Passé le temps de la décolonisation et de la poussée nationalitaire des années 1970, le droit à l’autodétermination des peuples semblait oublié dans l’Hexagone et voilà, qu’en cet automne, il ressurgit avec une grande acuité. La victoire des formations nationalistes (autonomistes et indépendantistes réunis) en Corse, les litiges dans la définition du collège électoral pour le référendum d’autodétermination prévu en Kanaky en 2018 et la proclamation symbolique de la République catalane (même si le sentiment nationaliste s’exprime peu en Catalogne du Nord) sont l’expression du retour au premier plan de la question nationale.
La République française, chantre des droits humains, ne concède même pas les droits culturels en métropole, elle n’a toujours pas signé ou ratifié les conventions du Conseil de l’Europe : la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales de 1991 (non signée) et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992 (non ratifiée par le Parlement). Les rapports de domination coloniale sont toujours présents comme l’ont révélé les événements dans les « départements » d’outre-mer en Guadeloupe en 2009 ou en Guyane au printemps dernier.
Pour les autogestionnaires, le droit à l’autodétermination des peuples est un principe démocratique fondamental qui n’implique pas de solution unique et prédéterminée : il exprime le droit de décider de son sort et des propres affaires, selon une logique d’autogouvernement qui laisse chaque peuple libre d’évaluer dans chaque contexte, quel est le meilleur statut (ou forme d’État) lui permettant de défendre sa dignité et ses droits. C’est pourquoi, le droit d’autodétermination doit inclure le droit de se séparer quand toute autre solution (Etat plurinational, par exemple, sous diverses variantes) semble bloquée. Ce droit se combine à d’autres, selon les forces sociales et politiques qui le portent – notamment les droits sociaux et la procédure politique de choix (droit de séparation, droit de décider de son sort et des propres affaires, autogouvernement). L’exercice des droits collectifs des peuples sans État plus ou moins opprimés doit être reconnu comme le préconise la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques adoptée par l’Organisation des nations unies (ONU) en 1992.
Le non-respect des droits culturels et historiques et/ou la non-reconnaissance des Peuples s’affirmant comme Nations nourrissent naturellement des velléités de séparation étatique. La non-reconnaissance du peuple corse par la République française ou de la nation catalane par l’Etat espagnol sont des éléments constitutifs séparatistes. Le peuple kanak, victime du colonialisme et d’un génocide, n’est toujours pas pleinement reconnu. Sera-t-il en capacité de se prononcer dans le cadre d’un débat loyal et respectueux en 2018 ?
Un Peuple est couramment défini comme « un ensemble d’êtres humains vivant sur le même territoire ou ayant en commun une culture, des mœurs, un système de gouvernement. Ceux-ci forment à un moment donné une communauté partageant majoritairement un sentiment d’appartenance durable, une communauté de destins » (http://www.cnrtl.fr/lexicographie/peuple). Mais il se définit avant tout par lui-même, par un sentiment d’appartenance commun et non pas sur la seule origine ethnique.
Il n’existe pas de définition juridique du terme « Nation ». Elle a par ailleurs évolué au fil des siècles. Dans les différentes langues et pays, les termes « peuple » et « nation » ne sont pas forcément distincts. Le plus souvent, on associe :
– « citoyenneté » et droit du sol à « peuple » ;
– « nation » avec une réalité historique subjective et culturelle qui peut s’insérer au sein d’un « peuple plurinational ».
Sauf qu’en France « citoyenneté » et « nationalité » sont « entendues » de façon unitariste et unifiée : une seule « nation » (ou un seul « peuple » possible) sur le territoire de la France une et indivisible…
La nation est une réalité historique en perpétuelle mutation. Les nations sont des communautés de culture et de destin, intégrant diverses formes des groupes sociaux à travers les mutations des forces productives et des rapports de production. C’est une « auto-affirmation » collective d’un groupe de s’ériger en Nation.
Au regard de l’actualité, il importe de revisiter et approfondir ces notions. Un débat que les autogestionnaires devraient impulser.