Les coopératives, et surtout les SCOP, font couler beaucoup d’encre. Mais sur le fond, que sait-on vraiment de leur fonctionnement, de l’application sur le terrain des principes coopératifs ? Comment ceux-ci sont ils conciliés avec l’exigence de viabilité économique ?
Une enquête portant sur quarante SCOP de la région Rhône-Alpes a été conduite en 2012-2013 par des chercheurs de Grenoble et Lyon. Elle montre que les SCOP de cet échantillon sont « exemplaires » et » fonctionnent bien comme des laboratoires d’expérimentation sociale où l’on observe des pratiques souvent innovantes, parfois même étonnantes ».
Les auteurs de cet enquête sont des chercheurs (économie et gestion) des universités Pierre-Mendès-France et Lyon 2, qui s’intéressent à un « angle mort » de l’économie: la question du travail et des relations sociales dans les SCOP. Ils remarquent que des études existent déjà sur les SCOP, mais sur des thèmes différents (performance économique, démocratie). D’autres enquêtes couvrent les entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire (emploi, relations de travail). Enfin, dans les enquêtes statistiques nationales (REPONSE,DADS,…), les SCOP -peu nombreuses- se trouvent noyées dans la masse des entreprises classiques.
Comment ont-ils procédé pour leur enquête ? Ils ont contacté des SCOP « représentatives » des SCOP de Rhône-Alpes (en fonction de leur taille, de leur secteur d’activité, de leur âge,…). Puis ils ont interviewé un dirigeant, et ont adressé un questionnaire aux salariés/sociétaires afin de corroborer les propos tenus lors de l’entretien.
Les SCOP de Rhône-Alpes se situent majoritairement dans le secteur de la construction et des services. Elles sont le plus souvent de petite taille (moins de 10 salariés). Plus de la moitié sont concentrées dans les départements du Rhône et de l’Isère. Enfin elles sont le plus souvent âgées de moins de 10 ans.
La priorité donnée aux conditions de travail
L’enquête montre que les conditions de travail sont une préoccupation importante des SCOP de Rhône-Alpes. La majorité des entreprises sont aux 35h, et près de 95% des salariés/coopérateurs ayant répondu se disent très satisfaits de leurs horaires. Les CDI sont privilégiés, avec 95% des réponses à l’enquête.
En contrepartie, l’échelle des rémunérations est plus resserrée, avec toutefois une certaine diversité : « La moyenne d’échelle des salaires pour nos 40 SCOP est de 2 : le plus bas salaire est égal à la moitié du plus haut salaire. Les écarts vont 1 à 6. »
Concernant la pénibilité et le stress, il semble que peu d’informations soient disponibles.
Démocratie, participation et importance du collectif
Un indicateur d’association des associés et salariés aux décisions importantes est le taux de sociétariat. Selon les enquêteurs il est « très élevé pour toutes les entreprises, c’est-à-dire supérieur à 50 % des salariés »
Les SCOP étudiées fonctionnent le plus souvent sur le principe de la démocratie directe, avec peu de hiérarchie: « ce serait plus une « pizza qu’une pyramide » ». Les enquêteurs observent qu’un compromis est recherché entre une grande autonomie des associés/salariés, et une coopération élevée grâce à un dialogue omniprésent.
Les décision sont décrites comme prises collectivement, dans l’intérêt du collectif, ce qui est favorisé par « la répartition des résultats, qui doivent être affectés en grande partie à des réserves qui ne se partagent pas. »
Les auteurs remarquent par ailleurs que ces caractéristiques des SCOP permettent de donner une place plus importante aux femmes (cf III.2) et aux « non-diplômés, qui ont une situation très défavorable sur le marché du travail (chômage, précarité de l’emploi et du travail, bas salaires), [mais] se situent dans une meilleure position dans les SCOP de notre échantillon. » (cf III.3)
Le rapport examine ensuite les mécanismes d’adaptation mis en place par les SCOP (chapitre IV), notamment les mécanismes de résolution de conflit. Il apparaît que très peu de SCOP disposent de syndicats ou d’instances représentatives du personnel. (IV.3).
Après avoir dégagé des traits communs dans la première partie, la seconde partie de l’enquête se consacre à la diversité des SCOP via de nombreux résultats chiffrés, et présente notamment une typologie des écarts à la « SCOP moyenne ». Nous y reviendrons dans un second article…
Liens
- Charmettant, Juban, Magne, Renou, Vallet, « LA QUALITÉ DES RELATIONS SOCIALES AU SEIN DES SCOP », décembre 2013.
- http://projetscop.blogspot.fr