Il est probable que les élections municipales de mars 2014 se dérouleront dans un contexte de défiance exacerbée vis-à-vis de la « classe politique » dominante. L’abstention risque d’atteindre des sommets pour un scrutin local.
La France n’échappe pas au contexte international. De nombreux mouvements de révolte se sont développés depuis 2010, dont l’une des caractéristiques est une forte contestation de la représentation. On parle d’occuper l’espace urbain en fonctionnant en réseaux. Il est question de mouvements « rhizomiques » qui se développent de façon horizontale et souterraine, de « sujet collectif » (Manuel Castells) 1.
Les jeunes Brésiliens, Turcs ou Etats-uniens se sont élevés contre la corruption politique, l’arrogance des élites et revendiquaient la dignité. Les étudiants québécois (Carrés rouges), chiliens, mexicains (Yo soy 132) se sont mobilisés contre les frais d’inscription universitaire, la corruption et les inégalités. Les Occupy Wall-Street et Indignados rejettent les élites financières, la connivence entre le monde politique et financier et le capitalisme.
Si la France n’a été touchée que de façon marginale par de tels phénomènes, la démocratie hexagonale n’est pas plus exempte des fléaux qui menacent les démocraties dites modernes et libérales. Il existe une réelle crise démocratique dans notre pays – pourtant autrefois influencé par les Lumières – renforcée par la frilosité des organisations politiques à y remédier. Un processus de concentration des pouvoirs est à l’œuvre avec la contre-réforme des collectivités territoriales (Métropoles, communautés d’agglomérations, etc.), répondant aux intérêts d’un capitalisme de plus en plus despotique. Enfermées dans un eurocentrisme, les organisations politiques ne parviennent plus à innover et a fortiori à s’inspirer d’expériences issues des pays de la périphérie.
À l’Association Autogestion, nous pensons qu’il est nécessaire de rénover radicalement la démocratie. Cela passe, entre autres, par des expérimentations à l’échelle locale, ce qui donne un intérêt tout particulier aux élections locales. Les citoyen-ne-s doivent pouvoir décider de ce qui les concerne dans la vie de la cité et dans leur cadre de vie. Seule la démocratie active, conçue – au moins provisoirement – comme une articulation entre la démocratie directe et la démocratie représentative peut redonner l’espoir aux habitant-e-s et aux classes populaires. Les mandaté-e-s ne devraient être que des animateur-trice-s et porte-paroles de la collectivité sous le contrôle permanent de leurs mandants (Ex. Viladamat – Catalogne).
Ils existent des outils pour entreprendre cette nécessaire mutation. En premier lieu, le budget participatif, expérimenté par l’équipe conduite par Olivio Dutra à Porto Alegre en 1988. Cette expérience a donné des résultats tangibles en termes de participation citoyenne et d’amélioration du cadre de vie. Elle a été reprise dans des centaines de municipalités en Amérique du sud et dans les Caraïbes, et seulement une cinquantaine en Europe. Sous d’autres longitudes (Inde, Afrique), la démocratie active s’expérimente sous diverses formes. Sans idéaliser ces expériences aux résultats variables, elles démontrent au moins qu’il est possible de gérer différemment en associant directement les populations afin de sortir du schéma classique et anachronique de la démocratie bourgeoise, basé uniquement sur la délégation de pouvoirs.
En France, quelques villes tentent de fonctionner différemment, c’est le cas de la ville de Grigny (Rhône) qui a mis en place un budget participatif en 2006 décidant 60 % des investissements et dont l’objectif en cours est d’en confier l’intégralité à la décision des habitant-e-s. La ville s’est également dotée de diverses instances participatives (Conseils : de ville, culturel, de l’environnement, associatif, de crèche, de jeunes, de quartiers, des entreprises). Elle a été à l’initiative de la création du Réseau national de la démocratie participative qui regroupe 17 collectivités : Allonnes, Aulnay-sous-Bois, Blanc-Mesnil, Carrières-sous-Poissy, Cherbourg-Octeville, Divion, Firminy, Gennevilliers, Grigny, Malakoff, Marseille 13/14, Martigues, Mitry-Mory, Montataire, Portes-lès-Valence, Saint-Etienne du Rouvray et Valenton. Il existe d’autres tentatives d’innovation comme à Bobigny mais ce cercle de villes reste bien trop restreint.
A moins de trois mois du scrutin municipal, il est encore temps d’affiner les propositions et les modes de gestion à soumettre aux habitant-e-s pour sortir du cadre restrictif de la démocratie formelle.
Alors, un peu d’audace, mesdames et messieurs les candidat-e-s !
Notes:
- Manuel Castells, Redes de Indignación y Esperanza, (Les réseaux de l’indignation et de l’espoir), Alianza, Madrid, 2012. ↩