Vendredi 30 décembre 2011, Thierry Mariani, ministre des transports, dénonçait le « jusqu’au-boutisme » et le « fanatisme » de la CFDT de SeaFrance. Le 2 janvier au matin, Nicolas Sarkozy impose à ses troupes un tournant à 180 degrés en se déclarant favorable au projet de reprise par les salarié-es. Il « demande à la SNCF de mettre en place une indemnisation supra-légale exceptionnelle en faveur des salariés licenciés afin de leur permettre d’apporter ces fonds à la Scop ».
Nous sommes évidemment là en plein débat présidentiel sur la désindustrialisation et la fuite des emplois. On se souvient des engagements du candidat président en faveur de l’aciérie Arcelor-Mittal à Gandrange, en Moselle, il y a cinq ans. On sait ce qu’il en est advenu.
Au-delà de l’annonce qui ne trompe guère sur les intentions du «candidat non déclaré», la solution coopérative, c’est-à-dire une forme d’autogestion devient une solution qui passe des catégories « jusqu’au boutisme » et « fanatisme » à celle de crédible. Il faut évidemment se garder de faire de ce retournement une simple manœuvre, même si la manœuvre est là, et il faut apprécier cette « métamorphose » qui, si la solution coopérative aboutit, peut modifier les conditions de l’ensemble des luttes pour la défense de l’emploi. Il n’y a aucune raison de ne pas engranger cette (petite ?) victoire.
Comparons la «solution CFDT» à la «proposition Sarkozy».
Pour la CFDT de SeaFrance, il n’a jamais été question de liquider cette compagnie. Au contraire, ils ont créé avec plus de 600 salarié-es sur 880 une Scop candidate à la reprise de SeaFrance et au maintien de la totalité des emplois. Plutôt que de recevoir des indemnités de licenciements de la SNCF, ils préconisent que l’activité et les actifs de la compagnie soient transférés à la Scop.
Pour le financement de l’entreprise, ils peuvent revendre un navire à une société d’économie mixte (SEM) qui la relouerait ensuite à la Scop pour son activité. Le plan est crédible d’autant que ce business plan avait reçu le soutien de Jean-Michel Giguet, ancien président du directoire de Brittany Ferries.
Dans cette formule, les salariés ne perdent nullement leur ancienneté dans l’entreprise. Alors que la direction de SeaFrance a choisi d’arrêter l’activité depuis le 15 novembre, les salarié-es de SeaFrance demandent que les navires reprennent la mer afin que l’entreprise ne perde pas, jour après jour, des parts de marché. Les salarié-es veulent la continuité de l’entreprise contre une direction qui pratique le lockout.
À l’inverse, la proposition Sarkozy part de la liquidation de l’entreprise, liquidation qui s’inscrit dans le droit fil de la cessation d’activité du 15 novembre décidée par la direction. Dans ce cadre, les salarié-es licencié-es sont invité-es à remettre leurs indemnités au capital de la Scop en perdant toute leur ancienneté.
On comprend qu’ils puissent être «réticents»! En ce qui concerne l’outil de travail, les bateaux seraient rachetés par la SNCF qui les relouerait à la Scop. À quel prix ? Certainement pas à un prix bradé : le concurrent P&O, qui verrait d’un bon œil la disparition d’un concurrent, veille au grain et en appellera à Bruxelles le cas échéant. Quel sera l’avenir de la Scop SeaFrance dans le cadre d’un tel montage? Peut importe pour Sarkozy pourvu que cela tienne jusqu’aux législatives de juin… On a bien vu l’arnaque, on voit maintenant le bluff.
La Scop doit pouvoir disposer des navires sans indemnité ni rachat et le soutien populaire doit se mettre en place au plus vite.
Deux philosophies s’affrontent ici. Celle de l’entrepreneuriat individuel éventuellement fédéré dans une coopérative. Celle de salariés pour qui le travail reste un droit et qui s’estiment collectivement capables de pérenniser l’activité de l’entreprise en utilisant la forme juridique de la SCOP. En résumé, c’est le libéralisme contre l’autogestion!