périmètres bien définis avec des compétences et des procédures bien formalisées. Le périmètre projeté par SUD-Rail serait le suivant : Chambéry – Bourg en Bresse ; Chambéry – Ambérieu ; Chambéry – Annecy ; Annecy – Valence ; Chambéry – Modane ; Chambéry – Bourg St Maurice ; Chambéry – Saint André le Gaz (dont via Grenoble) ; Grenoble – Gap.

Après avoir étudier les roulements engins, nous sommes convaincus qu’il est possible de donner la gestion opérationnelle au COP de Chambéry des Z2 3 (une dizaine de lignes), Z24500 (une vingtaine de lignes), X73500 (une dizaine de lignes) et les 22220+corail (dizaine de lignes). Ce qui correspondrait uniquement aux circulations de notre périmètre. La gestion sera faite par deux agents en 2×8, avec coupeur 4 pour couvrir une grande amplitude horaire et aider pendant le fort des demandes. 4h-12h / 9h30-17h30 / 16h30-0h30. Nous savons que le parc d’engins à disposition n’est pas suffisant pour l’instant pour avoir un parc attitré au COP de Chambéry, sauf les X73500 et dans un future proche les Z23500 qui devraient remplacer les Z2 et entretenu à Chambéry. Nous pensons qu’un système de prêt d’engins serait cohérent avec des points d’échanges basées dans les lieux où les roulements du COP de Lyon se croisent comme Chambéry, Grenoble, ou encore Valence. De plus nous pouvons compter sur les compétences de deux technicentres 5 Chambéry et Grenoble qui ont aujourd’hui la charge des X73550, BB22200R et corail pour Chambéry et une partie des entretiens préventifs des Z24500 à Grenoble. Bien entendu, les Z24500 et les Z2 sont entretenus à Lyon Mouche et Vénissieux 6 mais les équipes de dépannages de Grenoble et de Chambéry sont compétentes pour réaliser des dépannages rapides qui sont la majorité des cas (climatisation, chauffage, etc.)

  • En même temps, il serait indispensable d’élargir l’amplitude horaires des dépanneurs et ainsi que leurs compétences en investissant des créations de postes et des formations. Sur le périmètre alpin, il demeure toujours un chantier Produit Train – le Poste 1 de Chambéry – qui joue un rôle important dans la robustesse du plan de transport. […]
  • Au sujet de la gestion opérationnelle des agents de conduite et des agents du service commercial trains : un permanent en 2×8, avec coupeur pour couvrir une grande amplitude horaire et aider pendant le fort des demandes : 4h-12h / 9h30-17h30 / 16h30-0h30 Ce dernier ne s’occupe que des agents de son périmètre.
  • Deux gestionnaires Information voyageurs en 2×8 (6h-14 / 14h-22h et 5h-13h et 13h-21h).
  • Un Responsable opérationnel Produit train, en 2×8 (6h-14h / 14h-22h).
  • Nous imaginons la mise en place d’un superviseur ressources en 3×8. Son rôle sera de centraliser toutes les informations et d’arbitrer. Il sera aussi l’interlocuteur direct, avec son homologue du COP de Lyon, pour toutes les questions d’arbitrage de gestion de moyens ou encore d’organisation du plan de transport. En absence du ROP, il reprendra ces missions.
  • Un chef du centre opération alpin, qui sera le dirigeant de proximité de l’équipe (plan de veille, management, commande du personnel,…)
  • En cas de gros événements demandant une aide ponctuelle, nous pouvons imaginer une astreinte production s’appuyant sur les réserves.
  • Le nombre d’emplois s’élève à une quarantaine de postes qui doivent permettre un parcours professionnel entre les différents collèges et des passerelles entre les filières.

