La reprise des cours le lundi 2 novembre s’est faite dans l’inquiétude, la colère, l’exaspération. Spontanément, des personnels se sont mobilisés, ont débattu, échangé dans une horizontalité démocratique s’opposant à la verticalité et l’arbitraire d’un pouvoir ministériel méprisant autant que dangereux et irresponsable. La grève du 10 novembre en est la conséquence.
Ce lundi 2 novembre devait être dédié à échanger, se recueillir et organiser l’hommage à notre collègue Samuel Paty. La décision du ministère Blanquer, un vendredi soir, de bouleverser ce temps nécessaire a été vécu comme une marque de mépris institutionnel par de très nombreux personnels de l’Éducation nationale. Encore aujourd’hui, les personnels sont en attente de ce temps d’échange.
Dans un contexte de reprise épidémique grave, les conditions sanitaires du retour dans les écoles et établissements décidées par le ministère ont été stupéfiantes par leur insuffisance et ont déclenché l’inquiétude, l’exaspération et la colère de celles et ceux qui font vivre concrètement et au quotidien le service public d’éducation.
À part ouvrir les fenêtres, rien ne distinguait la matinée du lundi 2 novembre de la veille des congés de Toussaint. Les annonces de désinfection renforcée butaient sur l’absence de recrutement. La limitation du brassage des élèves se fracassait sur l’absence de réduction des effectifs de classe et d’établissement.
Exigence démocratique
Dès le lundi 2 novembre les personnels se mobilisaient, principalement dans le second degré : assemblées générales, réunions d’information syndicale imposées hors délai de rigueur, débrayages, grèves… Des lycéennes et lycéens bloquaient leurs établissements et étaient violemment réprimé·es par la police.
L’Île-de-France et particulièrement le département de Seine-Saint-Denis étaient au cœur de ces mobilisations. Mais elles ont bel et bien été présentes partout. Appuyées bien sûr par des équipes syndicales, elles ont reposé sur une certaine spontanéité et l’exigence démocratique de reprendre le temps refusé et confisqué. L’horizontalité de ces mobilisations, étalées sur toute la semaine du 2 au 6 novembre, sa dimension autogestionnaire, s’opposaient à la verticalité et à l’arbitraire du pouvoir ministériel. À la morgue et au mépris désormais coutumier du ministre Blanquer s’ajoutait l’irresponsabilité face à l’épidémie.
Irresponsabilité encore quand le 5 novembre, le ministre annonce un aménagement de protocole ne comprenant que les seuls lycées, excluant les écoles et les collèges, et dont la soi-disant règle du « 50 % » se fait sans garanties ni moyens. D’où l’appel généralisé à la grève le 10 novembre.
C’est bien leur auto-défense sanitaire qu’exercent aujourd’hui les personnels du secteur de l’éducation (qu’il s’agisse des enseignant·es comme des personnels de vie scolaire, d’entretien et de service, de santé…). Et cela s’est traduit par des contre-protocoles sanitaires élaborés collectivement où revenait la nécessité de limiter les effectifs présents afin que les écoles et les établissements ne se transforment pas en clusters à répétition. Où des adaptations liées à l’exercice concret des différents métiers de l’Éducation nationale étaient débattues, discutées et prises en compte collectivement. Ce sont celles et ceux qui travaillent et qui se mobilisent qui sont responsables.
Car il s’agit bien d’éviter à tout prix la fermeture pure et simple face à la progression de la maladie et de maintenir la continuité du service public d’éducation.
Pour l’école des filles et fils de premier·es de corvée
C’est quelque chose d’important : les personnels, et les enseignant·es notamment, se mobilisent parce qu’elles et ils savent que le précédent confinement et sa prétendue « continuité pédagogique » a en réalité creusé les inégalités sociales et scolaires.
Oui, les mobilisations en cours relèvent bien de l’auto-défense sanitaire, mais elles sont aussi un engagement pour l’école des filles et fils de premier·es de corvée.
Que les équipes éducatives du 93 soient mobilisées découle de cela : ce n’est pas un hasard si dans ce département une journée de grève, appelée par une intersyndicale très large, était déjà programmée le 17 novembre pour un plan d’urgence dans l’éducation face à la crise sociale et sanitaire.
Cet engagement est également présent dans les contre-protocoles sanitaires des personnels : lorsque ces derniers ne se limitent pas aux demi-groupes en classe mais pointent également les jauges d’établissement c’est parce qu’ils ne pensent pas en termes uniquement « corporatifs » mais aussi en termes de choix de société. Ce sont les effectifs des établissements qu’il faut diviser de moitié, et pas seulement les groupes classe. Parce que le « brassage » des élèves ne s’arrête pas aux classes : il y a les couloirs, les cantines, les espaces aux abords des établissements, les transports en commun… et bien sûr les familles des élèves !
Dans le contexte sanitaire et social actuel, l’action sur le lieu de travail s’articule ici pleinement à une mobilisation de société : celle qui inscrit les luttes de l’éducation dans celles des classes populaires pour l’égalité, la justice et la dignité.