« Qui veut connaître le programme, regardera les actes », déclare Édouard Moreau, le 10 mai 1871. Engagé au 183e bataillon de la Garde nationale, élu au comité central de la Garde nationale, c’est lui qui propose, le 18 mars, l’organisation des élections qui feront de la Commune la nouvelle légalité parisienne. Il sera fusillé le 25 mai à la caserne Lobau.

« Qui veut connaître le programme, regardera les actes ». Que pourrait-on ajouter à cette simple phrase, prononcée par un personnage presque anonyme 1 ? Une phrase en forme de sujet piège pour étudiants en sciences politiques. Nous sommes en effet à des années lumières des rites électoraux auxquels nous sommes habitués, rites au cours desquels programmes et promesses, comme le disent les plaisantins, n’engagent que ceux qui y croient. Édouard Moreau concentre en une petite phrase, « banale » en apparence, la philosophie politique des communard·es, au-delà de leurs clivages politiques ou philosophiques, bien réels au demeurant.

Ce à quoi nous nous sommes attachés sur le site Autogestion, ce sont précisément à ces actes qui ne tiennent pas lieu de programme – ce serait un contre-sens de penser cela – mais qui le construisent dans le dire et dans le faire.

Ce sont ces actes qui montaient à l’assaut du ciel et qui entreprenaient de changer les bases du monde sous le feu de l’ennemi.

Ce sont ces actes que le peuple de Paris pouvait mesurer dans sa vie, jour après jour, décret après décret, qui forment programme et qui donnent chair et âme à l’idée que « l’émancipation de la classe ouvrière doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ».

Ce sont ces actes que les tenants de l’Ordre ont voulu extirper à coups de chassepots, de conseils de guerre et de déportation.

Ce sont ces actes que la droite parisienne d’aujourd’hui continue à vilipender. Il est vrai que leurs aïeux, les Amis de l’ordre, manifestaient le 21 mars 1871 en direction de la… Bourse.

C’est cette transformation sociale en marche vers ce qui ne s’appelait pas encore l’autogestion, mais qu’on entrevoit dans les faits et gestes de la Commune, que nous avons voulu donner à lire. Pour déceler ce qui se cache derrière le Mur des fédérés et qui nous parle encore. Pas seulement à nous d’ailleurs, mais aux versaillais de toujours et de partout.

La Commune, un modèle ? Non, évidemment ! Mieux qu’un modèle, un guide, une boussole, un GPS 2 !

18 mars
Devant le soulèvement de Paris après la tentative de Thiers de faire retirer les canons de Montmartre et de Belleville, le gouvernement se retire à Versailles.

19 mars
Le comité central de la Garde nationale annonce la tenue d’élections au conseil de la Commune.

21 mars
Manifestation pro-versaillaise à Paris des Amis de l’ordre en direction de la … Bourse.

22 mars
Proclamation de la Commune de Lyon.
Proclamation de la Commune de Paris : l’armée nouvelle « donne à la cité une milice nationale qui défend les citoyens contre le pouvoir, au lieu d’une armée permanente qui défend le pouvoir contre les citoyens ». RENVOI VERS ARTICLE DE PATRICK LT

23 mars
Commune de Marseille

24 mars
Commune de Narbonne, Toulouse et Saint-Étienne.

26 mars
Commune au Creusot.
Élections à Paris.

28 mars
Proclamation de la Commune de Paris.

2 avril
Thiers ayant ordonné aux fonctionnaires de rejoindre Versailles ou de déserter, la Commune s’est appuyé sur le « prolétariat des employés ordinaires » (Bernard Noël) pour reconstituer une administration moins pléthorique. Pour enrayer la stratification d’une bureaucratie et pour mettre en place un « gouvernement à bon marché », la Commune cherche à aligner le traitement des fonctionnaires sur les salaires des travailleurs et fixe le maximum à 6000 francs par an. Selon Bernard Noël, la Commune avait pour objectif de « confier les postes clés de l’administration à ces citoyens élus par le peuple, donc responsables devant lui et révocables par lui ».

4 avril
Écrasement de la Commune de Marseille.

11 avril
Fondation de l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés qui recruta plus d’un millier d’ambulancières. Celles-ci percevaient la même solde que les gardes nationaux.

16 avril
Décret de réquisition des ateliers abandonnés.

19 avril
La « déclaration au peuple français » stipule : A REDIGER

22 avril
Création des boucheries municipales.

28 avril
Décret interdisant le travail de nuit pour les boulangers. Décret supprimant le système des amendes infligées aux ouvriers par leurs patrons.

3 mai
Dépôt de la pétition de l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés réclamant du travail « puisque nos frères, nos maris, nos fils ne peuvent subvenir aux besoins de la famille ».

6 mai
Proposition est faite de mettre en place des ateliers qui fourniraient aux femmes du travail à domicile. Informée du projet, l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés demande à être associée à son élaboration. Ses divers comités recensent les chômeuses dans les arrondissements, métier par métier, ainsi que les ateliers abandonnés.

14 mai
Publication du recensement des associations ouvrières de production établi par le secrétaire de la commission du travail, de l’industrie et de l’échange. Il y est fait état de 42 associations dont des fabricants de chaises, des charpentiers, des chaudronniers, des ferblantiers, des graveurs sur bois, des fabricants de lanternes, des imprimeurs, des maçons, des menuisiers, des opticiens, des papetiers, des peintres en bâtiment, des plombiers-couvreurs, des serruriers, des tailleurs, des tonneliers et des typographes.

16 mai
Par décret, tout garde national surpris en état d’ivresse est privé de sa solde pendant quatre jours. La somme retenue est « distribué par les soins des conseils de famille aux enfants les plus nécessiteux de sa compagnie ».

17 mai
Le décret sur les pensions supprime la distinction entre enfants légitimes et naturels et entre femmes mariées et concubines.

21 mai
Publication au Journal officiel du Règlement soumis à l’approbation de la Commune de Paris par les ouvriers de l’Atelier du Louvre. Expérimenté dans l’entreprise, ce « Règlement » préconise « l’administration de l’entreprise par un conseil ouvrier ». Celui-ci serait composé d’un représentant de la direction, d’un chef d’atelier, des « chefs de banc et d’un ouvrier de chaque banc, tous élus par l’ensemble des ouvriers et tous révocables ». Un représentant de la Commune, lui aussi élu, assurerait la présidence de ce conseil « chargé à la fois de la direction et de la surveillance ». Par surveillance, il faut entendre que les délégués « auront le droit de prendre connaissance de toutes les opérations intérieures et extérieures » et que les livres de compte leur seraient ouverts. Le conseil est également « habilité à statuer sur l’embauche et le licenciement ».

Notes:

  1. Voir Marcel Cerf, Édouard Moreau, L’âme du comité central de la Commune, Paris, Denoël, 1971, http://archivesautonomies.org/IMG/pdf/commune/communedeparis/edouardmoreau.pdf.
  2. Sources : Bernard Noël, Dictionnaire de la Commune, Paris, Flammarion, 1978 ; Prosper-Olivier Lissagaray, Histoire de la Commune, Paris, La Découverte, 2005 ; La Commune au jour le jour, Paris, Syllepse, 2021 ; « La Commune de Paris, mémoires et horizons », Les Utopiques, n°16, Paris, Syllepse/Union syndicale Solidaires, mars 2021 ; Autogestion et socialisme, n°15, mars 1971.