[…] Cette nouvelle vision aura pour avantage une meilleure réactivité et donc une « plus grande satisfaction client » cher à l’Autorité Organisatrice. De plus, centraliser et éloigner les centres opérationnels ne sont pas les meilleures solutions à moins que l’objectif ne soit que purement et simplement économique […] La localisation actuelle du COP de Chambéry à côté du Centre de régulation du même périmètre est idéale pour une réactivité en cas d’aléa ou de demande de chantiers. Aucun dirigeant connaissant les contraintes de l’exploitation ferroviaire n’a le courage de contredire cette affirmation. Ainsi pour notre organisation syndicale, il est nécessaire d’investir dans un centre opérationnel fort et proche du terrain. La proximité des postes d’aiguillage, du technicentre, de l’Unité traction de Chambéry et de la Commande du personnel du service des trains gérant les majorités des agents de conduite et agents de train de notre périmètre, permettra de répondre rapidement aux demandes de chacun (garages, non couverture, dépannages, …) Le maintien et le développement du Centre opérationnel permet d’entrouvrir des perspectives professionnelles (déroulement de carrière par exemple) aujourd’hui bien morose sur le bassin d’emploi alpin.

Cette analyse se veut constructive mais sans complaisance car elle s’appuie sur des observations, des discussions, des expériences d’agents convaincus, qui sont attachés à la robustesse de la production ferroviaire et à la qualité du service public ferroviaire.

[…] Après la seconde guerre mondiale, la SNCF crée des structures transverses dans chaque région pour remédier aux difficultés de coordination entre les différentes fonctions, connues sur le nom de PC, Poste de Commandement. Ils participent à la production opérationnelle et à la robustesse des plans de transport. Tous les métiers sont représentés sur ces plateaux. […] Seulement, depuis le début des années 2000, la SNCF n’a de cesse de vouloir rendre plus autonome chaque activité, désorganisant complètement la production et s’éloignant de l’idée d’une entreprise SNCF intégrée et ne faisant qu’un. Le réseau ferroviaire alpin présente des contraintes fortes, liées à un environnement géographique, topographique et climatique relativement sévère ce qui a un impact fort sur la charge de travail […] L’organisation actuelle, réunissant physiquement sur un même plateau à Chambéry permet une réelle réactivité pour garantir une continuité du service ferroviaire en toutes circonstances. Le rassemblement de tous ces interlocuteurs permet de réduire la gestion du temps immédiat vis-à-vis de l’ensemble des circulations de la zone. La notion du temps immédiat commence à l’instant à partir duquel, si aucune décision n’est prise par les activités concernées en matière d’arbitrage infra ou inter activités sur les moyens à mettre en œuvre, les conséquences sur la clientèle deviendront lourdes voir irréversibles […] La mise en place d’un centre opérationnel avec un si grand périmètre ne fera que de rallonger la chaine de décision en cas d’incident ; ce qui est dangereux pour la sécurité ferroviaire et va fragiliser la régularité. [Au contraire,] dévolu de nouvelles responsabilités comme nous le proposons dans notre projet, le COP alpin permettra d’assurer le suivi de son plan de transport journalier de son périmètre en cas de situations perturbées, les priorités du TER dans les conditions les plus brèves pour un retour au programme normal des circulations […]

Légende pour l’illustration : Carte du réseau ferroviaire alpin, figurant dans le document Contre-projet syndical – Un centre opérationnel de proximité sur le périmètre alpin, du syndicat SUD-Rail Alpes.

Notes:

  1. BA, BM, BAPR : block automatique, block manuel, block automatique à permissivité restreinte. Il s’agit de systèmes de signalisation sur les lignes ferroviaires.
  2. Voie unique : les zones en voie unique ne permettent pas aux trains de se croiser, sauf en des lieux précis aménagés en double voie.
  3. Z2, Z24500, X73500, 22220, X23500 : séries de locomotives.
  4. Dans le cadre d’un service en horaires décalés, le coupeur est le cheminot qui permet d’assurer la tenue du poste sur l’ensemble de la journée du travail (pauses des collègues, horaires non couverts par les autres, etc.)
  5. Ateliers SNCF.
  6. Dépôts et ateliers SNCF ; en langage « moderne » : Unités de production traction et technicentres SNCF.